Il est demandé au lecteur de pardonner la forme volontairement synthétique mais bien peu littéraire du développement suivant, destiné essentiellement aux praticiens du Droit, initialement rédigé au profit des étudiants de droit de l’Université Paris II dans le cadre de leurs enseignements ainsi qu’aux différents avocats de notre cabinet.
a) Conditions d’application de la période d’essai :
Condition absolue : la période d’essai doit être stipulée dans la lettre d’engagement ou le contrat de travail.
L’article L1221-23 du Code du travail dispose que : « La période d’essai et la possibilité de la renouveler ne se présument pas. Elles sont expressément stipulées dans la lettre d’engagement ou le contrat de travail ».
Cette disposition n’est d’ailleurs pas contraire à l‘ancienne jurisprudence qui précisait qu’en l’absence de dispositions de la convention collective l’interdisant, le contrat de travail peut valablement prévoir une période d’essai (Cass. soc., 15 avr. 1983).
Il n’y a donc plus lieu de distinguer, comme avant l’application de la loi du 25 Juin 2008, entre les cas où la Convention collective imposait une période d’essai du cas où elle se contentait de l’envisager sans la rendre automatique.
De ce fait, seules les jurisprudences suivantes devraient donc continuer à s’appliquer :
. la seule référence à la convention collective ne suffit pas à apporter la preuve que la période d’essai a été convenue. (Cass. Soc. 18 mars 1992) ;
. la période d’essai ne se présumant pas, elle doit être fixée dans son principe et dans sa durée dès l’engagement du salarié (Cass. Soc. 28 juin 2000).
Par ailleurs, la période d’essai prévue par un contrat de travail signé postérieurement à la prise des fonctions n’est pas opposable au salarié, dès lors que la convention collective stipule que la période d’essai ne peut être prévue qu’à l’embauche (Cass. Soc., 25 janv. 2006).
En revanche, il ne suffit donc plus que le salarié ait eu connaissance d’une Convention collective (lorsque celle-ci « imposait » une période d’essai) pour qu’elle lui soit applicable.
b) Durée :
L’article L1221-19 du Code du travail dispose désormais que : « Le contrat de travail à durée indéterminée peut comporter une période d’essai dont la durée maximale est :
1° Pour les ouvriers et les employés, de deux mois ;
2° Pour les agents de maîtrise et les techniciens, de trois mois ;
3° Pour les cadres, de quatre mois. »
L’article L1221-22 du Code du travail dispose également que : « Les durées des périodes d’essai fixées par les articles L. 1221-19 et L. 1221-21 ont un caractère impératif, à l’exception :
de durées plus longues fixées par les accords de branche conclus avant la date de publication de la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008 portant modernisation du marché du travail ;
de durées plus courtes fixées par des accords collectifs conclus après la date de publication de la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008 précitée ;
de durées plus courtes fixées dans la lettre d’engagement ou le contrat de travail ».
En cas d’absence, du salarié, la période d’essai doit être prolongée d’une durée égale à celle de l’absence (Cass. Soc. 31 mars 1994). Néanmoins, la maladie du salarié n’empêche pas l’employeur de rompre la période d’essai s’il estime que l’essai n’est pas concluant (Cass. soc. 21 novembre 1979).
Décompte en jours calendaires : Toute période d’essai exprimée en jours se décompte en jours calendaires (Cass. Soc. 29 Juin 2005). Ainsi, une période d’essai de deux mois entamée le 15 février prend fin le 14 avril à minuit. De même, la période d’essai qui expire un jour non travaillé (par exemple le dimanche) prend fin à ce jour-là, sans que le terme soit reporté au jour travaillé suivant (contrairement à ce que prévoient les dispositions de l’article 642 du C.P.C.).
c) Prolongation et renouvellement :
L’article L1221-21 du Code du travail dispose désormais que : « La période d’essai peut être renouvelée une fois si un accord de branche étendu le prévoit. Cet accord fixe les conditions et les durées de renouvellement.
La durée de la période d’essai, renouvellement compris, ne peut pas dépasser :
1° Quatre mois pour les ouvriers et employés ;
2° Six mois pour les agents de maîtrise et techniciens ;
3° Huit mois pour les cadres ».
Il est donc nécessaire, pour que le renouvellement de la période d’essai soit valable qu’il soit prévu :
Par un accord de branche étendu (ou, par extension, dans le cadre d’une convention collective de branche étendue).
Dans la lettre d’engagement ou le contrat de travail.
Par ailleurs, et conformément à l’ancienne jurisprudence de la Cour de cassation :
En l’absence d’accord de branche ou de Convention collective étendu : pas de renouvellement possible, même s’il est prévu par le contrat de travail (conformément à l’ancienne jurisprudence : Cass. Soc. 19 avril 2000).
De même serait nulle une clause contractuelle prévoyant le renouvellement de la période d’essai si cette faculté n’est pas prévue par un accord de branche ou une Convention collective étendue (conformément à l’ancienne jurisprudence : Cass. Soc. 30 mars 1995).
Le renouvellement ou la reconduction de la période d’essai n’est applicable au salarié que dans les conditions dans lesquelles elle est prévue par l’accord de branche ou la Convention collective étendue (Cass. Soc. 23 Janvier 1992 ; Cass. Soc. 10 Novembre 1998).
La décision de renouveler ou pas la période d’essai continue à requérir l’accord exprès des parties (Cass. Soc. 23 janvier 1997) et ne peut résulter du silence du salarié (Cass. Soc. 5 mars 1996). La question se pose néanmoins désormais de savoir s’il serait possible d’imposer initialement, dans le cadre de la lettre d’engagement ou du contrat de travail, le renouvellement de la période d’essai, mais cela me semblerait contraire à l’esprit du texte.
d) Distinction entre " Période d’essai " et " Période probatoire " :
L’article L 1221-24 du Code du travail dispose que : « En cas d’embauche dans l’entreprise à l’issue du stage intégré à un cursus pédagogique réalisé lors de la dernière année d’études, la durée de ce stage est déduite de la période d’essai, sans que cela ait pour effet de réduire cette dernière de plus de la moitié, sauf accord collectif prévoyant des stipulations plus favorables ».
Par ailleurs, il convient de distinguer la période d’adaptation, de la période d’essai, de la période probatoire :
Période d’adaptation : Lorsqu’une période d’adaptation est effectuée au début du contrat de travail, elle doit être incluse dans la durée de la période d’essai (Cass. Soc. 5 Juillet 2005).
Période d’essai : en début de contrat.
Période probatoire : en cours de contrat. Ainsi, une période probatoire en début de contrat sera souvent considérée comme une période d’essai (ex. pour stages : Cass. Soc. 29 novembre 1978 : une phase probatoire dans le cadre d’un stage professionnel est considérée comme une période d’essai). De même, une " période d’essai " ne peut être valablement convenue en cours de contrat (entre les mêmes parties). Cette " période d’essai ", en cours de contrat sera considérée comme une période probatoire (Cass. Soc. 30 Mars 2005).
La rupture d’une période probatoire, convenue en cours de contrat, a pour effet de replacer le salarié dans ses fonctions antérieures (Cass. Soc. 30 Mars 2005).
Cass. Soc. 25 avril 2001 : les dispositions protectrices du droit du travail applicables aux périodes d’essai ne trouvent pas à s’appliquer aux périodes probatoires, car ces dernières ne constituent pas une période d’essai. Une période probatoire en vue d’une promotion professionnelle en cours de contrat ne constitue pas une période d’essai.
Cass. Soc. 30 Mars 2005 : En présence de deux contrats de travail successifs conclus entre les mêmes parties, ou en présence d’un avenant au premier contrat, la période d’essai stipulée dans le second contrat ou dans l’avenant ne peut, être qu’une période probatoire dont la rupture a pour effet de replacer le salarié dans ses fonctions antérieures. La rupture du contrat lors de cette soi-disant " période d’essai " (en réalité " période probatoire ") constitue en réalité un licenciement et un salarié ne peut valablement renoncer pendant la durée de son contrat, par avance (par exemple, dans le cadre d’un avenant), au droit de se prévaloir des règles légales de licenciement.
e) La rupture du contrat en cours de période d’essai :
Rupture à l’initiative de l’employeur :
L’article L1221-25 du Code du travail dispose que : « Lorsqu’il est mis fin, par l’employeur, au contrat en cours ou au terme de la période d’essai définie aux articles L. 1221-19 à L. 1221-24 ou à l’article L. 1242-10 pour les contrats stipulant une période d’essai d’au moins une semaine, le salarié est prévenu dans un délai qui ne peut être inférieur à :
1° Vingt-quatre heures en deçà de huit jours de présence ;
2° Quarante-huit heures entre huit jours et un mois de présence ;
3° Deux semaines après un mois de présence ;
4° Un mois après trois mois de présence.
La période d’essai, renouvellement inclus, ne peut être prolongée du fait de la durée du délai de prévenance ».
Rupture à l’initiative du salarié :
L’article L1221-26 dudit Code prévoit que : « Lorsqu’il est mis fin à la période d’essai par le salarié, celui-ci respecte un délai de prévenance de quarante-huit heures. Ce délai est ramené à vingt-quatre heures si la durée de présence du salarié dans l’entreprise est inférieure à huit jours ».
Par ailleurs, et conformément aux dispositions de l’ancienne jurisprudence, la rupture doit être motivée par des circonstances étant en relation avec l’exécution du contrat de travail du salarié.
Cass. Soc. 17 mars 1971 : Rupture du contrat en cours de période d’essai causée par le fait que la salariée n’avait pas indiqué à son employeur qu’elle était fiancée. La Cour de cassation déclare que la rupture est abusive.
+ Rappel (Jurisprudence) : L’état marital du salarié n’a pas à être déclaré à l’employeur au moment de l’embauche (le questionnaire d’embauche doit faire figurer des informations limitées aux seules informations permettant d’apprécier la capacité à occuper un emploi donné ou les aptitudes professionnelles. L 121-6 code du travail).
Cass. Soc. 9 Octobre 1996 : Rupture du contrat en cours de période d’essai ne pouvait avoir pour cause l’insuffisance des capacités professionnelles du salarié car :
il avait effectué le même emploi au sein de la même entreprise durant 15 ans,
il s’est vu demandé d’effectuer de nombreuses heures supplémentaires.
Confirmation de Jurisprudence : (Cass. Soc. 12 octobre 1994 : Est abusive la rupture en cours de période d’essai d’un nouveau contrat de travail faisant suite à un contrat précédent identique). Confirmation : Cass. Soc.28 juin 2000 : la période d’essai stipulée dans le second contrat rétroagit au jour du commencement de l’exécution du premier contrat.
Cass. Soc. 16 février 2005 : La période d’essai ne peut être rompue pour un motif discriminatoire.
Cass. Soc. 11 mai 2005 : La date de la rupture correspond à la date d’envoi de la notification par l’employeur (corroboré par les règles en matière de licenciement dans la mesure où la date de rupture du contrat s’apprécie à la date d’envoi de la lettre de licenciement : Cass. Soc. 26 Septembre 2006).
Auteurs : Michael AMADO et Charlotte GUY, Cabinet AMADO AVOCATS
michael.amado chez avocats-amado.net
charlotte.guy chez avocats-amado.net
ANNEXE
CODE DU TRAVAIL (in http://www.legifrance.gouv.fr/)
Section 4 : Période d’essai.
Article L1221-19
Le contrat de travail à durée indéterminée peut comporter une période d’essai dont la durée maximale est :
1° Pour les ouvriers et les employés, de deux mois ;
2° Pour les agents de maîtrise et les techniciens, de trois mois ;
3° Pour les cadres, de quatre mois.
Article L1221-20
La période d’essai permet à l’employeur d’évaluer les compétences du salarié dans son travail, notamment au regard de son expérience, et au salarié d’apprécier si les fonctions occupées lui conviennent.
Article L1221-21
La période d’essai peut être renouvelée une fois si un accord de branche étendu le prévoit. Cet accord fixe les conditions et les durées de renouvellement.
La durée de la période d’essai, renouvellement compris, ne peut pas dépasser :
1° Quatre mois pour les ouvriers et employés ;
2° Six mois pour les agents de maîtrise et techniciens ;
3° Huit mois pour les cadres.
Article L1221-22
Les durées des périodes d’essai fixées par les articles L. 1221-19 et L. 1221-21 ont un caractère impératif, à l’exception :
de durées plus longues fixées par les accords de branche conclus avant la date de publication de la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008 portant modernisation du marché du travail ;
de durées plus courtes fixées par des accords collectifs conclus après la date de publication de la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008 précitée ;
de durées plus courtes fixées dans la lettre d’engagement ou le contrat de travail.
Article L1221-23
La période d’essai et la possibilité de la renouveler ne se présument pas. Elles sont expressément stipulées dans la lettre d’engagement ou le contrat de travail.
Article L1221-24
En cas d’embauche dans l’entreprise à l’issue du stage intégré à un cursus pédagogique réalisé lors de la dernière année d’études, la durée de ce stage est déduite de la période d’essai, sans que cela ait pour effet de réduire cette dernière de plus de la moitié, sauf accord collectif prévoyant des stipulations plus favorables.
Article L1221-25
Lorsqu’il est mis fin, par l’employeur, au contrat en cours ou au terme de la période d’essai définie aux articles L. 1221-19 à L. 1221-24 ou à l’article L. 1242-10 pour les contrats stipulant une période d’essai d’au moins une semaine, le salarié est prévenu dans un délai qui ne peut être inférieur à :
1° Vingt-quatre heures en deçà de huit jours de présence ;
2° Quarante-huit heures entre huit jours et un mois de présence ;
3° Deux semaines après un mois de présence ;
4° Un mois après trois mois de présence.
La période d’essai, renouvellement inclus, ne peut être prolongée du fait de la durée du délai de prévenance.
Article L1221-26
Lorsqu’il est mis fin à la période d’essai par le salarié, celui-ci respecte un délai de prévenance de quarante-huit heures. Ce délai est ramené à vingt-quatre heures si la durée de présence du salarié dans l’entreprise est inférieure à huit jours.
Auteurs : Michael AMADO et Charlotte GUY, Cabinet AMADO AVOCATS
michael.amado chez avocats-amado.net
charlotte.guy chez avocats-amado.net