Partons du début et donc d’une définition générale. Sommairement, le syndic est le représentant légal du syndicat des copropriétaires. Sa mission est définie très précisément à l’article 18 de la loi du 10 juillet 1965 et lui confère, à ce titre, un mandat de gestion des finances et de l’administration de la copropriété. En ce sens, le syndic doit autant tenir la comptabilité du syndicat sur un compte séparé et dédié, établir un budget prévisionnel pour les charges courantes et un budget provisionnel pour les dépenses exceptionnelles et de travaux, lever les fonds auprès des copropriétaires et en respect des tantièmes, assurer la trésorerie du syndicat et le paiement des fournisseurs, mais également, convoquer les assemblées générales annuellement, assurer la conservation du bâtiment, son entretien et, en cas d’urgence, faire exécuter les travaux nécessaires, veiller au respect du règlement de copropriété, gérer et assurer la conservation des archives, représenter le syndicat des copropriétaires en justice.
Le syndic est contraint de remplir ces missions et ne peut se faire substituer. En outre, en cas de négligence dans leur accomplissement, il peut voir sa responsabilité engagée et être condamné à payer une indemnité à la copropriété. Effectivement, le syndic est avant tout un mandataire et de ce fait il « répond non seulement du dol, mais encore des fautes qu’il commet dans sa gestion » (Article 1992 du Code civil). En outre, sa responsabilité peut également être recherchée sur le terrain du droit commun, aux articles 1240 et suivants, par tout copropriétaire qui se prévaut d’une faute de sa part, d’un préjudice et d’un lien de causalité.
Aussi, on comprend bien que la mission du syndic est prégnante et concerne exclusivement la vie du syndicat, en tant que collectivité des copropriétaires. Aussi, quel rapport avec la mutation d’un lot ? Rappelons que cet acte, qu’il découle d’une transmission universelle ou d’une cession, qu’il soit onéreux ou gratuit, est par nature privé. En effet, lors d’une vente d’un bien immobilier, par exemple, le notaire ne convoque que le cessionnaire et l’acquéreur. A aucun moment, le syndic n’est présent ou ne participe à cette opération. Sauf que ! En copropriété, lorsque qu’un bien est vendu, c’est un lot comprenant une quote-part de partie commune qui est également cédée. L’acquéreur devient, en ce sens, copropriétaire à part entière et le règlement de copropriété, annexé à l’acte authentique de vente, lui devient opposable. De ce fait, cette opération intéresse nécessairement le syndic qui doit en tirer les conséquences et s’interroger quant à l’accomplissement de sa mission.
I. Les différents types de mutation de lots en copropriété.
La notion de « mutation » immobilière englobe toute sorte de transfert d’un bien immobilier d’un patrimoine à un autre. Cette opération peut être onéreuse, comme la vente immobilière classique, ou à titre gracieux, comme une donation (du vivant) ou une succession (héritage). Elle peut également être judiciaire (adjudication) ou résulter d’une enchère amiable (domaniale ou notariale). En outre, comme tout droit de propriété, la mutation peut être démembrée et ne concerner, par exemple, que la nue-propriété ou l’usufruit.
En tout état de cause, le syndic doit être intéressé par le type de mutation et la consistance de ce qui a été transmis. Sa mission, notamment de gestionnaire comptable et de responsable de la tenue de la trésorerie du syndicat des copropriétaires, l’incite à s’en enquérir. Pour quelles raisons ?
II. Les interventions du syndic dans le cadre des mutations privées.
a) Préalablement à la mutation, le syndic doit adresser des renseignements relatifs à la copropriété.
C’est le célèbre « Etat daté » dont les conditions quant au contenu sont définies par l’article 5 du décret du 17 mars 1967. Ce document, transmis au notaire, doit mentionner le montant dû par le vendeur (provisions exigibles au moment de la vente), le montant que le syndicat des copropriétaires doit au copropriétaire vendeur (avance de trésorerie par exemple), le montant pouvant incomber à l’acquéreur (avance de provisions par exemple). Le syndic doit également joindre des annexes, notamment sur les procédures judiciaires en cours. Rappelons enfin que l’Etat daté est facturable par le syndic aux conditions posées par décret et prévues dans son contrat.
b) Le syndic doit ensuite identifier les nouveaux propriétaires pour adresser valablement ses correspondances et ses notifications.
Entendons nous bien, le syndic n’est pas tenu de contrôler les mouvements sur les biens des immeubles dont il est gestionnaire. De même, il a été convenu depuis longtemps et pour des raisons pratiques, qu’il n’a pas à rechercher l’adresse réelle d’un copropriétaire qui ne répondrait plus à ses appels (Article 65 - Décret 17 mars 1967). En revanche, une fois que l’information quant à la mutation d’un lot a été transmise, il se doit d’en prendre acte et d’identifier les copropriétaires. A ce titre, deux situations se posent.
- La mutation a fait l’objet d’un avis article 6 : lorsqu’un transfert est réalisé en copropriété, il se doit d’être notifié sans délai au syndic en exercice. Cette obligation qui s’impose au notaire, ou à l’avocat poursuivant en cas de vente judiciaire, résulte de l’article 6 du décret du 17 mars 1967. La raison d’une telle injonction est simple : le changement de copropriétaire doit être indiqué au syndic pour qu’il lui soit opposable. Par ailleurs, cet avis de mutation de l’article 6 comporte des indications, notamment sur l’identification du copropriétaire futur, qui permettront au syndic d’actualiser sa base de données et de notifier ses correspondances au nouveau propriétaire concerné, à savoir essentiellement les convocations et notifications des assemblées générales, mais également, les appels de fonds. Il s’agit donc d’une obligation primordiale dans la vie d’une copropriété.
Si, a priori, ce transfert de données est aisé pour le syndic, une situation peut s’avérer plus délicate. La mutation implique une division de la propriété. Cette division peut s’expliquer simplement par l’existence de plusieurs acquéreurs (un couple ou autres), ou par la présence d’un démembrement, notamment dans une donation-partage où le donateur ne cède en général que la nue-propriété du bien et en conserve l’usufruit. En tout état de cause, l’article 23 de la loi du 10 juillet 1965 prévoit pour ce type de mutations l’obligation de désignation d’un mandataire commun. Soit, ce mandataire est convenu entre les propriétaires du bien et/ou tacite (notamment pour un couple). Soit, il existe un conflit (souvent le cas pour les successions) et, dans ce cas, il appartient au syndic de solliciter judiciairement la désignation d’un mandataire. Cette requête est primordiale compte tenu de l’obligation du syndic d’adresser convenablement ses correspondances et d’éviter, par exemple, une inconformité de l’assemblée générale. A savoir que la demande de désignation judiciaire peut être faite par chaque indivisaire (rarement le cas), et aux frais de l’ensemble des indivisaires.
- La mutation n’a fait l’objet d’aucun avis article 6 : c’est en réalité qu’aucun transfert de propriété n’a été formalisé et publié au Service de publicité foncière. En soit, il n’est que de fait et n’est pas opposable à la copropriété. Tel est le cas, par exemple, d’un couple divorcé et, même si le jugement de divorce est bien définitif, la liquidation des biens n’ayant pas été entérinée et publiée, le syndic n’a pas à en tenir compte et doit continuer à s’adresser au deux copropriétaires.
La situation peut toutefois se compliquer en matière successorale. Il n’est malheureusement pas rare qu’à la suite du décès d’un copropriétaire, la propriété du bien ne soit pas réclamée par ses successeurs. Cela peut notamment s’expliquer en l’absence d’héritiers ou lorsque le passif de charges de copropriété est plus important que l’actif que représente le bien immobilier (une cave par exemple). Que doit alors faire le syndic ? En soi, il n’est pas directement concerné par la question, son rôle ne se substituant évidemment pas à celui d’un notaire en charge d’une succession. Toutefois, tant que le bien n’est pas géré, les charges ne sont pas payées et le trou dans la trésorerie du syndicat des copropriétaires peut s’avérer fatal. Pour tenter de remédier à cette problématique, le syndic peut tenter de recourir à un généalogiste pour parvenir à identifier un successeur. Les résultats sont discutables. A défaut, si la succession n’est pas revendiquée dans les six mois du décès, le syndic pourra engager une procédure pour faire désigner judiciairement le Service des Domaines (Etablissement public) ès qualités de curateur à une succession vacante (Article 809 - Code civil). Il faut noter que cette procédure nécessite l’intervention d’un avocat et est particulièrement longue et chronophage. L’objectif, à terme, sera d’obtenir la vente du bien aux enchères judiciaires ou domaniales.
En définitive, l’identification des nouveaux propriétaires d’un lot est essentielle pour le syndic, notamment pour assurer la suite de sa mission.
c) Le syndic doit également tenir compte de la nouvelle répartition des charges.
A ce stade, la mutation du lot à une incidence directe sur la copropriété et sur les obligations du syndic. Rappelons qu’au visa de l’article 10 de la loi du 10 juillet 1965, le syndic a une compétence exclusive en matière de recouvrement de charges. Il est également le seul responsable quant à sa répartition. Or, le transfert de propriété implique de nouvelles données quant aux personnes redevables des charges de copropriété tant sur la consistance que dans le temps.
- Le syndic doit tenir compte de la consistance de la mutation : à nouveau, le syndic doit s’adapter à la nouvelle répartition de charges qu’implique le changement de copropriétaires. Ainsi, si le bien se trouve en indivision, il devra dans ses appels de charges répartir les montants à hauteur de la quote-part indivise de chaque indivisaire dans le bien. De même qu’en cas de démembrement, il devra distinguer les charges imputables à l’usufruitier (en général les charges courantes), de celles imputables au nue-propriétaire (en général les travaux exceptionnels). Encore plus compliqué, en cas de succession uniquement à concurrence de l’actif net, il reviendra au syndic de déclarer la quote-part de dette de charges, non apurée par la succession, auprès du notaire dans les quinze mois à compter de la publicité de la succession (Articles 788 et suivants - Code civil), afin d’être inscrit au rang des créanciers du défunt.
Deux exceptions doivent toutefois exempter le syndic de cette tâche particulièrement lourde. Premièrement, la notification de la mutation du bien n’a pas indiqué la consistance des droits de chaque copropriétaire. Aussi, les règles de répartition ne sont pas opposables au syndic. Ensuite, une solidarité existe en les multipropriétaires. Rappelons à ce titre que la solidarité ne se présume pas. Elle découle soit de la loi, par exemple lorsque les propriétaires indivis sont époux (Article 220 - Code civil), soit d’une convention. Tel est le cas lorsque le règlement de copropriété comporte une clause de solidarité : « en cas d’indivision de la propriété d’un lot, tous les propriétaires indivis et leurs héritiers et représentants seront solidairement et indivisiblement responsables entre eux, vis-à-vis du syndicat des copropriétaires, sans bénéfice de discussion, de toutes sommes dues afférentes audit lot » (pour illustration). Dans de tels cas, le syndic pourra réclamer le paiement intégral des charges auprès de chaque copropriétaire, à charge pour lui de se retourner contre les autres indivisaires.
- Le syndic doit tenir compte de la mutation dans le temps : l’article 6-2 du décret du 17 mars 1967 a excipé trois situations différentes pour organiser les règles d’imputation des charges à l’occasion de la mutation d’un lot :
- Le paiement de la provision exigible du budget prévisionnel, voté antérieurement à la vente, incombe au vendeur ;
- Le paiement des provisions non comprises dans le budget prévisionnel incombe à celui, vendeur ou acquéreur, qui est copropriétaire au moment de l’exigibilité ;
- Le trop ou moins perçu sur provisions, révélé par l’approbation des comptes, est porté au crédit ou au débit du compte de celui qui est copropriétaire lors de l’approbation des comptes.
Rappelons également que l’article 6-2 du décret du 17 mars 1967 n’étant pas d’ordre public, il est tout à fait possible d’y déroger contractuellement. C’est par ailleurs souvent le cas et le notaire prévoit dès la promesse de vente des stipulations spécifiques dans la répartition des appels de fonds entre l’acquéreur et le vendeur. Il s’agit ici d’anticiper conventionnellement les règles de répartition, notamment et surtout lorsque des travaux importants sont votés. Le vendeur peut donc spécifier que les fonds de la régularisation, si elle est créditrice, lui seront reversés alors même que c’est l’acquéreur qui sera copropriétaire au moment de l’approbation des comptes. Néanmoins, et c’est primordial, ces conventions ne sont pas opposables au syndicat des copropriétaires. En pratique cette vision est assez logique car le syndicat des copropriétaires n’est pas informé des termes de l’acte de vente. Lors de la mutation, le syndic ne reçoit qu’un simple avis - Notification article 6, qui ne lui permet pas de connaître les règles de répartition. Puis, il serait bien difficile de lui imposer de retrouver le vendeur pour lui restituer les fonds trop-perçus.
d) Le syndic doit enfin récupérer les charges dues par l’ancien propriétaire.
En effet, une fois la notification article 6 effectuée, le notaire dispose cette fois-ci d’un délai de quinze jours pour adresser en lettre recommandée avec accusé réception au syndic un avis de mutation article 20. Cet avis, destiné à permettre au syndic de recouvrer les créances du syndicat des copropriétaires, est le point de départ de l’opposition article 20. Cette procédure vise à permettre au syndic de récupérer le reliquat de charges impayées par l’ancien copropriétaire, en le prélevant directement sur le produit de la mutation. L’opposition article 20 est une procédure minutieuse qui implique une grande vigilance du syndic.
- L’opposition article 20 doit respecter des conditions de forme : elle doit être signifiée dans un délai de quinze jours à compter de la réception de la notification article 20, par acte extrajudiciaire, entre les mains du notaire qui réalise la vente (ou l’avocat poursuivant en cas d’adjudication). Elle doit également respecter des mentions obligatoires fixées à l’article 5-1 du Décret du 17 mars 1967 qui précise justement les conditions relatives au contenu de l’opposition article 20 notamment :
- Sur l’origine de la créance ;
- A quel titre elle est privilégiée, en précisant à quelle date elle a pris naissance.
La jurisprudence sanctionne lourdement les oppositions inexactes dans leur contenu, notamment celles qui ne préciseraient pas les causes de la créance ou se fonderait sur des sommes provisoirement évaluée.
- L’opposition article 20 doit respecter des conditions de fond : elle ne garantit que les créances certaines, liquides et exigibles. Cette exigence est en soit assez compréhensible. L’opposition article 20 doit être considérée comme un premier acte de saisie-attribution exorbitant en ce que le syndicat des copropriétaires peut, sans obtenir de titre judiciaire préalable et sans mettre en œuvre une exécution forcée, récupérer le montant de sa créance sur le prix de vente. De ce fait, ce pouvoir doit être restreint à des sommes légitimement acceptées. Par exemple, en se référant au recouvrement de charges de copropriété et à l’article 10 de la loi du 10 juillet 1965, la dette n’est appréhendable au titre de l’opposition que si les charges ont été dûment approuvées en assemblée générale (certaines), chiffrées et ventilées en fonction de tantièmes (liquides) et fait l’objet d’appels de fonds (exigibles). Exit alors les honoraires du syndic, de l’avocat, les frais d’huissier et autres dépenses dont l’octroi ne dépend que d’une décision de justice. Exit également les créances provisoires ou éventuelles. Par exemple, le syndic ne peut pas revendiquer dans son opposition article 20 une somme correspondant à des travaux que le copropriétaire s’était engagé à financer dans l’avenir mais qui n’ont pas été votés lorsqu’il était copropriétaire. Il revient au syndic de purger ces sommes mais aussi au notaire d’être vigilent. A défaut de quoi, une contestation de l’opposition pourra être formée.
A noter que l’opposition n’est pas une fin en soi et qu’en cas d’échec de cette mesure (si la mainlevée est prononcée par exemple), le syndic pourra toujours diligenter, au nom du syndicat des copropriétaires, une procédure en recouvrement de sa créance charges et recouvrer sa dette sur le patrimoine pécunier de l’ancien propriétaire débiteur.
III. Les responsabilités encourues du syndic dans le cadre de la mutation d’un lot.
a) Une responsabilité civile du syndic.
Les principaux risques pour un syndic dans le cadre de la mutation d’un lot sont évidemment d’ordre civil. Sa responsabilité peut être recherchée sur deux terrains.
- Une responsabilité civile délictuelle : vis-à-vis du cessionnaire ou du cédant et sur le terrain des articles 1240 et suivants du Code civil. Dans ce cas, il reviendra aux parties privées de démontrer qu’elles ont subi un préjudice du fait de l’action ou inaction du syndic. Par exemple, les informations de l’Etat daté étaient erronées…
- Une responsabilité civile en sa qualité de mandataire : cette fois-ci, c’est vis-à-vis de la copropriété que le syndic devra répondre de ses fautes. Cette responsabilité implique non seulement la démonstration d’une faute contractuelle mais également d’un préjudice correspondant à une perte de chance d’obtenir une éventualité favorable. Pour illustration, si le syndic n’a pas valablement fait l’opposition article 20, cela ne sera suffisant pour obtenir une condamnation à rembourser les sommes non récupérées au titre de cette opposition. Le syndicat des copropriétaires devra encore démontrer que d’autres procédures en recouvrement de créances ont été initiées en vain (prescription acquise pour les charges par exemple).
b) Une responsabilité pénale du syndic ?
Au titre de la mutation d’un lot, il n’existe pas un délit spécifique propre à la profession de syndic. En revanche, comme toute personne, le syndic pourra se voire imputer des délits de droit commun. En matière de cession immobilière, les délits dits « financiers », tels que l’escroquerie, l’abus de confiance… trouve parfaitement à s’appliquer. A noter que c’est le gestionnaire, personne physique, qui sera responsable pénalement. Le cabinet, personne morale, ne pourra être impliquée que cumulativement si la faute a été accomplie pour le compte de la société.
Ajoutons pour conclure que le syndic doit être vigilant sur le risque de conflit d’intérêt dans le cadre de la mutation d’un lot. En effet, il n’est pas rare qu’une agence pratique l’exercice de syndic mais également la transaction commerciale. En cas de conflit, le risque de se voir reprocher une faute sera plus important et il conviendra bien de démontrer la séparation des activités en deux entités distinctes.