Heures supplémentaires : appréciation souveraine des juges du fond.

Par Annabelle Sevenet, Avocat.

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Explorer : # heures supplémentaires # juges du fond # créances salariales # preuve

Le message de la Cour de cassation aux employeurs : soyez plus rigoureux dans le suivi du temps de travail des salariés.

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Par quatre arrêts de revirement, du 4 décembre 2013, la Cour de cassation a posé un nouveau principe de fixation du montant des créances salariales dues au titre des heures supplémentaires :

« Ayant constaté l’existence d’heures supplémentaires, la cour d’appel, motivant sa décision, en a souverainement évalué l’importance et fixé en conséquence les créances salariales s’y rapportant en fonction des éléments de fait qui lui étaient soumis et qu’elle a analysés  ». (Cass. Soc. 4 décembre 2013, n° 12- 11.886)

« Mais attendu qu’ayant constaté l’existence d’heures supplémentaires, la cour d’appel en a souverainement évalué l’importance et fixé en conséquence les créances salariales s’y rapportant, en fonction des éléments de fait qui lui étaient soumis et qu’elle a analysés  » (Cass. Soc. 4 décembre 2013, n° 12-17.525)

« Mais attendu qu’après avoir pris en considération les éléments fournis par le salarié qu’elle a analysés, la cour d’appel a, sans être tenue de préciser le détail du calcul appliqué, souverainement évalué l’importance des heures supplémentaires et fixé en conséquence les créances salariales s’y rapportant ; que les moyens ne sont pas fondés » (Cass. Soc. 4 décembre 2013, n° 11-28.314)

« Mais attendu, d’abord, qu’après avoir apprécié l’ensemble des éléments de preuve qui lui étaient soumis, la cour d’appel, qui n’a pas procédé à une évaluation forfaitaire, a, sans être tenue de préciser le détail du calcul appliqué, souverainement évalué l’importance des heures supplémentaires et fixé en conséquence les créances salariales s’y rapportant » (Cass. Soc. 4 décembre 2013, n° 12-22.344)

Jusqu’à ces quatre arrêts, les juges du fond avaient l’obligation de motiver en détail le calcul des sommes dues aux salariés, au titre des heures supplémentaires, ce qui était encore sanctionné par la Cour de Cassation en 2012 (Cass. Soc. 12 décembre 2012, n°11-23.769).

Dorénavant, les juges du fond peuvent apprécier, souverainement, le montant des sommes dues, sans que ces derniers n’aient à préciser le calcul opéré ni même à préciser le nombre d’heures supplémentaires indemnisées.

Ainsi, cette solution élargit considérablement les pouvoirs des juges du fond, leur permettant de statuer plus rapidement sur les litiges relatifs au paiement des heures supplémentaires et accroit aussi et surtout la liberté de la preuve au profit des salariés.

Le risque d’un tel revirement est de faire peser la charge de la preuve quasi exclusivement sur l’employeur, alors que le Code du travail avait instauré un principe de partage de la preuve entre employeur et salarié (article L. 3171-4 du code du travail) et peut également s’avérer en contradiction avec la prescription triennale applicable en matière de salaires puisque les juges du fond n’auront plus l’obligation de préciser la période indemnisée (L. 3245-1 du code du travail).

Nul doute que la Cour de Cassation, en optant pour la disparition de l’obligation de motivation du détail de calcul des créances salariales au titre des heures supplémentaires, souhaite pousser les employeurs à tenir, de manière précise et rigoureuse, un registre justifiant du temps de travail réel des salariés et réduire le temps passé à la résolution de tels litiges.

Annabelle SEVENET- Avocate Associée - Droit Social
www.jane-avocats.com

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Discussions en cours :

  • par CHARPENTIER , Le 23 avril 2014 à 10:12

    On savait que les juges d’appel dans les chambres sociales n’étaient pas vraiment portés sur les calculs. Trop fatiguant sans doute. J’ai eu moi-même l’occasion de le constater à plusieurs reprises en matière sociale où, par exemple, le brut est confondu avec le net, les heures supplémentaires avec les complémentaires et l’incidence des jours d’absence et fériés sur la semaine civile de décompte gravement méconnue. Il est vrai aussi que les avocats plaidants ne les aident pas toujours beaucoup, étant pour un certain nombre fâchés avec les chiffres.

    Bref maintenant, voilà les juges d’appel affranchis de donner une base légale à leur décision. Du fait de l’existence d’heures supplémentaires, les voilà autorisés à transformer une parfois juste condamnation civile en condamnation quasiment pénale dont ils apprécieront seuls l’importance, mais sans texte. Dans une telle situation, nul doute que des salariés comme des employeurs seront avantagés ou désavantagés selon l’humeur ou "le sentiment" du président dont le pouvoir est devenu discrétionnaire.

    Décidément, les magistrats de la cour de cassation ont plus d’un tour dans leur sac et, malgré le texte de loi pourtant clair, font peser de plus en plus la charge de la preuve sur le "défendeur".

  • par Olivier , Le 27 mars 2014 à 11:13

    Et si un salarié est lésé par la cour d’appel dans le "mode de calcul" retenu et non justifié ?

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