Il convient de s’intéresser à un arrêt qui a été rendu par la Cour d’appel de Toulouse ce 04 avril 2023 N°RG 21/0345 et qui vient aborder l’hypothèse spécifique de la responsabilité de l’État pour dysfonctionnement de la justice au motif pris d’une problématique de bon déroulement de différentes procédures collectives.
Quels sont les faits ?
Dans cette affaire, par jugement du 28 septembre 2012, le Tribunal de commerce de Montpellier avait prononcé la liquidation judiciaire d’une SARL G.
Sur tierce opposition, cette décision a été retractée par jugement de la même juridiction autrement composée le 10 octobre 2012.
Par acte du 21 mars 2016, la société A a fait assigner la société G devant le Tribunal de commerce en paiement de factures pour près de 72 597.20 euros outre intérêts.
Elle a été par la suite déboutée de ses demandes par jugement du 18 janvier 2017.
Une requête aux fins d’autorisation de prise à partie.
Or, le 26 septembre 2017 la société G a déposé une requête aux fins d’autorisation de prise à partie devant le Président de la Cour d’appel de Montpellier visant notamment le Président et trois Juges du Tribunal de commerce de Montpellier, estimant que les magistrats composant le Tribunal de commerce lors des débats le 14 septembre 2012 et lors du prononcé du jugement du 28 septembre 2012 avaient commis une faute lourde au sens de l’article 505 ancien du Code de procédure civile.
Cette requête avait été rejeté par le Premier Président de la Cour d’appel de Montpellier par ordonnance du 20 octobre 2017.
Cela est très clairement donné le ton des relations entre la société G et les juges consulaires et la confiance que celle-ci pouvait avoir avec son Tribunal de commerce.
En marge de ces deux affaires, la société G a été assignée par l’URSSAF aux fins de redressement judiciaire devant le même Tribunal de commerce.
Une nouvelle requête aux fins de renvoi pour suspicion légitime.
C’est dans ces circonstances que, le 05 septembre 2017, la société G a déposé une requête aux fins de renvoi pour suspicion légitime afin que l’affaire soit renvoyée devant un autre Tribunal de commerce, Castres en l’occurrence.
Par requête du 05 juillet 2018, la société G et la SAS E ont par ailleurs saisi le Président de la Cour d’appel de Montpellier avec une requête en renvoi pour suspicion légitime à l’encontre du même Tribunal de commerce.
Concernant pour la première une procédure l’opposant à Monsieur G, pendante devant le Tribunal de commerce, et pour la seconde une autre procédure l’opposant à l’organisme de retraite.
Or, par ordonnance du 11 septembre 2018, le Premier Président de la Cour d’appel de Montpellier a fait droit aux demandes de dépaysement, renvoyant ces affaires devant le Tribunal de commerce de Béziers.
Un dépaysement ordonné par le Premier président.
C’est dans ces circonstances que, le 25 août 2018, Monsieur A, agissant tant en son nom personnel qu’en celui des sociétés G et E, a déposé auprès du Procureur de la République de Montpellier une plainte pour trafic d’influence en bande organisée, tenté d’extorsion de fonds et escroqueries en bande organisée, corruption active, escroqueries au jugement, intimidations et menaces à l’encontre de Maître G, avocat au Barreau de Montpellier.
Une plainte pénale dénonçant des liens étroits entre juge, avocat et banque.
Monsieur V, son époux et juriste au sein du service contentieux d’une grande banque, Madame N, juge consulaire du Tribunal de commerce et vice-Présidente et Monsieur P, consulaire et Président du Tribunal de commerce ainsi qu’un autre Monsieur, Monsieur B, ancien Juge consulaire et Président du Tribunal de commerce de Montpellier et Monsieur A, Président du Tribunal de commerce de Béziers.
Une nouvelle requête en suspicion légitime était alors déposée par la société G à l’encontre du Tribunal de commerce de Béziers auprès du Premier Président de la Cour d’appel de Montpellier.
Et, par ordonnance du 18 octobre 2018, le Président de la Cour d’appel de Montpellier confirmait ladite compétence du Tribunal de commerce pour statuer du litige, condamnant la société G à une amende civile de 3 000.00 euros.
Parallèlement, le 27 septembre 2018, au visa des différentes plaintes reprochant à Monsieur A, président du Tribunal de commerce, d’avoir statué sur les dossiers au lieu de se déporter, Monsieur A, dirigeant de la société G, notifiait aux greffiers des Tribunaux de commerce une information relative aux règles déontologiques, notamment à l’obligation d’impartialité des juridictions consulaires en question.
Manquement aux règles déontologiques du Greffier du tribunal de commerce.
Nonobstant toutes ces procédures en suspicion légitime diligentées par la société G et son dirigeant, Monsieur A, par jugement du 18 octobre 2018, le Tribunal de commerce statuant sur une assignation d’un créancier, prononçait l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire à l’encontre de la société G.
Par même jugement du Tribunal de commerce de Béziers en date du 24 octobre 2018, la société C était également placée en redressement judiciaire avec une date de cessation des paiements fixée provisoirement au 27 novembre 2017.
Deux sociétés placées en redressement judiciaire.
C’est dans ces circonstances que, par acte en date du 03 juillet 2019, Monsieur A, directeur de la société G, et ses deux sociétés ont fait assigner l’État Français devant le Tribunal judiciaire de Toulouse en responsabilité pour fonctionnements défectueux des services de la justice et condamnation avec des dommages et intérêts au profit de la société G et de Monsieur A.
À hauteur de Cour d’appel, Monsieur A et la société G soutenaient sur le fondement de l’article L141-1 du Code de l’organisation judiciaire qu’il ressort des circonstances de l’espèce qu’une série de déficients sont traduits à l’inaptitude du service public, pousser Monsieur A à la liquidation judiciaire de sa société puis à sa déconfiture et aux graves difficultés qui s’en sont suivies.
De telle sorte qu’il y avait matière à engager la responsabilité de l’État pour dysfonctionnement en l’état de nombreuses erreurs commises tout au long du cursus procédural et dudit déroulement de l’ensemble des procédures.
La responsabilité de l’État pour dysfonctionnement de la Justice.
Il reprochait au premier Tribunal de commerce, dans son jugement du 28 septembre 2012 ayant prononcé la liquidation judiciaire immédiate de la société G, de n’avoir absolument pas vérifié si l’entreprise était en état de cessation des paiements et n’a pas fait le choix d’opter pour un redressement judiciaire alors que la créance pouvait être réglée dans le cadre d’un plan de redressement.
Concernant les autres procédures, Monsieur A reprochait les liens visés dans sa plainte entre les différents protagonistes, tantôt Juges commissaires, tantôt le Président du Tribunal de commerce, tantôt responsables auprès de la banque.
De telle sorte que ces derniers considéraient que les décisions rendues manquaient parfaitement d’impartialité et que les décisions de première Instance assorties de l’exécution provisoire étaient lourdes de conséquence pour la société G qui a souffert de la première liquidation judiciaire à la suite de la publication BODACC de celle-ci et de la clôture des comptes auprès de la banque en question, mettant ainsi fin aux concours bancaires de la société.
Ce qui a amené à une déconfiture inexorable de la société.
Une déconfiture imputable au dysfonctionnement du Tribunal de commerce ?
Monsieur A, quant à lui, considérait avoir qualité à agir et à interagir dans la mesure où il représentait toutes les sociétés en liquidation judiciaire et que les dysfonctionnements de la justice ayant amené ces sociétés à la liquidation judiciaire, il était recevable à intervenir en qualité de dirigeant des entités commerciales en question, à titre personnel en raison du préjudice direct découlant de la liquidation judiciaire successive des différentes entités.
Lesquelles sont usagers du service public au regard des décisions qui les concernent au premier chef et Monsieur A, dirigeant, restant usagé de l’ensemble des décisions en litige touchant ces différentes entités dont il était le dirigeant.
Ainsi, Monsieur A et ses sociétés estimaient que nonobstant la rétractation sur tierce opposition de la décision initiale du Tribunal de commerce, le mal était fait en terme économique et de réputation.
L’exécution provisoire de la liquidation judiciaire et ses effets préjudiciables.
L’exécution provisoire étant attachée à la décision et que l’action engagée contre l’État reposait sur un cumul des différentes fautes liées aux différentes décisions, lesquelles, mises bout à bout, génèrent un préjudice global tant à Monsieur A qu’à ses différentes structures.
En déduisant ainsi un préjudice de 1 500 000 euros pour la société G et d’un préjudice de 600 000 euros pour Monsieur A qui aurait été contraint, pour sauver son entreprise, d’injecter ce montant en compte courant.
Ce n’est naturellement pas de l’avis de l’agent judiciaire de l’État qui, au visa de l’article L141-1 du Code de l’organisation judiciaire, soutient que seuls les usagers du service public de la justice ont le droit de mettre en cause la responsabilité de l’État pour fonctionnement défectueux de ce service.
C’est-à-dire, les personnes subissant les conséquences d’une procédure judiciaire à laquelle elles ont été parties.
Les tiers à la procédure à l’occasion de laquelle aurait été subis un dommage, étant irrecevables.
La qualité à agir en réparation du dirigeant d’une entreprise en liquidation judiciaire.
L’agent judiciaire de l’État estime que Monsieur A ne possède pas la qualité d’usager du service public de la justice au regard des procédures en cause étant tiers à la procédure de liquidation judiciaire ouverte à l’encontre de la société G.
Que Monsieur A était tout aussi tiers à l’action en tierce opposition au jugement du 28 septembre 2012 ainsi qu’à l’ensemble des procédures de prise à partie initiée alternativement par les seules sociétés G et C.
L’agent judiciaire de l’État estime que la société C ne possède pas la qualité d’usager du service public pour critiquer l’ensemble des procédures en causes à l’exception de celles initiées par celles l’opposant à Monsieur F ayant donné lieu à l’ordonnance du Premier Président de la Cour d’appel de Montpellier du 20 septembre 2018 et de celle par laquelle a été ouverte une procédure de redressement judiciaire à son encontre.
Aucun lien n’étant justifié entre elle et les autres sociétés requérantes, qu’elle n’était donc pas recevable à agir dans le cadre de ces deux procédures exclusives.
Enfin, l’agent judiciaire estime que la société E n’est également, pour les mêmes raisons, recevable à agir que pour les deux procédures la concernant et que celle-ci n’a pas vocation à intervenir pour les autres dossiers.
Sur le fond, l’agent judiciaire de l’État soutient l’absence du fonctionnement défectueux du service public de la justice.
Une absence de fonctionnement défectueux du service public de la Justice ?
En effet, l’agent judiciaire de l’État souligne que, s’agissant d’une décision du 28 septembre 2012 ayant prononcé la liquidation judiciaire de la société G, il estime qu’aucune faute lourde n’est caractérisée alors que seul est critiqué le mal jugé ou le mal apprécié et que la critique d’une décision juridictionnelle relève exclusivement de l’exercice des voies de recours prévues par la loi, la faute lourde ne pouvant résulter de la divergence d’appréciation entre la juridiction et un requérant.
Le mal jugé ou le mal apprécié du juge consulaire, source de responsabilité ?
Rappelant par ailleurs qu’au demeurant et sur opposition, cette décision avait été retractée le 28 septembre 2018, soit, six ans plus tard dont on peut bien sûr se douter que les conséquences économiques ont été désastreuses.
S’agissant des procédures de prise à partie, l’agent judiciaire de l’État relève que l’action en responsabilité de l’État ne constitue pas une voie de recours distincte de celle existant visant à pallier le mécontentement du justiciable, qu’aucune information n’est au demeurant communiqué de nature à déterminer l’affaire en cause dont le renvoi devant le Tribunal de Béziers est reproché.
L’agent judiciaire de l’État soulignant que par ailleurs le requérant avait obtenu plusieurs fois gain de cause puisque la Cour d’appel de Montpellier avait ordonnée à de multiples reprises le dépaysement des affaires initiées par A et ses différentes sociétés.
Concernant la plainte pénale du 25 août 2018, là-encore, l’agent judiciaire considère qu’aucune faute lourde n’a été caractérisée.
Les fondements juridiques de la responsabilité de l’État pour dysfonctionnement de la Justice.
La Cour d’appel de Montpellier, quant à elle, vient rappeler qu’il résulte des dispositions de l’article L141-1 du Code de l’organisation judiciaire que l’État est tenu de réparer le dommage personnel causé par le fonctionnement défectueux du service public de la justice lorsque cette responsabilité est engagée par une faute lourde ou un déni de justice non seulement à la victime direct du fonctionnement défectueux du service public de la justice mais aussi aux victimes par ricochets dès lors que le dommage subit par celle-ci trouve sa source dans le préjudice de la victime directe du fonctionnement défectueux du service public de la justice pour faute lourde ou déni de justice.
Il résulte suffisamment des pièces produites au débat, notamment de l’ordonnance Premier Président de la Cour d’appel de Montpellier du 18 octobre 2018, que Monsieur A est bel et bien le gérant de droit de la société G et de la société C comme de la société E.
Dans la mesure où Monsieur A agi en responsabilité pour fonctionnement défectueux de la justice, tant à titre personnel qu’en tant que dirigeant des sociétés et selon ce qui l’allègue détenteur d’un compte courant associés dans les sociétés G, C et E, ayant générés selon lui en réparation des préjudices découlant selon lui des différentes procédures collectives ayant générées des difficultés économiques affectant l’ensemble de ces sociétés qu’il représente, motivant les différentes requêtes en suspicion légitime, prise à partie et dépaysement réalisé dans le cadre des diverses procédures concernant les demandes en paiement dont faisaient l’objet ses sociétés, notamment la société G, C et E.
Dès lors, la Cour considère que Monsieur A, tant en son nom personnel qu’aux noms des sociétés parties à la procédure, justifie d’un intérêt d’une qualité à agir tant pour les sociétés en question que pour lui-même se présentant à tout le moins comme victime par ricochets du dysfonctionnement du service public de la justice invoquée des suites notamment de la décision contestée du 28 septembre 2012 prise à l’encontre de la société G, voir comme victime directe de diverses décision sur prise à partie ou suspicion légitime intervenue par la suite.
Un dirigeant recevable à agir contre l’État pour dysfonctionnement de la Justice.
De telle sorte que la Cour confirme la recevabilité des actions fondées sur les diverses décisions inventoriées par Monsieur A à titre personnel, de même que pour les sociétés G, C et E dont il était le dirigeant.
Concernant le bien-fondé de l’action faite par Monsieur A et ses différentes sociétés G, C et E, la Cour rappelle que selon les dispositions de l’article L141-1 du Code de l’organisation judiciaire, l’État est tenu de réparer le dommage causé par le fonctionnement défectueux du service public de la justice, sauf dispositions particulières, rappelons-le, cette responsabilité n’est engagée que pour une faute lourde ou par un déni de justice.
Dès lors, la responsabilité de l’État du fait du fonctionnement défectueux de la justice ne peut être recherché que sur le fondement de ce texte.
Les critères de l’article L141-1 du Code de l’organisation judiciaire.
L’existence d’un régime de responsabilité propre au fonctionnement défectueux des services de la justice qui ne prive pas le justiciable d’accès au Juge n’est pas en contradiction avec les exigences d’un procès équitable au sens de l’article 6-1 de la convention Européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
La Cour rappelle que, constitue une faute lourde, toutes déficiences caractérisées par un fait ou une série de faits traduisant l’inaptitude du service public de la justice à remplir les missions dont il est investi.
Cette inaptitude ne peut être appréciée que dans la mesure où l’exercice des voies de recours n’a pas permis de réparer le mauvais fonctionnement allégué.
En effet, en le cas des dommages causés aux particuliers du fait d’une violation manifeste du droit de l’Union Européenne par une décision d’une juridiction nationale statuant aux derniers ressorts, l’action en responsabilité de l’État ne saurait avoir pour effet de remettre une cause une décision judiciaire en dehors de l’exercice des voies de recours.
En l’espèce, la Cour rappelle que si par jugement du 28 septembre 2012 le Tribunal de commerce de Montpellier a effectivement prononcé, sur assignation de la société A, la liquidation judiciaire immédiate de la société G, il est acquis que sur tierce opposition la même juridiction a déclaré recevable cette tierce opposition et retractée le jugement le 28 novembre 2012, retenant que la société A ne disposait d’aucun titre exécutoire de condamnation à paiement, la facture invoquée était contestée, que la situation de trésorerie de la société G n’était pas obérée, les prévisions comptables étant favorables.
Dès lors, que des suites de l’exercice d’une voie de recours ouverte, les déficiences alléguées à l’encontre du jugement du 28 septembre 2012 ont été corrigées, aucune faute du service public de la justice n’est caractérisée s’agissant de l’intervention de ladite décision de sorte que la responsabilité de l’État ne peut être recherchée à ce titre.
Les déficiences du jugement corrigées par la Tierce opposition ?
S’agissant des différentes procédures d’accusations, de prises à partie ou de dépaysements pour cause de suspicions légitimes, il convient au regard de l’amalgame entretenu de sérier les problématiques.
En application de l’article 341 du Code de procédure civile, sauf dispositions particulières, l’accusation d’un Juge est admise pour les causes prévues par l’article L111-6 du Code de l’organisation judiciaire.
En l’espèce, dans le cadre de la requête aux fins de renvoi pour cause de suspicions légitimes déposée le 05 octobre 2017 par la société G dans le cadre d’une instance initiée à son encontre par l’URSSAF aux fins de redressement judiciaire devant le Tribunal de commerce de Montpellier, le Premier Président de la Cour d’appel a rejeté cette requête par une décision motivée, retenant qu’il n’y avait pas de procès en cours entre les magistrats visés par la requête et la société G, le simple dépôt d’une requête de prise à partie ne permettant pas de retenir l’existence d’un procès au sens de l’article L111-6 4ème, ni de caractériser une inimitié notoire au sens de l’article L111-6 8ème.
Qu’enfin, il n’existait aucune identité entre l’Instance ayant donné lieu cinq ans plus tôt au jugement de 2012 et celle engagée par les différents créanciers et pour des causes différentes.
L’intervention de cette ordonnance juridictionnelle, motivée au regard du cadre juridique applicable, n’est pas de nature à caractériser elle-même une faute lourde au service de la justice.
La Cour souligne que la société G a initiée en 2017 une procédure de prise à partie à l’encontre de plusieurs magistrats du Tribunal de commerce, laquelle a été rejetée par le Premier Président de l’époque de la Cour d’appel de Montpellier.
En application de l’article 366-5 du Code de procédure civile, la décision du premier Président de refus de la procédure de prise à partie est susceptible de recours devant la Cour de cassation dans les quinze jours de son prononcé.
Le recours étant formé, instruit et jugé sur la procédure sans représentation obligatoire.
Il ressort de l’ordonnance du Premier Président de la Cour d’appel de Montpellier du 18 octobre 2018 qu’un recours avait effectivement été exercé devant la Cour de cassation à l’encontre de cette décision de refus d’autorisation de procédure de prise à partie, cette procédure pendante dont l’issue ne tenant pas à justifier ayant par ailleurs motivé plusieurs dépaysements de dossier concernant les sociétés du groupe G au profit d’un autre Tribunal de commerce.
Le refus d’autorisation de procédure de prise à partie, source de responsabilité ?
Ainsi, la Cour considère que dans la mesure où un recours a pu être exercé à l’encontre de la décision de refus d’autoriser la procédure de prise à partie où l’arrêt de la Cour de cassation n’est pas produit, aucun dysfonctionnement du service de la justice n’est caractérisé dans le cadre de cette procédure de nature à engager la responsabilité de l’État.
Par ailleurs, la Cour retient qu’aucun dysfonctionnement susceptible de caractériser une faute lourde ne résulte des procédures de dépaysements envers les autres tribunaux de commerce.
Étant rappelé qu’en application des dispositions de l’article 347 du Code de procédure civile, la décision de renvoi s’impose aux parties et au Juge de renvoi.
Le fait que par des décisions motivées respectant le cadre procédural applicable, le Premier Président de la Cour d’appel de Montpellier ait refusé un nouveau dépaysement, les dossiers en cause vers une autre juridiction par ordonnance des 16 juillet & 18 octobre 2018, estimant injustifiés les motifs de récusations ou de suspicions invoqués par la société G, ne caractérise pas d’avantage un dysfonctionnement des services de la justice.
L’appréciation toute personnelle des appelants, de ce que ces renvois devant le Tribunal de commerce de Béziers ne seraient pas suffisants, n’était pas de nature à caractériser un dysfonctionnement de la juridiction d’appel ou un défaut d’impartialité et encore moins une faute lourde.
La Cour retient enfin qu’il est vrai que Monsieur A a effectivement déposé des plaintes pénales à l’encontre de différents magistrats d’un premier Tribunal de commerce, puis à l’encontre de l’ancien Président du deuxième Tribunal de commerce ainsi qu’à l’encontre d’une avocate intervenue pour le compte des sociétés qu’il dirigeait et de l’époux de cette dernière, lequel était responsable au sein d’un établissement bancaire, in fine, adversaire de l’entreprise en difficulté.
Cependant, la Cour considère que l’ensemble de ces éléments ne suffisent pas à caractériser un dysfonctionnement de la justice pouvant caractériser une faute lourde et engageant l’État de par ce fait.
Dès lors, la Cour considère que dans cette hypothèse il n’y a pas de fonctionnement défectueux du service public de la justice.
L’absence de fonctionnement défectueux du service public de la Justice.
Cette jurisprudence demeure malgré tout extrêmement intéressante car, comme le rappelle très justement l’article L141-1 du Code de l’organisation judiciaire, le fonctionnement défectueux du service public de la Justice peut générer un préjudice pour une victime mais aussi pour une entreprise que ce soit en cas de faute lourde ou de déni de justice.
Un dysfonctionnement de la Justice aussi pour une entreprise en difficulté,
Même en procédure collective une entreprise peut être victime de ce dysfonctionnement de la justice et il n’est pas impromptu, pour un chef d’entreprise, de considérer que le Tribunal de commerce par voie d’une faute lourde ou de plusieurs fautes cumulées qui pourraient s’apparenter à une faute lourde verrait la responsabilité de l’État engagée au motif pris de ce fonctionnement défectueux du service public de la justice qui a entrainé la déconfiture de l’entreprise et un préjudice important, aussi bien pour la personne morale que pour son dirigeant, bien souvent caution par ailleurs.
Dès lors, s’il est vrai que la responsabilité de l’État pour fonctionnement défectueux de la justice est souvent retenue dans des affaires essentiellement à caractère pénal et bien souvent avec un impact médiatique important, il n’en demeure pas moins que dans le droit de l’entreprise en difficulté cette responsabilité de l’État pour fonctionnement défectueux des services de la justice est tout aussi envisageable parce que les conséquences sont, sur le terrain économique, tout aussi dramatiques.
Nous rappelons en tant que de besoin que la publication au BODACC d’un jugement de liquidation judiciaire et l’ensemble des effets juridiques attachés au prononcé de cette liquidation judiciaire exécutoire immédiatement et avec effet immédiat à 00H01 du jour du jugement rendu entraine de facto le licenciement des salariés, la clôture de l’ensemble des comptes, la fin de l’ensemble des relations contractuelles qui font que même si une tierce opposition intervient pour remettre rapidement à la société le boni, les conséquences sont parfois irréversibles, le mal étant fait, l’entreprise ne pouvant plus rebondir correctement sur le terrain économique et se retrouvant de facto à nouveau en liquidation judiciaire.
Une faillite catastrophique pour toutes les entreprises d’un groupe par vase communiquant.
Cette bataille judiciaire entre les différentes sociétés de Monsieur A, la société G, C et E, démontre malheureusement que, par cette simple théorie des vases communiquants, les problématiques rencontrées par une société et son dirigeant se sont finalement répercutées sur les autres entités tant il est vrai que sur le terrain économique les relations commerciales établies reposent sur des relations saines et que, dès lors qu’une entreprise est entachée d’une liquidation judiciaire, c’est la réputation des autres entreprises voisines et de son dirigeant qui sont impactés.
Dès lors, effectivement dans cette affaire, la Cour, bien protectrice du « bon fonctionnement » de la justice, n’a pas cru bon caractériser la responsabilité de l’État pour fonctionnement défectueux de la justice.
Pour autant, elle retient quand même que Monsieur A, tant en son nom personnel qu’au nom et pour le compte des différentes sociétés dont il était le dirigeant, demeure recevable à imaginer cette action en responsabilité pour dysfonctionnement de la justice car il est parfaitement loisible de penser que ce dernier a été clairement victime des conséquences de cette liquidation judiciaire désastreuse.
Une responsabilité pour faute lourde ou déni de justice.
Rappelons que cette responsabilité pour dysfonctionnement de la justice ne vaut qu’en cas de faute lourde ou de déni de justice mais la jurisprudence a également retenu, notamment en procédure collective, que le cumul de petites fautes au sein de la procédure collective peut caractériser une faute lourde, engageant ainsi la responsabilité de l’État.
À bon entendeur.