Le cahier des clauses administratives générales (CCAG) définit très précisément la procédure de règlement des comptes dans les marchés publics de travaux. Les parties peuvent décider de s’y référer, mais il ne s’agit pas d’une obligation. A défaut, l’établissement d’un décompte général et définitif (DGD) n’est pas obligatoire. En revanche, dès lors que les parties se réfèrent à ce document général – comme c’est le plus souvent le cas – celui-ci a valeur contractuelle et doit être scrupuleusement respecté.
Partant, les étapes de l’élaboration du décompte comme, ensuite, les modalités de sa contestation éventuelle doivent être connues tant de l’entrepreneur que de l’acheteur public.
L’élaboration du décompte.
Projet de décompte final.
Après la réception des travaux, l’entrepreneur dresse un projet de décompte final établissant le montant total des sommes auxquelles il peut prétendre du fait de l’exécution du marché. Ce document peut inclure des sommes liées à des travaux supplémentaires ou à l’incidence financière de divers évènements ayant pu retarder ou compliquer l’exécution du chantier [1]. Le projet de décompte final est indispensable pour engager le paiement du marché.
Il doit être transmis dans un délai de 30 jours à compter de la réception. Pour autant, le non-respect de ce délai ne rend pas irrecevable le recours contentieux ultérieur de l’entreprise [2].
Cette transmission doit être faite au maître d’œuvre et au maître d’ouvrage, par tout moyen lui donnant date certaine (courrier RAR, remise contre récépissé notamment). Attention, l’entrepreneur doit être vigilant à n’oublier aucun des deux destinataires. A défaut, le délai de 30 jours imparti ensuite au maître d’ouvrage pour notifier le décompte général ne pourra courir.
Décompte général.
Une fois reçu, au besoin après mise en demeure [3], le projet de décompte final établi par l’entrepreneur est accepté ou rectifié par le maître d’œuvre. Il devient alors le décompte final. A partir de ce document, le maître d’œuvre établit le décompte général, récapitulant l’intégralité des dettes et créances du maître d’ouvrage et de l’entreprise.
Ce document est ensuite transmis au maître d’ouvrage qui le signe. Il devient ainsi officiellement le décompte général. Sa notification à l’entrepreneur doit intervenir dans un délai de 30 jours après réception du projet de décompte final (art. 13.4.2).
Possibilité d’un DGD tacite.
Pour les marchés conclus depuis le 1er avril 2014, en cas d’inertie du maître d’ouvrage à notifier le décompte général dans le délai imparti, le CCAG autorise désormais l’entrepreneur à établir un projet de décompte général et à le transmettre à l’acheteur public avec copie au maître d’œuvre. Le maître d’ouvrage dispose alors d’un délai de 10 jours pour établir le décompte général et le notifier à l’entrepreneur. Le cas échéant, la procédure de droit commun reprend son cours. A défaut, la demande de paiement est réputée tacitement acceptée par l’acheteur public : le projet de décompte établi par l’entreprise devient le DGD, lequel lie définitivement les parties (art. 13.4.4 modifié). Les acheteurs publics devront donc veiller à respecter scrupuleusement le délai de 30 jours pour notifier le décompte général.
Acceptation du décompte général.
Si le décompte général lui a bien été notifié, l’entrepreneur dispose enfin de 30 jours pour l’accepter, le signer et le renvoyer au maître d’ouvrage avec copie au maître d’œuvre. Lorsqu’il ne l’a pas renvoyé signé dans le délai imparti, celui-ci devient également définitif et ne peut plus être contesté.
Mais l’entrepreneur peut, bien entendu, refuser le décompte général.
La contestation du décompte.
Mémoire en réclamation.
Dans le cas où il émettrait des réserves ou lorsqu’il refuse tout simplement de signer le décompte général, l’entrepreneur doit le faire savoir en transmettant à l’acheteur public, avec copie au maître d’œuvre, un mémoire en réclamation dans les 30 jours (art. 13.4.3 et 50.1.1). Pour ne pas bloquer le paiement du solde, le CCAG-Travaux prévoit qu’en cas de contestation sur le montant des sommes dues, l’acheteur public règle, dans les 30 jours, les sommes admises dans le décompte final. Ce n’est qu’après résolution du désaccord qu’il procèdera, le cas échéant, au paiement d’un complément, éventuellement majoré des intérêts moratoires.
Il appartiendra à l’entrepreneur de veiller à ce que le contenu du mémoire en réclamation respecte bien les exigences du CCAG-Travaux, énonçant notamment le différend et exposant de façon précise les chefs de la contestation (motifs et montant des sommes revendiquées) [4]. Ainsi, une simple lettre exprimant en termes vagues un désaccord sur le décompte ne peut suffire [5]. Le titulaire du marché devra aussi veiller à se ménager la preuve de la réception, par l’acheteur public, du mémoire en réclamation dans le délai prescrit.
La mise en œuvre de cette procédure de règlement des différends est un préalable obligatoire à la saisine du juge. A défaut de la respecter, la requête de l’entreprise devant le Tribunal administratif serait tout simplement irrecevable [6].
Décision prise sur la réclamation.
A réception du mémoire en réclamation, le maître d’ouvrage dispose d’un délai de 30 jours pour recueillir l’avis du maître d’œuvre et notifier sa décision motivée au titulaire du marché (art. 50.1.2). Deux hypothèses sont alors à envisager : soit, d’une part, le maître d’ouvrage accepte la réclamation, auquel cas il modifie le décompte général et l’entrepreneur signe le document ainsi modifié qui devient le DGD [7] ; soit, d’autre part, le maître d’ouvrage est en désaccord avec le mémoire en réclamation et le rejette.
Saisine du Tribunal administratif.
En cas de rejet de la réclamation – exprès ou implicite, en cas de silence du maître d’ouvrage pendant 30 jours – la procédure de contestation se poursuit généralement par la saisine du Tribunal administratif. Le délai de recours ouvert à l’entrepreneur est de 6 mois à compter de la décision de rejet, par le maître d’ouvrage, du mémoire en réclamation. Lorsqu’il est saisi d’une contestation relative au décompte général d’un marché, le juge administratif doit établir le DGD et, le cas échéant, condamner l’une des parties au paiement du solde qu’il dégage en faveur de l’autre partie.
En parallèle d’une saisine du juge du contrat, il est possible à l’entrepreneur de saisir le juge des référés afin d’obtenir une indemnité provisionnelle dans un délai abrégé. Pour ce faire, la créance réclamée ne doit pas être sérieusement contestable.
Il est aussi possible, pour l’entrepreneur, de chercher à concilier en saisissant le Comité consultatif de règlement amiable des litiges (CCRA) en matière de marchés publics. Le cas échéant, le délai de 6 mois pour saisir le Tribunal administratif est suspendu (art. 50.4.1). Le recours à la médiation de droit commun est aussi envisageable.