En l’espèce, les parties avaient conclu une promesse de vente sous condition suspensive d’obtention d’un prêt par l’acquéreur. Ce dernier s’engageait, aux termes du contrat, à déposer une demande de prêt sous dix jours, auprès d’un « organisme financier ».
L’acquéreur n’ayant pas obtenu son prêt, les vendeurs ont considéré que la défaillance de la condition lui était imputable. Ils l’ont donc assigné en paiement des sommes stipulées à la clause pénale. Déboutés de leur demande par la cour d’appel, les vendeurs ont formé un pourvoi en cassation.
Au soutien de leur pourvoi, les promettants vendeurs avançaient principalement deux arguments.
En premier lieu, ils invoquaient le principe de liberté contractuelle. Principe en vertu duquel les parties pouvaient fixer le délai de dépôt de la demande de prêt à dix jours. Dès lors, le non-respect de ce délai caractérisait, selon eux, un manque de diligence fautif de la part de l’acquéreur.
En second lieu, le compromis de vente obligeait l’acquéreur à effectuer sa recherche de financement auprès « d’organismes financiers et notamment tout organisme bancaire ». La saisine par l’acquéreur d’un courtier aux fins d’effectuer la recherche à son profit ne permettait donc pas, d’après le vendeur, de satisfaire à cette obligation.
La Cour de cassation était donc appelée à répondre à deux questions. La première portait sur la validité du délai de dépôt contractuellement imposé à l’acquéreur. La seconde, sur la portée de la saisine du courtier pour l’acquéreur tenu de saisir un organisme financier.
L’enjeu étant de déterminer si la défaillance de la condition était imputable à l’acquéreur bénéficiaire de la condition suspensive. Dans l’affirmative, la clause pénale était due.
La Cour de cassation valide le raisonnement des juges du fond qui écartaient la faute de l’acquéreur. Elle relève, premièrement, que le délai contractuel de dépôt conduit à accroitre les exigences du texte d’ordre public. Il doit donc être réputé non écrit (I). Elle admet, secondement [5], qu’en s’adressant à un courtier en prêt immobilier, l’acquéreur satisfaisait à son obligation de déposer une demande auprès d’un organisme financier. Enfin, l’acquéreur présentait un refus de banque (II).
La non-réalisation de la condition ne lui étant pas imputable, son bénéficiaire ne pouvait se voir réclamer le versement d’une indemnité quelconque.
I. Un délai contractuel de dépôt réputé non écrit.
Bien que le juge sanctionne l’imposition d’un délai contractuel de dépôt (A) la pratique n’en tire pas conséquence dans la rédaction des actes (B).
A. Une interdiction de principe.
1. Principe de la liberté contractuelle.
Le principe de la liberté contractuelle découle de l’article 1102 du Code civil. Les parties ont pouvoir de s’engager librement dans un contrat dont elles déterminent les termes. Ce contrat revêtant force obligatoire, elles sont tenues de le respecter [6]. En cas de manquement de l’une des parties à ses obligations, sa responsabilité contractuelle peut être engagée [7].
Ces obligations peuvent être conditionnelles. Aussi parle-t-on de condition suspensive quand l’obligation est soumise à l’accomplissement d’un évènement futur et incertain. En cas de non-réalisation de cet événement, celui qui s’est engagé sous condition de sa survenance ne sera pas engagé [8]. La stipulation de cette condition peut résulter de la volonté des parties ou de la loi.
Bien que les parties puissent décider de déroger à la loi par des stipulations contractuelles, elles ne peuvent se soustraire aux dispositions d’ordre public [9] qui encadrent la liberté contractuelle.
2. Limites imposées par l’ordre public.
En matière de vente immobilière, le législateur prévoit que lorsque le prix est payé en tout ou partie via un crédit immobilier [10], la promesse est conclue sous condition suspensive d’obtention du prêt [11]. Lorsque la condition n’est pas réalisée, les sommes versées par l’acquéreur doivent lui être intégralement restituées sans retenue ni indemnité [12]. De sorte que le dépôt de garantie doit être restitué et aucune indemnité d’immobilisation ni clause pénale ne peut être exigée de l’acquéreur. Le législateur prévoit que la validité de cette condition suspensive ne peut être inférieure à un mois.
L’arrêt précise d’abord qu’il s’agit-là de dispositions d’ordre public. Il poursuit que le fait d’imposer à l’acquéreur de déposer sa demande de financement dans un certain délai accroit les exigences du texte. Si cette interprétation ne découle pas d’une lecture stricte du texte, elle s’entend dans la logique de protection du candidat acquéreur voulue par le législateur. La sanction de cette méconnaissance du texte d’ordre public est que le délai de dépôt est réputé non écrit [13].
En pratique, il semble que les rédacteurs des promesses font peu cas de cette jurisprudence.
B. Une interdiction négligée en pratique.
Force est de constater que la pratique des rédacteurs tient peu compte de cette jurisprudence. L’arrêt, pourtant publiée au Bulletin [14], a été largement repris par les juridictions du fond [15]. De manière quasi systématique, les juges réputent non écrits les délais de dépôt inférieurs à 30 jours [16]. Pour autant, l’usage demeure celui de la stipulation d’un délai de dépôt de la demande de crédit [17]. La moyenne observée dans notre pratique se situe autour de 15 jours à compter de l’expiration du délai de rétractation de la promesse.
Cette attitude rétive des rédacteurs s’explique, sans doute, par la volonté d’encourager l’acquéreur à faire diligence. La crainte d’une perte financière équivalente à 10% du prix de vente étant un moteur puissant. L’on peut comprendre la nécessité d’une telle incitation au regard notamment des délais d’examen des demandes de crédit. Cependant, il est regrettable de constater que certains vendeurs à qui sont présentés des refus de prêt en bonne et due forme, tirent parfois prétexte du retard de la demande de prêt pour ergoter sur la restitution du dépôt de garantie.
Dans ce contexte, l’accompagnement par un expert en crédit peut présenter quelque intérêt.
II. Un dépôt conforme auprès du courtier réputé valide.
La souplesse introduite par la validité du dépôt du dossier auprès du courtier, ne dispense pas le candidat acquéreur (A) et son mandataire courtier (B) de faire montre de diligence. Il s’agira ici de tirer prétexte de l’arrêt pour insister sur quelques points de vigilance utiles en pratique.
A. La diligence par la saisine du courtier.
1 - L’assimilation par la jurisprudence.
Le Courtier en opérations de banque et services de paiement (COBSP) [18], est un intermédiaire chargé de mettre en relation un client qui le mandate [19], avec un établissement financier censé lui octroyer un crédit. En sa qualité d’intermédiaire, le courtier, n’accorde pas lui-même le financement. Il n’est donc pas, en tant que tel, un organisme financier.
Cependant, la Cour de cassation assimile la saisine du courtier à celle d’un organisme financier. Elle approuve ainsi la cour d’appel qui a jugé qu’en s’adressant au courtier en prêts immobiliers, le candidat acquéreur « avait satisfait à l’obligation de déposer une demande de prêt auprès d’un organisme financier contenu dans la promesse de vente ». Cette solution désormais constante [20] mérite d’être approuvée. En effet, il paraît difficile de reprocher un manque de diligence à celui qui, pour mettre toutes les chances de son côté, mandate un professionnel réglementé pour lui obtenir un financement. Au demeurant, certaines promesses de vente désignent expressément le courtier choisi par l’acquéreur au nombre des organismes devant être sollicités [21]. Pour justifier la non-réalisation de la condition suspensive, la demande adressée au courtier doit être conforme et avoir fait l’objet d’un refus de l’établissement financier.
2 - Les difficultés relatives au dépôt d’une demande conforme.
Le bénéficiaire de la condition est soumis à une obligation de moyens. Laquelle lui impose de déposer une ou plusieurs demandes conformes et complètes dans le délai de validité de la condition [22]. La demande adressée au courtier doit donc respecter les exigences de la promesse de vente [23] en termes de montant, de durée et de taux. Par ailleurs, sauf stipulation contraire [24] le bénéficiaire doit faire état d’au moins un refus. Le non-respect de ses obligations par le bénéficiaire de la condition, caractérise sa faute.
Plusieurs difficultés peuvent survenir en pratiques. Nous en aborderons trois relatives au montant [25] maximum [26] devant être sollicité.
La première est que la promesse de vente intègre rarement les frais annexes. Or, l’établissement financier est tenu de les intégrer dans le calcul du TAEG [27]. Il s’agit principalement des frais de garantie, des frais de banque et des frais de courtage que certaines banques ont tendance à intégrer dans le calcul du TAEG [28]. L’explication de ces frais annexes permet généralement de désamorcer les litiges au stade du précontentieux.
Une deuxième difficulté peut apparaitre quand la promesse de vente ne prend pas en compte le besoin réel de l’emprunteur. Il arrive ainsi que les travaux nécessaires à la viabilité du bien (cuisine, salle de bain, etc.) ne soient pas comptabilisés. Le candidat acquéreur qui les intègre à sa demande de crédit en modifie notablement le montant. En cas de refus de sa demande de crédit, il peut se voir imputer la défaillance de la condition. L’acquéreur doit donc veiller à bien négocier avec son vendeur lors de la signature de la promesse. A défaut, il lui faudra introduire une demande conforme dans les délais de la condition.
Une troisième difficulté s’observe dans les montages complexes. Les établissements financiers ne proposeront pas toujours des solutions identiques pour un même dossier. Par exemple, lorsque le financement du nouveau bien se fait en partie par la vente d’un précédent bien, le montage indiqué dans la promesse de vente ne correspond pas toujours à la diversité des offres de crédit présentes sur le marché.
Dans ce contexte les demandes présentées par le courtier varient d’une banque à l’autre (avec ou sans prêt-relais). En cas de litige, il s’agira de démontrer que le défaut de conformité de la demande n’est pas la cause du refus. Plus spécifiquement que les établissements financiers sollicités auraient opposé un refus, s’ils avaient reçu une demande conforme à la promesse de vente [29].
Il s’ensuit que le candidat acquéreur qui entend se faire assister d’un courtier a intérêt à le saisir en amont pour avoir une vision nette de sa capacité d’emprunt avant de s’engager.
Quant au courtier approché par un prospect, il doit se montrer particulièrement rigoureux.
B. La diligence nécessaire du courtier saisi.
Le courtier mandaté doit se montrer particulièrement vigilant pour sauvegarder les intérêts du client et éviter de voir sa responsabilité engagée. En effet, plusieurs obligations pèsent sur lui. D’abord, il est tenu d’informer et conseiller le client après s’être informé sur sa situation et son besoin. L’on peut noter que l’acquéreur aura été parfaitement informé par le notaire et l’agent immobilier des conséquences de la non-réalisation fautive de la condition. Ensuite, le courtier est tenu d’agir au mieux des intérêts du client [30]. Enfin, il doit rendre compte à son mandant [31] .
En se fondant sur ces obligations, la Cour d’appel de Paris a considéré qu’un courtier avait manqué de diligence « dès lors qu’il n’a justifié que de la saisine de deux établissements bancaires et qu’il n’a rendu que partiellement compte de ses démarches » [32]. En l’espèce, le candidat acquéreur était tenu de présenter trois refus. Les juges ont considéré le courtier partiellement responsable du préjudice subi par l’acquéreur. Au titre de la perte de chance, le professionnel fut condamné à indemniser son client de 5/12 du montant de la clause pénale versée au vendeur [33].
Ainsi, le courtier doit veiller à émettre des réserves quant à la possibilité d’obtenir un retour dans les conditions et délais de la promesse. S’il n’est pas en mesure d’obtenir le nombre de retours escompté, inviter son mandant à compléter ses démarches auprès d’établissements qu’il n’aura pas sollicités [34]. En pratique, il est d’usage de compléter ces précautions par la stipulation, dans le contrat de mandat, de clauses exonératoires de responsabilité.
S’agissant de la preuve des refus, le juge apprécie souverainement la portée des éléments soumis. Dans un arrêt récent, la Cour d’appel de Poitiers a considéré que la preuve du dépôt conforme auprès du courtier et l’attestation de ce dernier suffisaient à justifier des refus de prêt [35]. Bien que la jurisprudence se montre parfois libérale, il est toujours plus confortable de pouvoir présenter des refus émanant directement des établissements financiers. A défaut ou en cas d’incomplétude de ces derniers, il est opportun que l’attestation du courtier rende suffisamment compte des démarches effectuées pour le client. En pratique, lorsqu’elle est suffisamment précise, l’attestation de refus du courtier suffit généralement à désamorcer le litige au stade du précontentieux.