Vous voici donc prévenus : chacun de vos salariés n’ayant pas vu le médecin du travail à son embauche a donc potentiellement le droit de vous réclamer des dommages-intérêts qui lui seront systématiquement alloués par le Conseil de Prud’hommes en vertu de la décision qui vient d’être rendue et ce, sans avoir à prouver un préjudice spécifique. D’où le rappel qui suit…
Comment procéder à la visite médicale d’embauche ?
La Loi nous dit que la visite médicale d’embauche doit avoir lieu avant l’embauche ou au plus tard avant la fin de la période d’essai (Article R.4624-10 du Code du travail).
Le fait de conditionner l’embauche effective au résultat positif de la visite médicale, déclarant le salarié « apte », et de programmer la visite médicale avant le premier jour de travail permet à l’employeur de ne pas donner suite à son offre d’embauche si le résultat de cette visite médicale ne débouche pas sur cette déclaration d’aptitude au poste proposé.
De même, dans le cadre d’un contrat de travail comportant à la fois une période d’essai et la condition d’aptitude au poste, l’organisation de la visite médicale d’embauche au début de cette période d’essai permet dans les faits à l’employeur de ne pas poursuivre le contrat de travail si la condition d’aptitude n’est pas remplie.
Zoom sur les autres visites obligatoires qui peuvent aussi vous coûter cher !
Examen périodique : tous les 24 mois (Article R. 4624-16 du Code du travail) ;
Examen de reprise : il a lieu après un arrêt de travail de plus de 21 jours, un congé maternité, une absence pour maladie professionnelle, une absence d’au moins 8 jours pour accident du travail.
Attention danger pour les employeurs !
La Cour de cassation a récemment rendu deux autres arrêts concernant des omissions de visites médicales de reprise : arrêt du 5 octobre 2010 (n° 09-41642) et arrêt du 6 octobre 2010 (n° 09-66140).
Elle condamne l’employeur pour cette omission dan les termes suivants :
« L’initiative de la visite de reprise appartient normalement à l’employeur dès lors que le salarié qui remplit les conditions pour en bénéficier se tient à sa disposition pour qu’il y soit procédé ».
La Cour affirme ainsi qu’il n’est pas nécessaire que le salarié ait sollicité la visite de reprise après une absence de 21 jours car il appartenait à l’employeur d’organiser celle-ci. Et sa carence justifie par elle-même la mise en cause et la condamnation du chef d’entreprise.
Le verdict ? Des dommages-intérêts pour licenciement abusif, soit 6 mois bruts de salaires minimum à verser au salarié pour cette omission (lorsque le salarié compte un an d’ancienneté et appartient à une entreprise d’au moins onze salariés).
Comment en arrive-t-on à une peine aussi lourde ? Parce que le salarié
(1) a considéré que son employeur avait commis une faute contractuelle en ne procédant pas à la visite médicale de reprise et
(2) a « pris acte » de la rupture de son contrat de travail aux torts de l’employeur en portant l’affaire devant le juge prud’homal à qui il a demandé de requalifier cette prise d’acte en un licenciement abusif (le juge devant requalifier cette prise d’acte soit en un licenciement abusif, soit en une démission du salarié).
La Cour de cassation a donné raison au salarié :
elle affirme que la gravité de l’omission par l’employeur de la visite médicale de reprise était telle qu’elle s’analyse en une inexécution de ses obligations au titre du contrat de travail.
Par conséquent, cette inexécution contractuelle fondait la prise d’acte du salarié et lui donnait effectivement les effets d’un licenciement abusif :
« Le manquement de l’employeur à son obligation d’organiser la visite de reprise est suffisamment grave pour justifier une prise d’acte de rupture aux torts de l’employeur. »
Le principe fondateur qui sous-tend la condamnation de l’employeur est, encore une fois, la fameuse obligation de sécurité de résultat qu’assume l’employeur vis-à-vis de chacun de ses salariés.
Obligation « de sécurité » créée par la jurisprudence de la Cour de cassation qui rend l’employeur garant de la conservation de la santé physique et mentale de ses salariés au travail ; obligation qui étend peu à peu son emprise au fil des décisions de la Cour, notamment, dans des hypothèses où une exigence formelle ou réglementaire a été omise par l’employeur -ici, passer une visite médicale- sans toutefois qu’un accident ou une maladie ne se soit déclaré.
Mon conseil RH
Sans aucun doute possible, organisez-vous (agenda, tableau de bord, etc.) pour respecter les dates des visites médicales obligatoires de vos salariés !
Conservez les preuves de ces visites (fiche d’aptitude) !
Nadine Regnier Rouet
Avocat à la Cour spécialisé en droit social
Certificat de spécialisation Droit Social du Barreau de Paris
Pour en savoir plus :