Divorce et partage des biens, attention aux frais...

Par Brigitte Bogucki, Avocat.

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Explorer : # divorce # partage des biens # frais de notaire # régime matrimonial

Partager ses biens ce n’est pas seulement un problème entre les personnes, c’est aussi un coût qu’il ne faut pas oublier et qu’il faut nécessairement prévoir pour éviter de voir voler en éclat des accords que la survenue d’un montant non envisagé rend impossible.

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Lorsque l’on vient voir un avocat pour divorcer trop souvent il balaye d’un geste la liquidation en indiquant : "vous n’aurez qu’à voir ça après avec le notaire". Il faut dire que la liquidation des régimes matrimoniaux est chose complexe et que nombre de non- spécialistes préfèrent ne pas s’y frotter.

Toutefois, une telle approche, outre qu’elle n’est plus en adéquation avec les modifications récentes qui prévoient cette liquidation dans le cadre du divorce, pose aussi de nombreux problèmes pratiques pour le divorce lui-même.

Le plus caché, parfois très problématique même lorsque les époux sont d’accord sur le partage concerne les frais inhérents au-dit partage.

En effet, que les époux soient mariés sous un régime matrimonial ou un autre, s’ils divorcent, ils doivent liquider leur régime matrimonial. S’ils ont des biens immobiliers communs au moment du divorce, alors ils devront nécessairement faire cette liquidation chez un notaire.

S’ils n’ont pas de bien immobilier à partager, cette liquidation peut être faite sous seing privé, par acte d’avocat ou encore dans le cadre du divorce lui-même. Elle peut même être verbale mais attention à la preuve en cas de litige.

S’ils ne sont pas d’accord sur le partage, ce sera le juge qui tranchera.

Lorsque les époux envisagent le partage, notamment lorsqu’ils en discutent amiablement, ils font les comptes et souvent le montant de ce que chacun va recevoir est calculé en tenant compte des besoins des uns et des autres pour son relogement ou la prise en charge de tels ou tels frais familiaux.

Lorsque l’un des époux va se voir attribuer la pleine propriété de l’un des biens, il devra, si un crédit grève le bien, obtenir de la banque un nouveau contrat de prêt afin de libérer son ex-conjoint de toute obligation vis à vis de la banque concernant ce bien.

La question du coût est donc absolument fondamentale.

Et pourtant, ils ignorent le plus souvent qu’ils vont devoir s’acquitter d’un droit d’enregistrement à hauteur de 2,5% de la masse nette à partager, ce qui est vite considérable lorsqu’il s’agit de biens immobiliers. De plus, quand ils apprennent qu’il leur faut en outre prévoir les honoraires et frais de notaire, qui sont calculés pour partie en proportion de la masse à partager et que la totalité de la somme à envisager est d’environ 4% [1] de ladite masse à partager, somme qu’ils doivent ensemble, chacun pour moitié sauf meilleur accord entre eux, la mauvaise surprise est alors totale.

Ainsi, encore récemment, une cliente est venue me consulter car elle avait reçu un courrier de l’avocate de son époux lui indiquant qu’il désire divorcer, volonté qu’elle ne comprend pas car ils sont séparés depuis déjà longtemps et que les modalités de leurs vies séparées sont bien en place. Comprenant qu’elle n’a pas le choix et devra, à terme, accepter le divorce, nous discutons donc de celui-ci et elle envisage d’accepter le divorce à l’amiable puisque son époux est prêt à lui laisser le domicile familial en totalité.

Je fais donc le point avec elle du patrimoine à partager, placement, comptes bancaires, biens immobiliers... et lui annonce qu’outre le divorce lui-même, ils devront payer des frais pour la liquidation du régime matrimonial. Surprise de la brave dame, qui ne comprend pas pourquoi elle aurait à payer puisque c’est un bien commun et que son mari le lui laisse. Elle ne partage pas, elle ne vend pas, elle conserve ce bien (dans lequel elle habite depuis des lustres).
Je lui explique et tenant compte des éléments en ma possession, je lui indique qu’elle et son époux devront prévoir environ 50.000€ entre le droit d’enregistrement et les frais et honoraires du notaire.

Stupéfaction de la cliente, catastrophée, qui me dit alors que son époux (avec lequel elle a des contacts réguliers), ne lui a pas du tout parlé de frais et ne doit pas être au courant...
Je lui conseille donc d’appeler son mari et s’il doute de sa parole, de se rendre ensemble chez le notaire qui leur donnera le montant précis des frais à envisager.

Quelques temps plus tard, cette charmante dame m’a rappelé pour m’informer qu’au vu des frais dont il n’avait aucune idée, son mari avait décidé de ne pas divorcer...

Par chance, ce couple s’entend bien, la vie séparée ne pose guère de problème, ils n’ont plus d’enfants en bas âge et n’ont guère de soucis financiers. De la sorte, l’absence d’information préalable donnée à Monsieur n’a guère de conséquence et a été vite rattrapée.

Mais c’est rarement aussi simple et lorsque les époux commencent à discuter sérieusement du partage, qu’ils font des comptes, ensemble et avec leurs avocats, s’ils ne prennent pas dès le départ en compte les frais inhérents au partage, cela peut avoir des conséquences dramatiques. En effet si l’équilibre financier difficilement atteint est détruit par cette dépense imprévue alors les époux risquent de peiner (et c’est peu dire) pour en trouver un nouveau tant on sait que lors des séparations les accords sont fragiles.

Comment faire pour limiter ces frais.

Les solutions tiennent des termes même de la loi :

  • Tout d’abord se souvenir que rien n’oblige à faire un acte notarié si vous n’avez pas de bien immobilier à partager. L’avocat est alors parfaitement compétent pour le faire pour vous dans le cadre de votre divorce ou même après et les honoraires de l’avocat sont souvent bien moins élevés que ceux du notaire, ne serait-ce parce qu’ils sont conventionnels et non au prorata de la masse à partager. Dans ce cas, le seul pourcentage restant est le droit d’enregistrement de 2,5% qui sera recouvré auprès de l’avocat par les services fiscaux.
  • Ensuite, il s’agit d’un droit d’enregistrement et pas d’un impôt sur le patrimoine. Il n’est donc dû qu’à la condition d’un acte écrit de partage soit établi. Pas d’écrit, pas de droit (CGI, art. 635, 1, 7°. – V. BOI-ENR-PTG-10-10, 30 mai 2014, § 90).

Mais attention, chaque médaille a son revers. Si vous ne faites pas d’écrit, il faut être certain de la bonne foi de votre conjoint (ce qui dans un divorce n’est pas évident) et qu’il ne vienne pas après que tout soit terminé dire que le parage a été incomplet et demander une modification...

  • Enfin dernière solution, divorcer sans partager. Cette solution exclut tout divorce par consentement mutuel (dans lequel le partage est obligatoire). Cela reste techniquement possible même si en pratique c’est à déconseiller. D’une part parce que cela implique que rien n’est réellement réglé entre les époux et les conséquences au quotidien sont complexes à gérer notamment le jour ou l’un voudra vendre et pas l’autre... En outre, le temps rend parfois certaines situations quasi-insolubles du fait de la disparition (volontaire ou non) des éléments justificatifs des droits et réclamation de chacun), outre les nécessaires dépenses à faire quand on a des biens communs, dépenses qui doivent être gérées, prouvées, justifiées, acceptées...

Il faut donc se renseigner pleinement dès le départ et demander à son avocat ce qu’il en est avant de s’engager dans un processus de réflexion concernant le partage.

C’est pourquoi, il m’apparaît ici utile de rappeler que le divorce et le partage des biens sont un processus de plus en plus précis et complexe notamment au regard des modifications législatives de ces dernières années. Seul un avocat peut vous permettre de trouver la solution qui vous est la plus adaptée en fonction de votre patrimoine et de vos besoins et intérêts.
Prenez soin de choisir un avocat qui a l’habitude de pratiquer la matière car c’est une spécialité : le droit de la famille

Me Brigitte BOGUCKI, spécialiste en droit de la famille, des personnes et de leur patrimoine, Professionnel collaboratif
Avocat à Paris et Lille http://www.adr-avocats.com

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[1le tarif des notaires est complexe, il s’agit d’une évaluation globale permettant de se faire une idée, non d’un pourcentage fixe.

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Discussions en cours :

  • Bonjour,

    Dans le cadre d’un divorce par consentement mutuel, peut-on faire rédiger un acte sous seing privé pour la partie meubles et actifs financiers puis demander au notaire d’effectuer la liquidation des biens immobiliers.( et le dispenser de la liquidation des biens mobiliers)
    Ensuite on joint les deux actes (celui du notaire et celui sous seing privé) dans la convention de divorce à l’amiable.
    Cela permettrai d’etre en règle avec les impots et payer les frais de partage sur la totalité des biens de la communauté, mais ne payer les frais de notaire que sur la partie acte authentique necessaire sur les bien immobiliers..

    qu’en pensez vous ?

    Merci par avance

    • par marqueja , Le 23 avril 2020 à 18:57

      Bonjour,
      J’ai la même interrogation par rapport à la déclaration des actifs financiers (nos comptes épargne respectifs et même l’état de nos comptes avant mariage). L’avocat de mon mari souhaite que tous ces comptes soient référencés dans l’acte liquidatif du notaire alors que nous sommes d’accord pour que chacun conserve les siens (mariage sans contrat) . Je pensais que le notaire ne devait faire apparaître que les biens immobiliers à partager ?
      Que dit la loi à ce sujet ?

    • par JC , Le 24 mars 2021 à 23:30

      Bonjour
      J’ai la même interrogation. Si nous sommes d’accord sur les meubles et les finances le notaire peut faire uniquement le partage de la maison ? Quel article de loi puisque le notaire nous dit que c’est obligatoire
      Par avance merci

  • par Hagnere , Le 27 janvier 2021 à 08:36

    Je trouve cet article très intéressant effectivement les avocats ont tendance à négliger cette partie du divorce (la plus importante) et vous demander de prendre contact avec un notaire, c est très bien de se pencher sur la question avant de devoir y faire face

  • par Yoan Bonneu , Le 24 novembre 2020 à 12:15

    Bonjour,
    Doit ont payé la taxe sur la séparation des biens lors d’un divorce, ci le bien a été acquis avant le dit mariage ?

  • par Le Floch , Le 6 août 2020 à 02:52

    Que savoir et penser du forfait transactionel ?

    Merci beaucoup, Maitre.

  • par laura , Le 7 mars 2020 à 09:54

    Bjr je suis en instance de divorce au derniere nouvelle le divorce a été delire le 16 janvier dernier.

    Je viens de signe le compromis de vente de mon bien mon mari y vie depuis 3 ans seul et ne paie pas les loyer.

    La maison a été signé à un prix dérisoire nous devons donc à la banque 30 000 euro après la vente.

    A la non conciliation le.ligement a été attribué à monsieur charge à lui dans payer les dettes.

    Étant donnee que s est une non conciliation la banque me réclamer les loyer que monsieur a jamais payer lors de mon départ donc oui j ai vite signé se compromis de vente pour enfin être débarrasser de sa.

    Ma.question est la suivante étant donné que le délibéré a eu le lieu le 16 janvier début février j ai signé le compromis de vente du bien je repasse au notaire début juin quand sera t il de la dette qui reste soit 30000 euro.
    N ayant pas d argent de cote et encore moin cette somme comment sa va se passer ?

    Cordialement.

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