La mise à pied à titre conservatoire et disciplinaire.

Par Joan Dray, Avocat.

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Explorer : # mise à pied conservatoire # mise à pied disciplinaire # faute grave # procédure de licenciement

La mise à pied conservatoire est une mesure de précaution, lorsque l’employeur estime que la faute du salarié, rend nécessaire un départ immédiat du salarié, dans l’attente de la sanction.

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I/ Définition de la mise à pied à titre conservatoire et de la mise à peid à titre disciplinaire.

La mise à pied conservatoire est une mesure de précaution, lorsque l’employeur estime que la faute du salarié, rend nécessaire un départ immédiat du salarié, dans l’attente de la sanction.

L’article L. 1332-3 du Code du travail permet à l’employeur de prononcer une mise à pied immédiate lorsqu’il a connaissance de faits qui rendent indispensable une mesure conservatoire. Elle constitue dans ce cas, non une sanction en elle-même, mais le préalable à une sanction ; c’est une simple mesure d’attente qui éloigne le salarié jusqu’à ce qu’il soit fixé sur son sort (mise à pied disciplinaire, mutation, rétrogradation, licenciement...).

Elle s’inscrit, le plus souvent, dans une procédure de licenciement en cours pour un motif disciplinaire. En conséquence elle n’a pas à être motivée, et l’employeur est dispensé de respecter la procédure de l’entretien préalable (Cass. soc., 27 mars 1991, n° 89-42.063)

Le salarié, qui en plus de son éviction immédiate, se voit, la plupart du temps, privé de son salaire pendant la période correspondante.

Il est important de préciser que, si la mise à pied conservatoire concerne un salarié protégé, des règles spécifiques s’appliquent, avec intervention de l’Inspecteur du Travail.

Si une mise à pied est injustifiée, ce qui entrainera donc un licenciement sans cause réelle et sérieuse et abusif, le salarié pourra demander à l’employeur des dommages et intérêts pour préjudice moral et le paiement de son salaire retenu pendant cette période.

Depuis une jurisprudence de la Cour de Cassation, l’employeur ne peut plus recourir à la mise à pied conservatoire que s’il reproche une faute qualifiée de grave à son salarié :

"Mais attendu que la faute grave, qui peut seule justifier une mise à pied conservatoire, est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise" (Cass.Soc. 27 septembre 2007, n° 06-43867)

Il existe une autre forme de mise à pied : la mise à pied à titre disciplinaire.

Si le salarié commet une faute, l’employeur utilisera son pouvoir disciplinaire en le sanctionnant. Les sanctions peuvent aller du simple avertissement à la mise à pied à titre disciplinaire.

L’employeur qui opte pour une mise à pied disciplinaire doit alors respecter la procédure suivante :

- convoquer le salarié à un entretien préalable et lui indiquer l’objet, la date, l’heure et le lieu de l’entretien, ainsi que la possibilité pour le salarié de se faire assister par une personne de son choix appartenant au personnel de l’entreprise. La convocation doit être adressée au salarié dans les 2 mois du jour où l’employeur a eu connaissance des faits fautifs du salarié. Elle peut lui être remise en main propre contre décharge ou lui être adressée par lettre recommandée avec accusé de réception ;

- faire passer un entretien préalable au salarié, lui indiquer la sanction envisagée et recueillir ses explications ;

- notifier au salarié la sanction retenue contre lui. Cette notification ne peut alors intervenir moins d’un jour franc ni plus d’un mois après le jour fixé pour l’entretien préalable. La sanction doit être à durée déterminée, motivée, être proportionnelle à la faute commise et ne pas présenter un caractère discriminatoire.

La mise à pied disciplinaire suspend le contrat de travail. Le salarié est donc dispensé d’exercer ses fonctions au sein de l’entreprise, mais surtout, l’employeur n’a pas à lui verser sa rémunération.

Généralement, la mise à pied est de trois jours.

II/ Distinction entre mise à pied à titre conservatoire et mise à pied à titre disciplinaire.

La mise à pied à titre disciplinaire est une sanction prise par l’employeur à l’encontre du salarié en réaction à un comportement fautif dit grave mais qui n’empêche pas le maintien du salarié dans l’entreprise. Le salarié sera écarté de l’entreprise pendant quelques jours mais pourra ensuite reprendre ses fonctions normalement.

La mise à pied à titre conservatoire suppose un comportement grave du salarié qui nuit au bon fonctionnement de l’entreprise et qui rend donc le maintien du salarié dans l’entreprise impossible. La mise à pied à titre conservatoire est en principe toujours suivie d’un licenciement. Elle permet donc à l’employeur de mettre le salarié à l’écart de l’entreprise tout le temps du déroulement de la procédure de licenciement et jusqu’à ce que le licenciement soit prononcé.

La mise à pied à titre conservatoire est forcément à durée indéterminée (dans l’attente du licenciement) puisqu’elle s’achève normalement à l’issue de la procédure disciplinaire. Son terme est incertain puisqu’elle dépend de la procédure engagée.

La mise à pied disciplinaire est à durée déterminée.

Pendant longtemps, ce fut ce critère de la durée qui était retenue pour distinguer les deux types de mise à pied. En effet, durant des années, la Cour de cassation a clairement affirmé qu’« une mise à pied conservatoire qui ne peut être justifiée que par une faute grave est nécessairement à durée indéterminée quelle que soit la qualification que lui donne l’employeur ; dès lors la mise à pied prononcée pour un temps déterminé présente un caractère disciplinaire  » (cass. soc. 27 nov. 2007, n° 06-42.789). Il importait peu que l’employeur ait fait diligence et ait engagé la procédure de licenciement dès le lendemain du prononcé d’une mise à pied dès lors que la durée de celle-ci avait été fixée préalablement ; une mise à pied conservatoire ne pouvait être qu’à durée indéterminée (Cass. soc. 12 févr. 2003, n° 00-46.433).

Le principe « non bis in idem ».

Selon le principe « non bis in idem », l’employeur ne peut pas utiliser les deux types de sanctions pour sanctionner le salarié deux fois pour un même fait.

L’employeur ayant utilisé la mise à pied à titre disciplinaire ne pourra plus licencier son salarié pour les mêmes faits, son pouvoir disciplinaire étant épuisé. Ainsi, l’employeur qui souhaite licencier un salarié pour faute grave devra utiliser la mise à pied à titre conservatoire.

De même, le caractère conservatoire de la mise à pied ne peut être retenu que si, dans le même temps, l’employeur met immédiatement en œuvre une procédure de licenciement.

Ainsi, si le juge considère que la mise à pied à un caractère disciplinaire, il dira forcément que le licenciement qui a suivi est "dénué de cause réelle et sérieuse" car l’employeur ne pouvait pas sanctionner deux fois.

III/ Évolutions jurisprudentielles.

Jusqu’à un arrêt du 18 mars 2009 la durée déterminée ou indéterminée de la mise à pied était « le » critère de distinction ; peu importait la qualification que l’employeur lui avait donnée (Cass. soc. 6 nov. 2001).

Désormais si le critère de la durée subsiste, il n’est plus déterminant. C’est le lien avec une procédure disciplinaire en cours qui est important.

En effet, la cour de cassation précise désormais que la mise à pied « a un caractère conservatoire » à deux conditions :

1) elle doit être « prononcée par l’employeur dans l’attente de sa décision dans la procédure de licenciement  »

2) et cette procédure de licenciement doit être « engagée dans le même temps  ».

D’autre part la Cour de Cassation s’est prononcé pour la première fois sur la validité d’une mesure de mise à pied conservatoire alors que le licenciement n’était pas un licenciement disciplinaire c’est-à-dire pour faute dans un arrêt de la chambre sociale en date du 3 février 2010 (n°07-44.491).

Dans cette affaire, un employeur avait reproché à un chef de magasin des dysfonctionnements dans son service concernant le respect de procédures internes et la gestion du personnel.
Les faits se sont répétés et l’employeur décide une mise à pied à titre conservatoire dans l’attente de son licenciement.

Or, l’employeur, à la suite de l’entretien préalable de licenciement, opte en définitive pour un licenciement pour insuffisance professionnelle, donc un licenciement non disciplinaire.
En effet, le motif d’insuffisance professionnelle ne constitue pas en lui-même une faute.

La demande du salarié est conforme à la jurisprudence constante qui définit la mise à pied conservatoire comme une mesure rendue indispensable en raison des faits reprochés au salarié.
La jurisprudence considère que le recours à une telle mesure suppose que les agissements du salarié constituent une faute grave.

La Cour de Cassation rejette la demande du salarié en indiquant : « le prononcé d’une mise à pied à titre conservatoire n’implique pas nécessairement que le licenciement prononcé ultérieurement présente un caractère disciplinaire ».

Ainsi, d’après cette nouvelle jurisprudence, l’employeur peut prononcer une mise à pied conservatoire suivie d’un avertissement d’un licenciement disciplinaire ou d’un licenciement pour insuffisance professionnelle.

Joan Dray Avocat.

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Discussions en cours :

  • Dernière réponse : 3 juin 2016 à 22:38
    par ANCELLE Dominique , Le 4 novembre 2014 à 17:34

    Votre article est très intéressant mais j’estime pour ma part qu’il est incomplet dans la mesure ou la mise à pied à titre conservatoire peut parfois être transformée en sanction du type mise à pied disciplinaire et que cela doit répondre à une jurisprudence qui dit que celle-ci doit être appliquée sur la durée de la conservatoire et non ajoutée.
    Cordialement.

    • par nonor , Le 3 juin 2016 à 22:38

      peut on prolonger une suspension à titre conservatoire pour complément d’information ?

  • Dernière réponse : 13 mai 2016 à 09:36
    par de pretto alexandre , Le 12 novembre 2014 à 21:17

    Bonjour à tous

    Je suis en mise à pied à titre conservatoire depuis le 29 octobre 2014 je voudrais savoir combien de temps dure la mise à pied avant de resevoir la lettre de notification de la sanction ? Dans la loi légal du travail merci de bien vouloir m’aider

    • par Poor , Le 13 mai 2016 à 09:36

      Bonjour depuis le 12mai 2916 je suis en mise a pied a titre conservatoire .vais je perdre mon travail ou reintegrer

  • bonjour,mon employeur,viend de me metre une mise a pied pour faute grave ?il ma proposer une rupture conventionelle au quelle j’ai refuser(pourquoi ques’que j’ai fait ?aucune reponsse de sa par.)il ma envoye un recomande pour faute grave.sur le courier aucune esplication.j’ai u un rdv avec lui pour voir pourquoi il me lisencie.il me reproche des chose au quelle je n’arive pas a comprendre.(j’ai insulte les ouvrier de la boite,que j’aurai manque de respais à sertain de ces fournisseur etc.......... ;il ma inpliquer une mise à pied du 03/06/2013 au 14/06/23013 à se jour je n’est toujour pas reçu ma letre de lisenciment je ne suis pas remunere ?mon tel 0760488163

    • Bonjour je me trouve dans le même cas pouvez vous me dire ou vous en êtes à ce jour ? Merci

    • par Fabien , Le 17 janvier 2015 à 09:09

      Bonjour
      Le 18 Avril 2014, lors d’un entretien de médiation proposé par le médecin du travail pour souffrance au travail, j’ai été dispensé d’activité à effet immédiat, jusqu’à décision définitive qui en découlera de mon entretien préalable de licenciement du 5 mai 2014.
      Ma question est la suivante, s’agit-il d’une mise à pied conservatoire et le contrat de travail est-il suspendu momentanément ?
      Je me dois de vous préciser également, que mon salaire a été maintenu pendant toute cette procédure, et même jusqu’à la rupture après 3 mois de préavis.
      Le 26 mai 2014, j’ai été licencié, les griefs sont tous prescrit (2010 à février 2014), par contre, le 22 avril 2014 alors que j’étais dispensé d’activité, j’ai envoyé un mail de mon domicile à 36 collègues de travail, pour expliquer l’entretien du 18 avril.
      Dans ma lettre de licenciement, mon employeur me reproche d’avoir dénigré l’entreprise et ses membres.
      L’employeur a t-il le droit d’utiliser ce mail, alors que le contrat était momentanément suspendu ?

      D’avance merci pour votre réponse

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