Au cas d’espèce, un contrat portant sur la réservation d’un stand à l’occasion d’une foire a été conclu entre un commerçant et un Comité en charge de l’organisation de la foire. L’événement devait se tenir du 3 au 6 avril 2020. Toutefois, l’organisateur de la foire a informé le commerçant de l’annulation de l’événement, à la suite des mesures prises par le gouvernement tendant à empêcher l’expansion de la pandémie de Covid-19.
Suite au refus par le comité organisateur de rembourser la totalité de la somme versée par le commerçant en contrepartie de la réservation, ce dernier a assigné ledit comité en paiement du reliquat de la somme.
Par un jugement rendu en dernier ressort le 24 janvier 2023 par le Tribunal de commerce de Meaux, le commerçant a été débouté de ses demandes de restitution, et ce, en dépit de la constatation par le Tribunal, de la présence d’un cas de force majeure ayant empêché définitivement l’exécution du contrat. Toutefois, cette décision a été cassée par la chambre commerciale de la Cour de cassation.
En effet, selon la Haute juridiction, l’exonération du débiteur d’exécuter son obligation du fait de la force majeure, ne l’exonère pas, à contrario de restituer l’acompte versé par son cocontractant.
Cette décision fait appel à une double réflexion : la libération du débiteur de son obligation d’exécuter la prestation promise (A), mais aussi, l’obligation de restituer la totalité des sommes versées par le créancier (B).
A) L’exonération du débiteur d’exécuter son engagement.
Notion importante en droit des contrats, la force majeure est définie par l’article 1218 du Code civil comme :
“un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors de la conclusion du contrat et dont les effets ne pouvaient être évités par des mesures appropriées, ce qui empêche l’exécution de son obligation par le débiteur”.
En d’autres termes, trois conditions sont requises pour caractériser force majeure : une condition d’extériorité, c’est-à-dire que l’événement de force majeure doit être extérieur au débiteur ; une condition d’imprévisibilité, c’es-à-dire, les parties ne pouvaient pas prévoir l’événement de force majeure lors de la formation du contrat ; enfin, une condition d’inévitabilité, c’est-à-dire que l’événement doit être inévitable.
En revanche, au cas présent, la problématique portait sur les effets d’un cas de force majeure. En d’autres termes, il ne s’agissait pas de discuter de la qualification de la force majeure, mais de ses conséquences.
En effet, l’alinéa 2 de l’article 1218 précité prévoit que si l’empêchement est définitif, le contrat est résolu de plein droit et les parties sont libérées de leurs obligations.
C’est dans ce sens que la Cour de cassation a dirigé son raisonnement. La force majeure étant caractérisée du fait de l’interdiction des événements réunissant plusieurs personnes, le contrat est résolu. Le comité de la foire était donc libéré de son obligation d’organiser la foire. Le tribunal a fait le même constat, sans pour autant enjoindre le comité organisateur de restituer l’intégralité de l’acompte versé par le commerçant. Cette position des juges du fond est pour le moins paradoxale, en ce sens que la résolution du contrat place les parties à l’état où leur volonté ne se sont jamais rencontrées.
B) L’obligation pour débiteur de restituer l’acompte versé par le créancier.
En décidant que le comité de la foire était libéré de son obligation d’organiser la foire, la Cour de cassation l’a néanmoins obligé à restituer au commerçant le reliquat de l’acompte versé, soit la somme de 429 euros.
En effet, c’est au visa de l’article 1229 al.3 du Code civil que, la cour a fondé sa décision. Il ressort de cet article que lorsque les prestations échangées ne pouvaient trouver leur utilité que par l’exécution complète du contrat résolu, les parties doivent restituer l’intégralité de ce qu’elles se sont procurées l’une à l’autre [...].
Au cas d’espèce, il n’y a eu qu’une exécution partielle du contrat, à savoir l’acompte versé par le commerçant au bénéfice du Comité organisateur de la foire. La foire n’a pas pu avoir lieu suite aux mesures sanitaires imposées par le gouvernement à travers la loi du 23 mars 2020 [1].
La décision de la Cour paraît tout à fait logique, surtout que le contrat litigieux ne contenait aucune clause organisant les conséquences de l’inexécution du contrat pour cause de force majeure, comme le non-remboursement des sommes déjà versées par l’une des parties. L’arrêt s’inscrit sur la position de la Cour en la matière. Elle a déjà tranché un cas similaire en 2023 [2].
Conclusion.
Dans le présent arrêt, la Cour de cassation a fait une stricte application des articles 1218 et 1229 du Code civil. Dès lors que le contrat est résolu pour cause de force majeure, les parties sont libérées de leurs obligations respectives et, en conséquence, une restitution réciproque des prestations déjà réalisées doit avoir lieu. Dans le cas présent, il n’y a eu qu’une seule prestation réalisée, à savoir l’acompte versé par le commerçant.
Les parties peuvent toutefois prévoir les conséquences de l’inexécution du contrat pour cause de force majeure. La Cour de cassation a rendu un arrêt allant peu ou prou dans ce sens le 26 février de l’année en cours [3].