Article initialement paru dans le dossier spécial [Entreprises en difficulté] du numéro 103 du Journal du Management juridique et réglementaire d’entreprises.
Bonne lecture !
Quelle procédure pour quelles difficultés ?
Selon la gravité de la situation, plusieurs procédures collectives peuvent être ouvertes : sauvegarde, redressement ou liquidation judiciaire.
La sauvegarde est destinée aux entreprises qui, sans être en cessation de paiements, souhaitent anticiper une crise plus profonde en se restructurant en amont.
Le redressement judiciaire intervient dès lors que la société est en état de cessation de paiements mais que des perspectives de redressement existent. Il vise alors à réorganiser l’entreprise pour permettre la poursuite de son activité ou créer les conditions de sa reprise par un tiers.
Enfin, la liquidation judiciaire est envisagée dès lors qu’il n’existe plus aucune perspective de rétablissement.
Dans chacune de ces procédures, la gestion des contrats de travail et des effectifs représente un enjeu crucial. L’employeur se trouve face à un défi de taille : conjuguer la réduction des effectifs avec le respect des obligations légales en droit du travail.
La réduction des effectifs : comment organiser la rupture des contrats de travail ?
Les ruptures des contrats de travail constituent bien souvent une étape incontournable à l’occasion d’une procédure collective. Elles sont facilitées et les procédures sont accélérées pour répondre à l’urgence de la restructuration, mais elles sont strictement encadrées afin d’éviter les abus, préserver les droits des salariés et s’assurer que l’objectif premier de la restructuration sera la préservation de l’activité et du maximum d’emplois associés.
Si l’ampleur des difficultés nécessite la mise en place d’une procédure de licenciement collectif (au moins 10 licenciements sur une période de 30 jours), alors la mise en place d’un Plan de Sauvegarde de l’Emploi est impérative dans les entreprises de plus de 50 salariés.
> Le plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) dans une entreprise en difficulté.
Ce dispositif est aménagé selon les dispositions de l’article L.1233-58 du Code du travail lorsque l’entreprise bénéficie d’une procédure de redressement ou de liquidation judiciaire.
Les Mandataires de Justice devront explorer en amont des licenciements les actions facilitant le reclassement interne ou externe des salariés menacés, et leur mobilité géographique ou professionnelle, ou encore prévoir des actions de formation et ce dans des délais très contraints. Les entreprises ont tout intérêt à s’appuyer sur des outils concrets (bilan de compétence, cellule de reclassement) afin de renforcer l’efficacité des mesures proposées, ce d’autant que le PSE devra être élaboré en association avec les instances représentatives du personnel et homologué ou validé par la DREETS.
Les dispositions du PSE doivent être suffisantes (mesures en adéquation avec la situation de la société) mais aussi objectives (élaboration de critères d’ordre des licenciements), à défaut, en cas de contentieux il existe un risque de remise en cause de l’ensemble des licenciements économiques prononcés. Toutefois la nullité n’est en principe pas encourue, le risque est limité à une absence de cause réelle et sérieuse et à l’allocation d’indemnité en application des barèmes.
En procédure collective les aménagements sont nombreux : le périmètre d’analyse des difficultés économiques est restreint, le congé de reclassement n’est pas applicable mais il est remplacé par le CSP (Contrat de Sécurisation professionnelle) quelle que soit la taille de l’entreprise, des délais spécifiques excessivement brefs sont applicables.
Les délais très réduits notamment s’agissant de la procédure d’information-consultation du CSE (1 seule réunion obligatoire) ainsi que la prise en charge par l’AGS sous forme d’avances de l’ensemble des indemnités de rupture, sont facilitateurs et permettent à une entreprise en difficulté de créer les conditions de sa survie et de son rebond. Enfin, les ruptures devront être autorisées par le Tribunal de commerce ou le juge commissaire ce qui est une sécurité tant pour les salariés que pour les organes de la procédure, qui les mettent en œuvre.
Au-delà de ces aménagements pour la mise en œuvre des PSE, d’autres mesures alternatives aux licenciements économiques existent et méritent d’être envisagées.
> Quelles sont les alternatives aux licenciements économiques ?
Face aux impératifs économiques, le licenciement n’est pas toujours la seule option. D’autres dispositifs permettent de concilier réduction des coûts et maintien des emplois.
La modification des contrats de travail peut constituer une solution pertinente. Conformément à l’article L.1222-6 du Code du travail, l’employeur peut proposer (mais non pas imposer) des changements substantiels (réduction du temps de travail, modification de la rémunération, etc.) pour sauvegarder l’activité. L’adhésion du salarié est toutefois indispensable. Si l’entreprise employeur bénéficie d’une procédure collective, le délai laissé aux salariés pour faire connaître leur réponse est raccourci à 15 jours au lieu d’un mois dans une entreprise in bonis.
Le recours à l’activité partielle peut être un outil efficace pour réduire temporairement le temps de travail tout en maintenant l’emploi. Si le dispositif de l’APLD n’existe plus, d’autres cas de recours à l’activité partielle peuvent offrir une flexibilité en permettant à l’entreprise de réagir à une fermeture temporaire ou à une baisse d’activité, avec une prise en charge étatique qui allège significativement les coûts salariaux. Si la procédure de redressement judiciaire est compatible avec la mise en place de l’activité partielle, elle ne sera en revanche pas possible en liquidation judiciaire.
Dans d’autres cas, la conclusion d’accords collectifs pourrait constituer une alternative intéressante. Les accords de rupture conventionnelle collective (RCC), les accords de gestion des emplois et des parcours professionnels (GEPP) ou encore les accords de performance collective (APC) peuvent permettent d’ajuster les effectifs et les conditions de travail aux besoins de la société si un PSE n’est pas nécessaire.
Mais dans de telles hypothèses l’intervention de l’AGS pourrait-elle être sollicitée ?
Rappelons que l’AGS garantit les sommes dues aux salariés à la date du jugement d’ouverture de la procédure (salaires restant impayés, indemnités de congés payés) dans certaines limites.
Les créances résultant de la rupture des contrats de travail à l’initiative des mandataires judiciaires seront aussi prises en charge par l’AGS, tout comme les contributions dues au titre du contrat de sécurisation professionnelle sous réserve que les licenciements aient été notifiés dans les délais fixés (pendant la période d’observation, et au plus tard dans les 15 ou 21 jours de la liquidation judiciaire ou dans le mois suivant l’arrêté du plan).
Enfin, rappelons que les mesures annexes aux mesures d’accompagnement résultant d’un PSE pourront elles aussi être garanties par l’AGS.
En revanche, l’AGS ne couvrant pas les sommes qui concourent à l’indemnisation du préjudice causé par la rupture du contrat de travail en application d’un accord d’entreprise, d’établissement ou de groupe ou encore d’un accord collectif si l’accord a été conclu 18 mois avant la date du jugement d’ouverture ou si l’accord a été conclu postérieurement à l’ouverture de la procédure, l’intérêt du recours à ces dispositifs alternatifs tels que la RCC ou l’APC semble limité pour les partenaires sociaux.
En tout état de cause, la garantie de l’AGS est toujours subsidiaire et limitée à un plafond fixé en fonction de l’ancienneté du salarié au jour de l’ouverture de la procédure collective.
Malgré ces réserves s’agissant des mesures alternatives, il faut constater que les aménagements prévus en droit du travail notamment pour la mise en œuvre des PSE peuvent être incitatifs lorsque l’on sait qu’une restructuration « urgente inévitable et indispensable » doit être mise en œuvre. La procédure collective peut être l’occasion d’une restructuration efficace pour créer les conditions du rebond de l’entreprise en difficulté tout en préservant les droits des salariés. Le droit du travail peut être le levier indispensable qui doit être perçu comme une boîte à outils pour transformer une situation de crise en opportunité d’adaptation et de résilience.