Un passage à niveau emprunté à la fois par les usagers de la route et par les trains peut-il être considéré comme une voie propre qui est une voie à l’usage exclusif d’une catégorie de véhicule ?
Le pourvoi est rejeté. Une voie ferrée n’est pas une voie commune aux chemins de fer et aux usagers de la route, ces derniers peuvent seulement la traverser à hauteur d’un passage à niveau sans pouvoir l’emprunter. L’arrêt de la cour d’appel a exactement retenu que train qui est entré en collision avec une automobile circulait, nonobstant la circonstance que l’accident soit intervenu à un passage à niveau pouvant être emprunté par d’autres usagers, sur une voie qui lui était propre.
La Cour de cassation confirme que la voie de chemin de fer est une voie propre (I) la distinguant ainsi de la voie du tramway (II).
I) La voie ferrée, une voie toujours propre au train
La loi du 5 juillet 1985 est destinée aux victimes des accidents de la circulation, en sont expressément exclus les trains et les tramways en ce qu’ils circulent sur des voies qui leur sont propres.
L’accident a lieu sur un passage à niveau dépourvu de barrières (A) et la nature de l’accident a des conséquences sur la responsabilité de ses auteurs (B).
A - Un accident sur un passage à niveau
La voie ferrée, selon la loi du 5 juillet 1985, n’est pas une voie ouverte à la circulation puisque seuls les trains peuvent y circuler. Les passages à niveau sont cependant des intersections où circulent alternativement des trains et d’autres usagers dont les véhicules terrestres à moteur. Se dénombre en France une centaine de collisions par an dont une sur deux entraîne au moins un décès.
Les passages à niveau sont considérés comme une voie propre au train comme le précise un arrêt du 19 mars 1997 (Bulletin 1997 II N° 78). La Cour de cassation considère en effet que la loi du 5 juillet 1985 n’est pas applicable à un accident survenu entre un train et une automobile à un passage à niveau dès lors que le train circulait sur une voie propre.
L’arrêt du 17 novembre 2016 apporte des précisions. Selon la Cour de cassation, il incombe aux usagers qui veulent traverser la voie ferrée sur les passages aménagés à cet effet de laisser en toute circonstance la priorité au train, ce pour quoi, en cas de collision, la responsabilité de la SNCF ne peut être considérée comme dans les accidents de la circulation.
C’est pourtant ce que les demandeurs au pourvoi invoquaient. La loi de 1985 leur était bien plus favorable.
B - Une responsabilité de droit commun
Les responsabilités sont établies selon le régime de droit commun de l’article 1242 alinéa 1 du Code civil, en sa rédaction issue de l’ordonnance 2016-131 du 10 février 2016, traitant de la responsabilité du fait des choses. La SNCF doit prouver que la présence d’un usager sur la voie ferrée est à la fois imprévisible et irrésistible pour s’exonérer de toute responsabilité et si elle y parvient rarement, la faute de la victime contribue à la décharger partiellement.
Ainsi, selon la Cour de cassation, même lorsque le passage à niveau est muni de barrières et parfaitement signalé, la présence d’un usager sur le voie n’est ni imprévisible ni irrésistible pour la SNCF (23 janvier 2003, Bulletin 2003 II N° 18). En l’espèce la faute de la conductrice et de son passager ont largement atténué la responsabilité de la SNCF mais ne l’a pas supprimée.
Le conducteur fautif est exclu des dispositions de la loi du 5 juillet 1985 mais les passagers sont totalement indemnisés dans la mesure où ils n’ont pas commis de faute inexcusable, au demeurant rarement retenue ou n’ont pas volontairement recherché le dommage. Ne constitue pas une faute inexcusable le fait de donner une leçon de conduite à une mineure en dehors du régime de la conduite accompagnée, cette dernière étant alors considérée comme étant la conductrice du véhicule.
L’arrêt semble alors ne rien apporter de nouveau. Pourtant la doctrine attendait que la Cour de cassation se prononce à nouveau car dans un arrêt du 16 juin 2011, (Bulletin 2011, II, n° 132), la Cour a pris une position différente concernant un croisement avec un tramway.
II) La voie du tramway, une voie propre sauf aux intersections.
Selon la Cour de cassation, une intersection permettant aux véhicules terrestres à moteur de traverser la voie destinée aux tramways remet en cause la notion de voie propre à cet endroit.
Ainsi une collision entre un camion et un tramway à un croisement est un accident de la circulation (A) soumis comme tel au régime de la Loi du 5 juillet 1985 (B).
A – Un accident de la circulation
Les lieux ouverts à la circulation et au passage de tramways disposent de feux de signalisation. Dans l’arrêt du 16 juin 2011, le véhicule n’avait pas respecté la signalisation car il s’agissait d’un véhicule prioritaire, en l’espèce un camion de pompiers se rendant sur les lieux d’un incendie, et les autres véhicules sont tenus de lui faciliter le passage.
La cour d’appel avait donné raison à la société de tramway qui soutenait que le tramway circulait sur une voie qui lui était propre et que la présence d’un véhicule terrestre à moteur sur la voie revêtait un caractère imprévisible et irrésistible, ce qui exonérait la société de tramways de toute responsabilité. La Cour de cassation, qui exclut bien les accidents survenus sur les voies des tramways de la loi du 5 juillet 1985 (Bulletin 1995 II N° 239), devait se prononcer pour la première fois concernant un accident intervenu à un croisement.
Dans un arrêt de principe, la haute Cour avait alors décidé qu’un tramway qui traverse un carrefour ouvert aux autres usagers de la route ne circule pas sur une voie qui lui est propre au sens de l’article 1er de la loi du 5 juillet 1985. Le tramway doit ainsi se comporter comme un véhicule ordinaire lorsqu’il traverse un carrefour, céder le passage aux véhicules prioritaires tout comme il doit respecter la signalisation.
Ainsi l’arrêt du 17 novembre 2016 consacre la différence de traitement entre un tramway et un train, la réparation du dommage est définitivement distincte.
B - Une responsabilité sous le régime de la loi du 5 juillet 1985
La collision intervenue entre un tramway et un véhicule à un endroit où la circulation est ouverte à ces deux types de véhicule est bien un accident de la circulation. Le conducteur du tramway doit se comporter comme celui d’un autre véhicule et s’il doit, bien entendu, respecter la signalisation sous peine de commettre une infraction au Code de la route, il doit également maîtriser son véhicule en observant la voie et en freinant en cas de risques inattendus.
Cette précision ne semble pas présenter un intérêt particulier pour les passagers du tramway qui, du fait de l’obligation du transporteur de les mener sains et saufs à destination, bénéficiaient de la réparation intégrale de leur préjudice. La jurisprudence a évolué et le principe de la réparation intégrale est remis en cause en cas de faute de la victime (Civile I, 16 avril 2015, pourvoi n° 14-13.440, à paraître au bulletin) et une distinction sur les circonstances de l’accident n’est pas à exclure totalement.
Les usagers, circulant dans des véhicules terrestres à moteur ou piétons, des carrefours empruntant la voie d’un tramway sont, quant à eux, indemnisés sous le régime de la loi du 5 juillet 1985. La responsabilité de la société de tramway est engagée comme celle de tout autre véhicule terrestre à moteur, c’est-à-dire un dommage et une implication du tramway même en l’absence de faute qui lui serait imputable.