La sous-caution, figure discrète du droit des sûretés, se retrouve aujourd’hui sous le feu des projecteurs à la suite d’un arrêt inédit rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 2 avril 2025 [1]. La Haute juridiction vient préciser un point resté jusqu’alors incertain, qui est celui de savoir si la caution principale est-elle tenue d’un devoir de mise en garde à l’égard de sa sous-caution ?
Au cas d’espèce, pour financer l’acquisition d’un fonds de commerce, la société Capeve 2 a contracté auprès de la banque CIC Est un prêt de 165.600 euros, garanti par le cautionnement de la société Kronenbourg. Un contrat de sous-cautionnement a été conclu pour garantir le remboursement de la société Kronenbourg.
A la suite de la défaillance de la société Capeve 2, la société Kronenbourg a remboursé le reliquat du prêt, et a intenté par la suite, des mesures d’exécution à l’encontre du sous-cautionnement.
Reprochant à la société Kronenbourg d’avoir manqué à son devoir de mise en garde, la sous-caution l’a assignée en paiement des dommages et intérêts.
Tout comme devant la Cour de cassation, la sous-caution a été déboutée de ses demandes devant les juges du fond, qui ont considéré que la société Kronenbourg n’avait aucune obligation de mise en garde à l’égard de la sous-caution, en ce sens qu’elle n’a pas la qualité de dispensateur de crédit.
Pour défendre son pourvoi, la sous-caution argue que la société Kronenbourg, en sa qualité de caution professionnelle, était tenue d’un devoir de mise en garde à l’égard de la sous-caution non avertie, dès lors qu’un risque d’endettement excessif né de l’octroi du prêt garanti existe, lequel risque résulte de l’inadaptation du prêt aux capacités financières de l’emprunteur.
Ce à quoi la Haute Cour a répondu que la sous-caution ne garantit pas la dette du débiteur principal envers le créancier, mais la dette de remboursement du débiteur principal envers la caution qui a payé à sa place le créancier.
Au cas d’espèce, le juge s’est prononcé à l’aune du droit antérieur à l’ordonnance du 15 septembre 2021 [2]. Sa position pourrait être différente s’agissant des contrats conclus à compter de l’entrée en vigueur de cette ordonnance (III). Pour les litiges relevant du droit antérieur, la caution est exemptée de tout devoir de mise en garde vis-à-vis de la sous-caution (II). Il serait opportun de revenir dans un premier temps sur la définition du sous-cautionnement (I).
I) Le sous-cautionnement comme mécanisme de protection pour la caution principale.
Dans sa décision du 2 avril 2025, la cour a tenu dans un premier temps à rappeler que la sous-caution ne garantit pas la dette du débiteur principal envers le créancier, mais la dette de remboursement du débiteur principal envers la caution qui a payé à sa place le créancier.
Cette formulation est la parfaite définition de la notion de sous-caution. En effet, le sous-cautionnement consiste pour une caution à se faire garantir par une personne, la sous-caution, le remboursement de ce qu’elle peut avoir à payer en cas de défaillance du débiteur principal. Autrement-dit, la sous-caution garantit uniquement le recours personnel de la caution à l’encontre du débiteur principal. Il s’agit donc d’une contre-garantie [3].
Pour pouvoir actionner la sous-caution, la caution doit d’une part, justifier avoir payé la somme qui lui a été réclamée par le créancier principal, puis d’autre part, justifier de l’infructuosité de son recours contre le débiteur principal.
En remboursant la somme avancée par la caution de premier rang, la sous-caution pourra se subroger aux droits de cette dernière contre le débiteur principal, lui réclamer le remboursement qu’elle aurait effectué au bénéfice de la caution principale.
II) Absence de devoir de mise en garde de la caution à l’égard de la sous-caution.
Dans le présent arrêt, la sous-caution reprochait à la caution principale d’avoir manqué à son devoir de mise en garde sur le risque d’endettement du prêt litigieux vis-à-vis des capacités financières de l’emprunteur.
Toutefois, la question à laquelle la Cour de cassation devait se prononcer était de savoir si la caution avait un tel devoir à l’égard de la sous-caution personne physique ?
En effet, le devoir de mise en garde pèse en principe sur le créancier dispensateur de crédit à l’égard de la caution personne physique non-avertie. Il s’agit d’un devoir issu de la jurisprudence [4]. Rappelons que la réforme du 15 mars 2021 ne fait pas de distinction entre une caution professionnelle et une caution non-avertie.
La Cour de cassation a toujours considéré que les établissements de crédit devaient porter à la connaissance des cautions personnes physiques l’inadaptation du prêt avec les capacités financières du débiteur principal.
Toutefois, le cas des sous-cautions ne s’est jamais posé en jurisprudence, ou du moins, très rarement. Au cas d’espèce, la Cour de cassation a tenu à clarifier cette question précise, en retenant que la sous-caution n’est nullement fondée à opposer à la caution un devoir de mise en garde auquel elle prétendrait être créancière.
Cette décision peut tout à fait être accueillie en ce sens qu’il n’existe aucunement un lien juridique (direct) entre la caution et la sous-caution. Ce faisant, la caution n’est débitrice d’aucune obligation, du moins d’un quelconque devoir de mise en garde sur le risque né de l’octroi du prêt garanti.
Néanmoins, cette position de la cour mérite certaines critiques.
En effet, si l’objectif des hauts magistrats était, au moment d’imposer un devoir de mise en garde de la part des banquiers au bénéfice des cautions personnes physiques non-averties, de protéger ces dernières, on peut se demander pourquoi ne pas l’étendre jusqu’aux sous-cautions, qui sont également des personnes physiques. Cette protection limitée semble non seulement léser la sous-caution, mais semble également isoler le sous-cautionnement du cautionnement. Or, ces deux mécanismes présentent de grandes similitudes, ils ne sont pas autonomes.
En outre, l’article 2299 du Code civil issu de l’ordonnance du 15 septembre 2021 nous permet de croire que le devoir de mise en garde pesant sur les dispensateurs de crédit va dorénavant s’étendre aux sous-cautions.
III) Un devoir de mise en garde pesant sur la caution à l’égard de la sous-caution né de la réforme du droit des sûretés du 15 septembre 2021.
Si la Cour de cassation limite le bénéfice du devoir de mise en garde du risque né de l’octroi du prêt garanti, lequel résulte de l’inadaptation du prêt aux capacités financières de l’emprunteur, à la seule caution principale, le législateur semble avoir offert un tel bénéfice à toutes les cautions et sous-cautions personnes physiques.
Il ressort des dispositions de l’article 2299 du Code civil que
« le créancier professionnel est tenu de mettre en garde la caution personne physique lorsque l’engagement du débiteur est inadapté aux capacités financières de ce dernier. A défaut, le créancier est déchu de son droit contre la caution à hauteur du préjudice subi par celle-ci ».
À la lecture de cet article, on retient que le législateur ne fait aucune distinction entre une caution personne physique avertie et non-avertie. Autrement-dit, toutes les cautions personnes physiques peuvent exiger le bénéfice du devoir de mise en garde.
Par ailleurs, la notion de créancier professionnel nous interpelle. Si le texte semble ne viser que le créancier professionnel, une partie de la doctrine [5] envisage une extension du devoir de mise en garde à d’autres intervenants dans la chaîne de garantie, dont la caution principale, lorsque celle-ci exige à son tout, à être garantie par une sous-caution.
Pour l’heure, rien n’est encore acquis. Il faut donc attendre les prochains arrêts de la Cour de cassation s’agissant des contrats conclus à l’aune de la réforme de droit des sûretés.
Conclusion.
Cette décision, qui confirme l’autonomie des rapports entre caution et sous-caution, marque une étape dans la construction jurisprudentielle du droit des sûretés. Elle invite les professionnels à la prudence dans la rédaction des contrats de sous-cautionnement, en attendant que la jurisprudence postérieure à la réforme du 15 septembre 2021 vienne, peut-être, rebattre les cartes.