Il convient de s’intéresser à une jurisprudence de la Cour de cassation, Chambre commerciale, du 02 mai 2024, N°22-18.074, qui vient caractériser la responsabilité de l’établissement bancaire alors que les opérations de banque ont été effectuées par, non pas le titulaire du compte, mais par son épouse qui avait subtilisé le doublon de sa carte bancaire.
En effet, dans cette jurisprudence, la Cour de cassation rappelle que les retraits et paiements effectués par une épouse à l’aide du doublon de la carte bancaire de son conjoint qu’elle a obtenu à son insu constitue des opérations de paiement non autorisées.
La responsabilité de la banque pour des opérations de paiement non autorisées.
De telle sorte que l’action en responsabilité de la banque pour ces opérations que l’utilisateur de service de paiement s’est abstenu de contester dans le délai de treize mois, applicable quand bien même la banque est l’employeur de l’épouse, est irrecevable pour cause de forclusion.
Cette jurisprudence venant rappeler les délais dans lesquels le titulaire du compte est en mesure de le contester.
Quels sont les faits ?
Dans cette affaire, Monsieur L avait assigné le 15 juin 2017 la banque en sa qualité de commettant d’une salariée, Madame X, qui est alors son épouse séparée de biens et qui s’était fait établir et remettre à son insu un doublon de la carte de paiement qu’il détenait sur un compte ouvert dans les livres de cette banque qui avait, entre 2007 et 2011, utilisé cette carte pour effectuer des retraits et payer différents achats dont le montant était débité sur le compte de son époux.
Monsieur L formait pourvoi en cassation en suite de l’arrêt qui avait été rendu par la Cour d’appel de Nîmes en avril 2022 au motif pris de ce que ce dernier faisait griefs à la cour d’appel d’avoir déclaré son action dirigée contre la banque irrecevable et de substituer la cause d’irrecevabilité tirée de la forclusion à celle de la prescription retenue par le premier Juge.
Le délai de forclusion pour contester une opération de paiement non autorisée.
En effet, ce dernier rappelait, au visa de l’article L133-24 du Code monétaire et financier que, en cas d’opération de paiement non autorisée signalé par l’utilisateur de service de paiements, le remboursement immédiat du montant de l’opération non autorisée par le prestataire de service de paiement du payeur est conditionné au signalement de l’opération par l’utilisateur dans un délai de treize mois suivant la date de débit sous peine de forclusion tel que le rappelle l’article susvisé.
Pour autant, Monsieur L rappelait que l’émission d’une carte bancaire en doublon par la banque à la demande de sa préposée à l’insu du titulaire du compte ne constitue pas une opération de paiement non autorisée.
La responsabilité de la banque du fait de sa préposée.
Qu’en l’espèce, Monsieur L avait effectivement engagé une action en responsabilité à l’égard de la banque en sa qualité de commettant en raison de la demande d’autorisation frauduleuse et de l’obtention par sa préposée d’une carte de doublon à l’insu du titulaire du compte.
Or, pour juger que l’action en responsabilité engagée à l’encontre de la banque était recevable pour cause de forclusion, la cour d’appel avait relevé que la situation entre l’utilisateur du moyen de paiement et la banque est régi par le droit spécial de l’article L133-24 du Code monétaire et financier enfermant le délai d’action du titulaire du compte dans le délai de forclusion de treize mois.
Un délai d’action du titulaire du compte inscrit dans un délai de forclusion de treize mois.
De sorte que le demandeur, qui s’était abstenu de contester en temps utile des opérations litigieuses intervenues sur son compte, ne peut prétendre engager la responsabilité du prestataire de service de paiement passé ce délai.
Or, pour Monsieur L, en subordonnant la recevabilité de l’action en responsabilité intentée contre la banque au respect des délais fixés à l’article L133-24 du Code monétaire et financier qu’en l’action intentée visait à retenir la responsabilité du banquier commettant en raison de l’émission d’une carte doublon demandée frauduleusement à l’insu du titulaire du compte par la préposée, tant bien même celle-ci serait son épouse séparée de biens, s’analyse non pas en une opération de paiement non autorisée, de telle sorte que ce dernier était bien fondé à engager la responsabilité du banquier en sa qualité de commettant du fait de son préposé suivant responsabilité contractuelle de cinq ans.
La responsabilité contractuelle de la banque de cinq ans.
Pour autant, la Cour de cassation ne partage pas cette analyse.
La Haute juridiction rappelle en tant que de besoin que selon l’article L133-6 du Code monétaire et financier, une opération de paiement est autorisée si le payeur a donné son consentement à son exécution.
Il en résulte que, contrairement à ce que postule Monsieur L, les retraits et paiements effectués par Madame X à l’aide du doublon de la carte bancaire de son conjoint qu’elle avait obtenu à son insu constitue des opérations de paiement non autorisées par le payeur titulaire du compte,
Pour autant, il résulte de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union Européenne du 16 mars 2023 (Beobank c/ C-351/21) que dès lors que la responsabilité de la banque, prestataire de service de paiement, est recherchée sur le fondement d’une opération de paiement non autorisée, elle est seule applicable au régime de la responsabilité définie au visa de l’article L133-18 à L133-20 du Code monétaire et financier et ce, à l’exclusion de tout autre régime alternatif de responsabilité résultant du droit national.
Bien plus, pour la Haute juridiction, selon l’article L 123-24 du Code du commerce, l’utilisateur des services de paiement signale sans tarder à son prestataire de service de paiements une opération de paiement non-autorisée ou mal exécutée et, au plus tard, dans les treize mois suivant la date de débit sous peine de forclusion.
Un délai de forclusion de 13 mois pour contester une opération de paiement non-autorisée.
De telle sorte que la Cour de cassation considère que c’est à bon droit que la cour d’appel a fait application de l’article L123-24 du Code monétaire et financier quand bien même la banque se trouvait être l’employeur de Madame X.
Que dès lors, Monsieur L, qui entendait engager la responsabilité de la banque pour des opérations de paiement intervenues sur son compte entre 2007 et 2011 et qu’il s’était abstenu de les contester dans le délai de treize mois, ce n’est qu’à juste titre que la cour d’appel en a exactement déduit que cette action était irrecevable pour cause de forclusion.
Cette jurisprudence est intéressante à plus d’un titre.
Premièrement, elle rappelle effectivement que le titulaire d’un compte bancaire peut engager la responsabilité de la banque en cas d’opérations de paiement non autorisées ou mal exécutées par l’établissement bancaire.
Cependant, elle rappelle quand même que ce délai est strictement encadré par un délai de forclusion de treize mois à compter d’une opération litigieuse.
Qu’il appartient donc au titulaire du compte d’être malgré tout attentif au sort de son compte bancaire et à ses opérations car même si on peut aisément comprendre que tout à chacun est pris par ses affaires courantes, un minimum de vigilance quant à la gestion de ses comptes bancaires et de ses finances demeure malgré tout un point à s’assurer et à vérifier afin de justement ne pas se retrouver par la suite hors délai car finalement le délai de forclusion de treize mois reste un délai assez court.