Validité des primes d’arrivée (« welcome bonus ») partiellement remboursables en cas de démission.

Par Kevin Bouleau, Avocat.

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Explorer : # primes d'arrivée # liberté du travail # fidélisation des salariés # remboursement partiel

Par un arrêt du 11 mai 2023 (Cass. Soc., 11 mai 2023, n°21-25.136), la Chambre sociale de la Cour de Cassation valide une clause contractuelle prévoyant le remboursement partiel de la prime d’arrivée (« welcome bonus ») en cas de démission pendant un certain délai après l’embauche. Elle affirme que ces clauses ne portent pas une atteinte injustifiée et disproportionnée à la liberté du travail.

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Dans cet arrêt, un salarié occupant les fonctions de « trader » avait reçu une prime d’arrivée dans l’entreprise d’un montant de 150 000 euros.

La clause de son contrat de travail prévoyait le versement, dans les 30 jours de sa prise de poste, d’une prime initiale de 150 000 euros, que ce dernier devait rembourser partiellement dans l’éventualité d’une démission dans les 36 mois.

En l’espèce, ledit salarié démissionnait 14 mois après son embauche.

Il refusait de rembourser à l’employeur le montant de la prime correspondant au temps qu’il n’avait pas passé dans l’entreprise pendant ce délai.

L’employeur saisissait le Conseil de prud’hommes de diverses demandes de nature salariale et indemnitaire, et en particulier le remboursement à proportion de la prime d’arrivée.

La Cour d’appel de Paris déboutait l’employeur de l’intégralité de ses demandes.

Les juges du fond retenaient que l’employeur ne pouvait valablement subordonner l’octroi définitif de la prime initiale versée au salarié en janvier 2016 à la condition que ce dernier ne démissionne pas, et ce, à une date postérieure à son versement, dès lors que cette condition, qui avait pour effet de fixer un coût à la démission, portait ce faisant atteinte à la liberté de travailler du salarié.

La société formait un pourvoi en cassation.

Le demandeur considérait qu’en retenant l’atteinte à la liberté du travail du salarié, la Cour d’appel avait violé les articles L1121-1 et L1221-1 du Code du travail et l’article 1134 du Code civil.

L’article L1121-1 du Code du travail dispose que :

« Nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ».

L’article L1221-1 du Code du travail prévoit que le contrat de travail est soumis aux règles du droit commun.

Enfin, selon l’article 1134 du Code civil, le contrat de travail est exécuté de bonne foi.

Au visa de ces textes, la Chambre sociale de la Cour de cassation casse et annule l’arrêt de la Cour d’appel de Paris et statue au fond.

Elle condamne le salarié à verser à la société la somme de 79 166,67 euros à titre de remboursement de la prime d’arrivée au prorata.

La Haute Cour affirme que :

« Il résulte de ces textes qu’une clause convenue entre les parties, dont l’objet est de fidéliser le salarié dont l’employeur souhaite s’assurer la collaboration dans la durée, peut, sans porter une atteinte injustifiée et disproportionnée à la liberté du travail, subordonner l’acquisition de l’intégralité d’une prime d’arrivée, indépendante de la rémunération de l’activité du salarié, à une condition de présence de ce dernier dans l’entreprise pendant une certaine durée après son versement et prévoir le remboursement de la prime au prorata du temps que le salarié, en raison de sa démission, n’aura pas passé dans l’entreprise avant l’échéance prévue  ».

Ainsi, la Chambre sociale valide ici la pratique visant à fidéliser le salarié en lui attribuant une prime d’arrivée dont l’acquisition définitive n’est pas acquise.

En effet, l’acquisition de l’intégralité de cette prime était subordonnée à la présence du salarié dans l’entreprise jusqu’à une certaine date, et son remboursement partiel au prorata était exigé si le salarié démissionnait avant ladite échéance.

La Cour de cassation effectue un contrôle de proportionnalité, au visa de l’article L1121-1 du Code du travail.

Elle considère que les clauses conditionnant l’acquisition de l’intégralité d’une prime à une certaine durée de présence du salarié dans l’entreprise après son versement et prévoyant son remboursement partiel en cas de démission ne portent pas une atteinte injustifiée et disproportionnée à la liberté du travail.

Toutefois, cette pratique est validée par la Chambre sociale dans la mesure où la prime est « indépendante de la rémunération de l’activité du salarié ».

En effet, si au contraire cette prime constituait un élément de rémunération d’une période travaillée par le salarié, l’employeur ne pourrait légitimement subordonner son acquisition définitive à une condition de présence du salarié dans l’entreprise postérieurement à son versement [1].

Par ailleurs, c’est le remboursement partiel de la prime qui est approuvé par la Chambre sociale ici.

Il est plausible que le remboursement intégral de celle-ci en cas de démission du salarié, puisqu’il reviendrait à octroyer un coût disproportionné à la démission, porterait une atteinte injustifiée et disproportionnée à la liberté du travail aux yeux de la Cour de cassation.

Attention, les primes de fidélisation comportant une obligation de remboursement partiel au prorata temporis en cas de rupture du contrat avant une certaine date ne sont ici validées par la Cour de cassation que dans le seul cas de la démission du salarié.

Kevin Bouleau
Avocat au Barreau de Paris
Cabinet Ekipe Avocats
http://ekipe-avocats.com

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Notes de l'article:

[1Cass. Soc., 8 juill. 2020, n°18-21.945 et Cass. Soc., 29 sept. 2021, n°13-25.549.

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