La règle de la constructibilité limitée a été créée par l’article 38 de la loi n° 83-8 du 7 janvier 1983 relative à la répartition de compétences entre les communes, les départements, les régions et l’Etat, dite Loi Defferre. Cette loi a introduit l’article L111-1-2 du Code de l’urbanisme, devenu les articles L111-3 et L111-4 du même Code. Aux termes l’article L111-3 du Code de l’urbanisme, « En l’absence de plan local d’urbanisme, de tout document d’urbanisme en tenant lieu ou de carte communale, les constructions ne peuvent être autorisées que dans les parties urbanisées de la commune ». L’article L111-4 du même code aborde les dérogations à la règle de la constructibilité limitée.
Cette règle avait pour objectif, d’une part, d’inciter les communes à se doter d’un document d’urbanisme applicable sur leur territoire, d’autre part, à lutter contre le mitage de l’espace rural.
Cette règle impose que les constructions ne soient autorisées que dans les parties urbanisées de la commune et interdit, en principe, toutes les constructions situées en dehors des parties urbanisées de la commune.
Ces dispositions relatives à la constructibilité limitée sont applicables à toutes les communes qui ne disposent pas d’un plan local d’urbanisme, d’un document d’urbanisme tenant lieu de PLU ou d’une carte communale. Toutefois, les communes soumises à la Loi montagne échappent à l’application des articles précités et restent régies par des dispositions propres aux communes situées en zone de montagne. A cet égard, le Conseil d’État a considéré, dans son arrêt du 16 avril 2012, que les dispositions de l’article L145-5 ancien du Code de l’urbanisme (actuel L122-7) relatives aux communes situées en zones montagne « régissent entièrement la situation des communes classées en zone de montagne pour l’application de la règle de constructibilité limitée, qu’elles soient ou non dotées de plan d’urbanisme, à l’exclusion des dispositions prévues à l’article L111-1-2 régissant la situation des communes non dotées d’un plan d’occupation des sols ou d’un document d’urbanisme en tenant lieu » [1]. La Cour administrative d’appel de Bordeaux a également rappelé le même principe dans son arrêt du 11 janvier 2022 en jugeant que « Les dispositions de l’article L122-5 du Code de l’urbanisme, applicables aux communes classées en zone de montagne, régissent entièrement la situation des communes classées en zone de montagne pour l’application de la règle de constructibilité limitée, qu’elles soient ou non dotées d’un plan local d’urbanisme » [2].
La règle de la constructibilité limitée n’autorise que les constructions situées dans les parties urbanisées de la commune. Toutefois, elle prévoit également des exceptions qui permettent des constructions en dehors des parties actuellement urbanisées de la commune. Ce qui a pour conséquence de créer deux régimes de la règle de la constructibilité limitée : d’une part, les interdictions posées par la constructibilité limitée (I) et, d’autre part, des exceptions justifiées par l’intérêt de la commune (II).
I - Les interdictions posées par la règle de la constructibilité limitée.
Ces interdictions sont de deux ordres. Il s’agit, d’une part, de l’interdiction des constructions en dehors des parties urbanisées de la commune (A) et, d’autre part, de l’interdiction des constructions ayant pour effet d’étendre le périmètre de la partie urbanisée (B).
A - L’interdiction des constructions en dehors des parties urbanisées de la commune.
La notion de partie actuellement urbanisée de la commune n’a pas été définie par le Code de l’urbanisme. C’est la jurisprudence administrative qui a dégagé les critères d’une partie actuellement urbanisée de la commune. Les principaux critères dégagés par la jurisprudence sont :
- le nombre de constructions existantes,
- la distance par rapport au bourg ou au hameau,
- la contiguïté ou la proximité immédiate du bourg,
- la desserte en équipements publics.
Les critères d’une partie actuellement urbanisée de la commune sont utilisés de manière cumulée. La jurisprudence utilise souvent quelques critères sans nécessairement demander que tous les critères soient réunis à la fois sur un même projet.
1 - Le critère du nombre de constructions.
Le critère le plus important est celui du nombre de constructions qui exige qu’une autorisation d’urbanisme ne puisse être délivrée que dans une zone qui contient un nombre de constructions assez important.
Ce critère a été dégagé par le Conseil d’État dans une décision du 30 octobre 1987 dans laquelle il a jugé que le projet était autorisé dans une partie de la commune dans laquelle était déjà regroupé un nombre suffisant d’habitations [3]. Le nombre de constructions est essentiel dans la détermination d’une partie urbanisée. A cet égard, le Conseil d’État a défini la notion de partie actuellement urbanisée comme les « parties du territoire communal qui comportent déjà un nombre et une densité significatifs de constructions » [4]. La Cour administrative d’appel de Lyon a jugé, dans un arrêt du 5 octobre 2023, qu’un terrain d’assiette de la construction, malgré sa distance de deux kilomètres par rapport au bourg du village, constitue néanmoins un environnement urbanisé, compte tenu du nombre d’habitations qui y sont implantées et de leur densité [5]. La Cour administrative d’appel de Toulouse a considéré que se trouvent dans les parties urbanisées de la commune des terrains d’assiette du projet qui « jouxtent des terrains bâtis sur leurs côtés ouest et sud et sont limitrophes d’un terrain de sport et d’une aire de jeux et de pique-nique sur leur côté nord » [6].
Par contre, quelques constructions isolées liées à l’exploitation et au fonctionnement d’un domaine skiable doivent être regardées comme étant situées en dehors des parties actuellement urbanisées de la commune [7]. De même, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a jugé, dans un arrêt du 23 février 2023, qu’une parcelle ne se trouve pas dans les parties urbanisées d’une commune, car elle est localisée en dehors du centre-bourg de la commune, dans une zone d’habitat très diffus, qu’elle « s’ouvre au sud sur un vaste espace naturel, vierge de toute construction, tandis que les constructions à l’ouest et au nord du terrain, qui sont éparses, sont également entourées d’espaces naturels non construits. Ainsi, le terrain d’assiette du projet de M. C... s’implante dans un secteur ne comportant pas un nombre et une densité significatifs de constructions, et ne peut, par conséquent, pas être regardé comme se situant dans une partie urbanisée de Sainte-Anne » [8]. Dans une décision du 27 avril 2017, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a également jugé qu’un terrain d’assiette du projet séparé par des parcelles non construites de quelques maisons d’habitations, en nombre insuffisant, se trouve en dehors des parties urbanisées de la commune, surtout que les maisons déjà construites sur des parcelles contiguës sont en nombre trop réduit pour être regardées comme constituant une partie actuellement urbanisée de la commune [9]. Le Conseil d’État a également considéré qu’un terrain d’assiette du projet « implanté dans une zone dépourvue de constructions, à l’exception de quelques installations légères » ne pouvait être regardé comme se trouvant dans les parties urbanisées de la commune [10].
2 - Le critère de la distance par rapport au bourg ou au hameau.
Ce critère est souvent utilisé en complément d’autres critères, tels que le nombre de constructions et la disserte du terrain par les équipements publics. Son appréciation dépend des situations, mais le plus souvent la distance doit être environ inférieure à 200 mètres du centre bourg ou des habitations les plus proches. Le Conseil d’État avait annoncé ce chiffre des 200 mètres dans sa décision du 21 juin 1989 dans laquelle il a estimé que le terrain en question était situé à moins de 200 mètres d’une dizaine de constructions [11]. Toutefois, l’application de la distance inférieure à 200 mètres dépend intimement de la configuration des lieux, car il peut arriver qu’un terrain remplisse le critère de la distance tout en étant considéré comme étant situé en dehors de la partie urbanisée. Ainsi, le Conseil d’État a jugé, dans sa décision du 13 octobre 1993, qu’un terrain distant de plus de 150 mètres de l’agglomération devait être regardé comme situé en dehors de la partie urbanisée de la commune malgré l’existence de quelques constructions isolées [12]. La distance peut aussi s’apprécier par rapport à une proximité immédiate entre un terrain et un lotissement. La Cour administrative d’appel de Nancy a jugé dans une décision qu’un terrain situé à proximité immédiate d’un lotissement composé d’un nombre suffisant d’habitations desservies par des voies d’accès doit être regardé comme étant dans la partie urbanisée [13].
Ainsi, le juge administratif considère que se trouve en dehors des parties urbanisées de la commune un terrain distant de quelques centaines de mètres des constructions les plus proches [14]. La Cour administrative d’appel de Marseille a estimé qu’une parcelle située « dans un secteur de la commune ou sont implantées des constructions disséminées dont la plus proche est située, selon le constat d’huissier produit par le requérant, à environ 200 mètres de ladite parcelle ; que, dès lors, cette parcelle n’appartient pas aux parties déjà urbanisées de la commune alors même qu’elle serait facilement accessible de la voie publique et serait desservie par les réseaux d’eau, d’assainissement et d’électricité » [15]. Le Conseil d’État a également jugé qu’un terrain situé à 500 mètres du bourg était considéré comme se trouvant en dehors des parties urbanisées de la commune, même s’il est desservi par des équipements publics [16]. Une parcelle distante d’un kilomètre du bourg et entourée de quelques constructions éloignées les unes des autres d’une centaine de mètres doit être regardée comme se trouvant en dehors de la partie urbanisée de la commune [17].
3 - Le critère de la contiguïté ou la proximité immédiate du bourg.
Ce critère permet d’inclure dans la partie actuellement urbanisée de la commune les terrains situés à proximité immédiate d’autres constructions contenues dans la partie urbanisée. En effet, il peut arriver que la faiblesse du nombre de constructions dans la zone du projet soit compensée par la proximité d’une dizaine de constructions par rapport au terrain d’assiette du projet. C’est pourquoi le Conseil d’État a estimé, dans sa décision du 21 juin 1989, que « si ces maisons sont situées de l’autre côté du chemin départemental (…), il n’apparaît pas qu’elles occupent un compartiment de terrain nettement différent » [18].
Le Conseil d’État a jugé qu’un terrain situé en bordure d’un secteur de constructions agglomérées est inclus dans les parties actuellement urbanisées de la commune [19]. De même, le Conseil d’État a estimé qu’un terrain situé à proximité immédiate de plusieurs parcelles supportant des constructions et desservi par les réseaux d’eaux, d’électricité et d’assainissement devait être regardé comme appartenant à un secteur déjà urbanisé de la commune [20]. Dans son arrêt du 20 mars 1992, le Conseil d’État a jugé qu’un terrain situé à la périphérie du bourg et à proximité d’autres bâtiments se trouve dans la partie urbanisée de la commune [21].
Par contre, un terrain situé à faible distance d’un hameau qui le place à proximité de ce dernier, dont il est séparé par un chemin départemental et par un ruisseau, est considéré comme étant situé en dehors des parties urbanisées de la commune [22]. Dans son arrêt du 16 avril 2016, la Cour administrative d’appel de Douai a considéré qu’un terrain situé à proximité d’un secteur déjà urbanisé qui mène au centre-bourg de la commune se trouve en dehors des parties urbanisées de la commune, car il est séparé de ce bourg par un chemin et distant de plusieurs centaines de mètres de ce centre, que le compartiment de terrain dans lequel s’insère le terrain d’assiette du projet est formé d’espaces naturels ou agricoles, où seuls existent un bâtiment agricole et une maison d’habitation, tous deux à distance de ladite parcelle [23]. Il en est aussi d’un terrain situé en bordure d’un chemin vicinal le long duquel sont disséminées quelques fermes ou maisons d’habitation plus récentes, que le Conseil d’État considère comme n’appartenant pas aux parties déjà urbanisées de la commune [24]. Le Conseil a également jugé, dans un arrêt du 6 avril 1990, qu’un terrain situé à proximité des berges de la commune, et qui est entouré de prairies et de terrains boisés, en plus d’être séparé du village par une dénivellation de terrain d’environ 40 mètres et par une voie ferrée, doit être regardé comme se trouvant en dehors des parties urbanisées de la commune [25]. Egalement, une parcelle éloignée de plus de cent mètres du hameau et située à l’ouest et distante d’une quarantaine de mètres de la plus proche des quelques maisons édifiées de façon diffuse doit être regardée comme se trouvant en dehors des parties urbanisées de la commune [26].
4 - Le critère de la desserte par des équipements.
La notion d’équipement public fait référence à l’existence de chemins et routes d’accès ainsi que de la disponibilité de l’eau, de l’électricité et de l’assainissement. Ce critère est accompagné des autres critères dans l’identification d’une partie actuellement urbanisée d’une commune. Il n’est donc jamais utilisé seul comme élément d’identification d’un secteur urbanisé. Le Conseil d’État l’a utilisé en 1987 après avoir constaté que le terrain en litige se trouvait dans une zone comportant un nombre suffisant de constructions et desservie par des voies d’accès [27]. Dans une autre décision, le Conseil d’État a également estimé qu’un terrain desservi par l’ensemble des réseaux publics et situé à quelques dizaines de mètres devait être regardé comme se trouvant dans les parties urbanisées de la commune [28]. La Cour administrative d’appel de Lyon a également considéré qu’un terrain desservi par un chemin rural et par les réseaux d’eau et d’électricité, situé à proximité immédiate d’un hameau était dans la partie actuellement urbanisée de la commune [29].
Toutefois, ce critère n’est pas toujours déterminant dans la désignation d’une partie actuellement urbanisée de la commune, car il arrive que le juge classe le terrain en dehors des parties urbanisées malgré l’existence des réseaux publics d’eau et d’électricité. Ainsi, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a estimé qu’une parcelle distante des autres constructions d’environ trois cent mètres, même si elle est desservie par les réseaux publics, ne peut être regardée comme appartenant aux parties actuellement urbanisées de la commune [30]. Le Conseil d’État a aussi jugé qu’un terrain qui se trouve dans une zone dépourvue de constructions, même s’il était desservi par la voirie et les réseaux publics d’eau et d’assainissement, ne pouvait être regardé comme étant situé dans une partie déjà urbanisée de la commune [31].
B - L’interdiction des constructions ayant pour effet d’étendre le périmètre de la partie urbanisée.
Ce critère d’admission des constructions dans les parties urbanisées de la commune, fondé sur l’interdiction des projets ayant pour effet d’étendre le périmètre de la partie urbanisée, n’est pas prévu par l’article L111-3 du Code de l’urbanisme. Cette disposition exige seulement que les constructions soient autorisées dans les parties urbanisées de la commune. D’ailleurs l’ancien article L111-1-2 du Code de l’urbanisme ne prévoyait pas le critère d’interdiction de ce type de constructions, car il visait exclusivement les constructions admises en dehors des parties urbanisées au titre des dérogations au principe de la constructibilité limitée. Le Conseil d’État a même jugé, dans son arrêt du 11 juillet 1988, que cette disposition (L111-1-2) n’est pas applicable aux terrains inclus dans les parties actuellement urbanisées de la commune [32]. Cette disposition a donné lieu aux articles L111-3 et L111-4 du Code de l’urbanisme suite à son abrogation par l’ordonnance n°2015-1174 du 23 septembre 2015. Aucun de ces deux nouveaux articles ne contient de dispositions ayant pour objet d’interdire les constructions volumineuses dans les parties urbanisées de la commune. L’article L111-4 certes autorise, dans son 3°, « l’extension mesurée des constructions et installations existantes », mais cette autorisation n’était valable que pour les projets de constructions situés en dehors des parties urbanisées en tant que dérogation à la règle de la constructibilité limitée. L’idée d’interdiction des extensions existait également à l’article R111-14 du Code de l’urbanisme qui prescrivait l’interdiction des constructions susceptibles de « favoriser une urbanisation dispersée incompatible avec la vocation des espaces naturels environnants », mais là encore cette interdiction ne concernait que les constructions situées en dehors des parties urbanisées admises au titre des dérogations.
1 - L’évolution de la jurisprudence.
Ainsi, le principe d’interdiction des constructions de grande envergure ne concernait pas les parties urbanisées de la commune. Désormais, ce critère est pris en compte par la jurisprudence du Conseil d’État dans l’appréciation des constructions susceptibles d’être autorisées à l’intérieur des parties urbanisées de la commune. Ce critère a progressivement été mis en place par le Conseil d’État dans sa jurisprudence. En effet, dans son arrêt du 18 octobre 2002, le Conseil a pris en compte l’extension des parties urbanisées de la commune pour valider le refus du permis de construire sollicité. Ainsi, après avoir considéré que le maire « ne pouvait pas regarder ce terrain comme situé en dehors des parties actuellement urbanisées de la commune et refuser pour ce motif le permis demandé », le Conseil a pourtant reconnu que « la réalisation de la construction envisagée aurait été de nature à favoriser l’extension d’une urbanisation dispersée incompatible avec la vocation naturelle de la vaste zone de mornes » [33]. Dans sa décision du 15 février 2006, le Conseil d’État a poursuivi sa dynamique de prise en compte de l’extension des parties urbanisées pour valider le refus du maire. Il a jugé que « la circonstance qu’un terrain soit situé à l’intérieur des parties actuellement urbanisées de la commune, si elle fait obstacle à l’application des dispositions de l’article L111-1-2 du Code de l’urbanisme, n’interdit pas par principe à l’autorité administrative, dès lors qu’une construction sur ce terrain serait de nature à favoriser une urbanisation dispersée incompatible avec la vocation des espaces naturels environnants, de se fonder sur ce motif pour délivrer un certificat d’urbanisme négatif » [34]. Le Conseil d’État a également validé, dans sa décision du 26 juillet 1996, une Cour administrative d’appel qui a débouté les requérants de leur demande en fondant sa décision sur « un critère tiré, d’une part, de la localisation de la parcelle en cause, d’autre part, de sa dimension » pour considérer que le terrain se trouve en dehors des parties urbanisées de la commune [35].
2 - L’apport de l’arrêt du Conseil d’État du 29 mars 2017.
Toutefois, si le Conseil d’État a intégré la notion d’extension des parties urbanisées, surtout pour le motif d’incompatibilité avec la vocation des espaces naturels environnants, c’est par son arrêt du 29 mars 2017 qu’il a adopté l’interdiction de constructions dans les parties urbanisées de la commune lorsque leur implantation est de nature à étendre le périmètre de la partie urbanisée de la commune [36].
A l’occasion de cette affaire, le rapporteur public a plaidé en faveur d’un changement de jurisprudence afin d’interdire, dans les parties urbanisées de la commune, les constructions dont l’ampleur est de nature à étendre les parties urbanisées de la commune :
« Nous vous invitons donc à préciser ce courant de jurisprudence issue de votre décision B... (n°85210), en jugeant que la règle de constructibilité limitée interdit d’autoriser une construction en bordure des zones densément construites qui aurait pour effet d’étendre les « parties urbanisée » de la commune. Cette position pourrait donner l’impression d’un resserrement de votre jurisprudence, ou surtout de la façon dont elle a été reçue. Des années ont passé depuis l’édiction de la règle et on peut penser que le nombre de communes sans document d’urbanisme a fortement diminué, même s’il reste probablement non négligeable (la DREAL de Franche-Comté en recensait encore 571 dans son ressort en 20142 ). Mais il faut surtout s’entendre sur le sens de ce mot d’extension : cela ne doit pas conduire, selon nous, à interdire systématiquement toute construction en bordure d’une zone densément construite de la commune lorsque le terrain d’assiette du projet est suffisamment modeste pour qu’on puisse estimer qu’il s’intègre dans la partie déjà urbanisée de la commune. Cette appréciation dépend de l’importance de l’assiette du projet et de sa proximité avec la zone déjà densément construite. Certes, de constructions en constructions cette tolérance peut conduire à étendre de fait, légèrement, l’urbanisation de la commune mais l’objet de la loi nous semble être d’interdire des projets qui par leur situation et leur ampleur conduiraient à eux seuls à étendre l’urbanisation, et non l’évolution à la marge de ces « parties déjà urbanisées » par des projets qui s’intègrent tour à tour dans le tissu urbain existant » [37].
Le Conseil d’État a suivi les recommandations du rapporteur public en admettant un second critère d’acceptation des constructions dans les communes non couvertes par un document d’urbanisme, lequel critère impose que la construction ne doit pas avoir pour effet d’étendre le périmètre des parties urbanisées de la commune. Il a, dans son arrêt du 29 mars 2017, posé le principe selon lequel « les constructions ne peuvent être autorisées dès lors que leur réalisation a pour effet d’étendre la partie actuellement urbanisée de la commune » [38]. En l’espèce, une demande d’un permis d’aménager portant sur la réalisation d’un projet de lotissement de 25 logements avait été refusée par le maire. Ce refus a été validé par le tribunal administratif, mais annulé en appel par la Cour administrative d’appel de Marseille. La commune s’est pourvue en cassation contre l’arrêt de la Cour administrative d’appel de Marseille. Le Conseil a annulé l’arrêt de la Cour administrative d’appel en motivant sa décision de la manière suivante :
« Considérant que la cour a pu se fonder sur la proximité immédiate du projet avec des constructions existantes situées dans les parties urbanisées de la commune ainsi que sur la vocation de la zone pour déterminer si le terrain d’assiette du projet se trouve à l’intérieur des parties urbanisées de la commune pour l’application de l’article L111-1-2 du Code de l’urbanisme ; que toutefois, en ne recherchant pas si la réalisation du projet de lotissement soumis à autorisation avait pour effet d’étendre le périmètre de la partie urbanisée de la commune, compte tenu en particulier du nombre et de la densité des constructions projetées, la cour a commis une erreur de droit » [39].
Ainsi, cet arrêt officialise l’exigence d’un second critère d’admission des constructions dans les communes non dotées d’un document d’urbanisme, à savoir l’interdiction des constructions ayant pour effet d’étendre le périmètre de la partie urbanisée d’une commune. A l’occasion de cet arrêt, le Conseil d’État a posé les critères permettant de savoir si les constructions sont susceptibles de favoriser une extension du périmètre de la partie urbanisée. Il a ainsi considéré que pour apprécier « si la réalisation du projet de lotissement soumis à autorisation avait pour effet d’étendre le périmètre de la partie urbanisée de la commune », il faut tenir compte « du nombre et de la densité des constructions projetées » [40]. Cette formule a été très vite adoptée par les juridictions administratives dans leurs décisions. A cet égard, la Cour administrative d’appel de Douai a considéré dans sa décision du 16 novembre 2018, que « pour se prononcer sur le point de savoir si la réalisation du projet a pour effet d’étendre le périmètre de la partie urbanisée de la commune, il convient de tenir compte en particulier du nombre et de la densité des constructions projetées » [41].
3 - Les constructions ayant pour effet d’étendre le périmètre des parties urbanisées de la commune ?
En application de ce second critère, les constructions occupant une surface de grande envergure sont, selon certaines circonstances, jugées de nature à étendre les parties urbanisées et risquent d’être refusées par l’autorité administrative. Ainsi, il a été jugé par la Cour administrative d’appel de Douai, dans son arrêt du 6 avril 2023, que le « projet de création de trois lots à bâtir comportant chacun une habitation d’une surface de 250 m2, s’il peut être considéré comme une extension de la partie urbanisée constituée par les constructions situées à l’est du projet, a pour effet d’étendre les parties actuellement urbanisées de la commune, en raison du nombre et de la densité des constructions projetées et alors qu’il s’insère au sud dans un vaste espace naturel » [42]. La Cour administrative d’appel de Nantes a également considéré, dans son arrêt du 27 janvier 2023, que la construction d’une maison d’habitation sur une parcelle d’une superficie de 1770 mètres carrés, au sein d’un compartiment constitué de vastes terrains agricoles au sud-est du bourg, surtout se trouvant à l’écart du sens de l’urbanisation existante, aurait pour effet d’étendre la partie actuellement urbanisée de la commune en raison du nombre mesuré de constructions qui composent le bourg [43]. Dans son arrêt du 13 juin 2024, la Cour administrative d’appel de Toulouse a jugé que le projet de construction portant sur la création de trois lots à bâtir sur une superficie comprise entre 1 000 m² et 3 168 m², sur une superficie totale de 5 684 m², bien qu’il se trouve à proximité d’un secteur présentant un nombre et une densité significatifs de maisons, serait quand même de nature à permettre une extension de la partie urbanisée de la commune [44]. La Cour administrative d’appel de Bordeaux a également jugé, dans une décision du 11 avril 2024, qu’un projet de construction « qui consiste en la création de dix maisons individuelles sur un terrain de 6 415 m² dans une zone naturelle presque entièrement boisée, aurait pour effet d’étendre la partie actuellement urbanisée de la commune vers le sud » [45]. Toutefois, la taille modeste d’une construction ne semble pas être toujours déterminante dans l’appréciation de la notion d’extension d’une partie urbanisée d’une commune. C’est le sens de la décision rendue par la Cour administrative d’appel de Marseille le 9 mars 2023 pour un projet de construction portant sur la création d’une maison individuelle d’une surface de plancher créée de 137,85 m². Pour considérer le projet comme une extension des parties urbanisées, la Cour a estimé que « si le projet se situe à moins de 50 mètres de six constructions, sur un terrain également desservi par les réseaux et éligible à l’assainissement non collectif, il se situe à l’extérieur de l’enveloppe bâtie de la zone ainsi délimitée, et sa réalisation aura pour effet d’étendre cette enveloppe vers l’est en empiétant sur les espaces naturels et boisés dont il n’est séparé par aucune frontière naturelle ou artificielle. Par suite, bien que s’inscrivant à proximité immédiate d’une zone urbanisée, le projet de construction doit être regardé comme étendant la partie actuellement urbanisée de la commune » [46].
4 - Les constructions n’ayant pas pour effet d’étendre le périmètre des parties urbanisées de la commune.
Toutefois, ne constitue pas une construction susceptible d’étendre la partie urbanisée de la commune, d’après la Cour administrative d’appel de Marseille dans son arrêt du 19 janvier 2023, une parcelle non bâtie d’une superficie de 3900 mètres carrés et située à l’extrême ouest d’un secteur comportant un nombre et une densité significatifs de constructions qui se trouvent à proximité les unes des autres dès lors qu’elle n’occupe pas un compartiment de terrain nettement différent de cette partie urbanisée de la commune [47]. La Cour administrative d’appel de Douai a jugé, dans son arrêt du 3 novembre 2020, que « le projet, qui consiste seulement à construire deux maisons d’habitation sur des parcelles d’une superficie de 582 m² et de 570 m², ne pouvait pas être regardé comme ayant pour effet d’étendre la partie actuellement urbanisée de la commune » [48]. De même, est considéré comme n’ayant pas pour effet d’étendre le périmètre de la partie urbanisée de la commune, le projet de construction sur une superficie de 3090 mètres carrés, situé en bordure d’un chemin à proximité duquel se trouvent des constructions ayant un nombre et une densité significatifs. Dans ces conditions, la Cour a estimé que le terrain n’occupe pas un compartiment de terrain différent de la partie urbanisée de la commune [49]. Cependant, il peut arriver qu’un projet de construction de plusieurs logements et occupant une superficie très importante soit considéré comme n’ayant pas pour effet d’étendre la partie urbanisée de la commune. Ainsi, dans un arrêt du 18 avril 2024, la Cour administrative d’appel de Marseille a jugé qu’un projet de construction de 46 logements comportant une surface de plancher de 3041 mètres carrés n’avait pas pour effet d’étendre la partie urbanisée de la commune. Le raisonnement de la Cour est le suivant :
« Tout d’abord, il ressort des pièces du dossier que le terrain d’assiette du projet se situe à l’ouest d’un lotissement qui comprend environ une vingtaine d’habitations dans un rayon de 100 mètres, en continuité de deux autres lotissements d’envergure, à savoir "Les Rives du Golf" qui comprend 97 logements, composés de 69 villas et 28 logements collectifs soit une surface de plancher de près de 10.000 m² et "Les Jardins d’Auréliens" qui comprennent 15 villas de plus de 1 500 m². Par ailleurs, ces lotissements sont jouxtés par des équipements et lieux collectifs administratifs comportant notamment un complexe sportif et un centre de loisir. Par suite, le projet doit être regardé comme s’inscrivant en bordure immédiate d’une zone qui par sa caractérisation relève des parties urbanisées de la commune au sens des dispositions précitées de l’article L11-3 du Code de l’urbanisme.
Ensuite, compte tenu de la proximité immédiate du terrain d’assiette du projet concerné de la zone urbanisée précédemment évoquée, de la desserte de la parcelle concernée par la voie du lotissement et par l’intégralité des réseaux et du fait qu’il ne s’agit que le terrain d’assiette du projet comporte déjà un bâtiment qui doit être démoli, une telle opération ne peut être regardée comme une extension d’une zone urbanisée prohibée par l’article L111-3 du Code de l’urbanisme, mais comme relevant d’une intégration admise au sein dudit secteur » [50].
Toutefois, la règle de la constructibilité limitée prévoit des exceptions par lesquelles les constructions sont admises en dehors des parties urbanisées de la commune.
II - Les exceptions à la règle de la constructibilité limitée.
Les exceptions à la règle de la constructibilité limitée permettent l’autorisation de constructions en dehors des parties actuellement urbanisées d’une commune. C’est pourquoi l’administration, lors d’une demande d’autorisation d’urbanisme, après avoir constaté qu’un terrain se trouve en dehors des parties urbanisées de la commune, vérifie s’il rentre dans la catégorie des exceptions prévues à l’article L111-4 du Code de l’urbanisme.
Aux termes de l’article L111-4 du Code de l’urbanisme :
« Peuvent toutefois être autorisés en dehors des parties urbanisées de la commune :
1° L’adaptation, le changement de destination, la réfection, l’extension des constructions existantes ou la construction de bâtiments nouveaux à usage d’habitation à l’intérieur du périmètre regroupant les bâtiments d’une ancienne exploitation agricole, dans le respect des traditions architecturales locales ;
2° Les constructions et installations nécessaires à l’exploitation agricole, à des équipements collectifs dès lors qu’elles ne sont pas incompatibles avec l’exercice d’une activité agricole, pastorale ou forestière sur le terrain sur lequel elles sont implantées, à la réalisation d’aires d’accueil ou de terrains de passage des gens du voyage, à la mise en valeur des ressources naturelles et à la réalisation d’opérations d’intérêt national ;
2° bis Les constructions et installations nécessaires à la transformation, au conditionnement et à la commercialisation des produits agricoles, lorsque ces activités constituent le prolongement de l’acte de production et dès lors qu’elles ne sont pas incompatibles avec l’exercice d’une activité agricole, pastorale ou forestière sur le terrain sur lequel elles sont implantées. Ces constructions et installations ne peuvent pas être autorisées dans les zones naturelles, ni porter atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages. L’autorisation d’urbanisme est soumise pour avis à la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers ;
3° Les constructions et installations incompatibles avec le voisinage des zones habitées et l’extension mesurée des constructions et installations existantes ;
4° Les constructions ou installations, sur délibération motivée du conseil municipal, si celui-ci considère que l’intérêt de la commune, en particulier pour éviter une diminution de la population communale, le justifie, dès lors qu’elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages, à la salubrité et à la sécurité publiques, qu’elles n’entraînent pas un surcroît important de dépenses publiques et que le projet n’est pas contraire aux objectifs visés à l’article L101-2 et aux dispositions des chapitres I et II du titre II du livre Ier ou aux directives territoriales d’aménagement précisant leurs modalités d’application.
Pour l’application du présent article, les installations de production et, le cas échéant, de commercialisation, par un ou plusieurs exploitants agricoles, de biogaz, d’électricité et de chaleur par la méthanisation qui respectent les conditions fixées à l’article L311-1 du Code rural et de la pêche maritime sont considérées comme des constructions ou des installations nécessaires à l’exploitation agricole mentionnées au 2° du présent article ».
Toutefois, il convient de préciser que certaines de ces dérogations ne sont pas applicables dans les communes dans lesquelles un schéma de cohérence territoriale n’est pas en vigueur. L’article L142-4 du Code de l’urbanisme précise, dans son 3°, que dans ces communes, « Les secteurs situés en dehors des parties urbanisées des communes non couvertes par un document d’urbanisme ne peuvent être ouverts à l’urbanisation pour autoriser les projets mentionnés aux 3° et 4° de l’article L111-4 ». La Cour administrative d’appel de Douai a rappelé cette règle dans son arrêt du 5 octobre 2023 [51]. Cependant, l’article L142-5 du même code prévoit la possibilité de déroger aux contraintes posées par l’article L 142-4 à la condition, d’une part, de recueillir l’avis de la « commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers prévue à l’article L112-1-1 du Code rural et de la pêche maritime et, le cas échéant, de l’établissement public prévu à l’article L143-16 » et, d’autre part, que le projet d’urbanisation « ne nuit pas à la protection des espaces naturels, agricoles et forestiers ou à la préservation et à la remise en bon état des continuités écologiques, ne conduit pas à une consommation excessive de l’espace, ne génère pas d’impact excessif sur les flux de déplacements et ne nuit pas à une répartition équilibrée entre emploi, habitat, commerces et services ».
Ainsi, en dehors de ces interdictions à la dérogation à la règle de la constructibilité limitée, les exceptions autorisées sont de deux ordres : les exceptions permanentes (1) et les exceptions justifiées par une délibération du conseil municipal (2).
A - Les exceptions permanentes.
Ces exceptions permanentes concernent quatre catégories de situations : les constructions existantes, les constructions nouvelles, les constructions nécessaires et les constructions incompatibles.
1 - Les constructions existantes.
L’article L111-4 du Code de l’urbanisme, dans son 1°, prévoit la possibilité d’autoriser, en dehors des parties urbanisées de la commune, « l’adaptation, le changement de destination, la réfection, l’extension des constructions existantes ».
Pour qu’une construction soit qualifiée d’existante, il faut qu’elle le soit juridiquement et physiquement. L’existence juridique signifie qu’elle doit être issue d’une autorisation d’urbanisme préalable et non une construction édifiée de manière illégale, c’est-à-dire dépourvue d’autorisation administrative [52]. L’existence physique renvoie aux constructions qui sont toujours en place et exclut celles qui sont en ruine. A cet égard, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a jugé qu’un projet visant l’adaptation, la réfection ou l’extension d’une construction existante dont le cinquième des murs du bâtiment et la moitié de sa toiture sont détruits, présente le caractère d’une ruine et ne saurait être regardé comme une construction existante [53].
Quant à l’adaptation, le changement de destination, la réfection et l’extension des constructions existantes, ils font l’objet d’une application assez rigoureuse par la jurisprudence administrative et doivent être différenciés d’une nouvelle construction. L’adaptation et la réfection d’une construction existante peuvent concerner des travaux ayant pour objet la surélévation d’une toiture, l’agrandissement des ouvertures de la façade et le réaménagement des espaces intérieurs [54]. On se trouve également en présence d’une adaptation et d’une réfection d’une construction lors de travaux de transformation d’une ancienne discothèque n’ayant pas pour conséquence de modifier les dimensions ou l’aspect général de la construction [55].
S’agissant du changement de destination, il peut concerner les cinq catégories de destinations prévues par l’article R151-27 du Code de l’urbanisme, à savoir l’exploitation agricole et forestière ; l’habitation ; le commerce et activités de service ; les équipements d’intérêt collectif et services publics ; et autres activités des secteurs secondaire ou tertiaire. Dans sa décision du 30 octobre 2001, la Cour administrative d’appel de Nantes a jugé qu’un maire ne pouvait « faire reposer son refus sur le motif que le projet consistait en la transformation d’une construction à usage agricole en maison d’habitation » [56].
Enfin, l’exception prévue pour les constructions existantes concerne aussi la possibilité de procéder à l’extension d’une construction en dehors des parties actuellement urbanisées de la commune. Toutefois, l’extension n’est possible que pour une construction ayant une existence légale, c’est-à-dire qui a été édifiée par le biais d’un permis de construire délivré par une autorité compétente. Ainsi, le fait d’agrandir une construction illégale ne peut être considéré comme une extension au sens de l’article L111-4-1° du Code l’urbanisme mais plutôt comme une construction nouvelle qui ne peut être autorisée en dehors des parties actuellement urbanisées de la commune [57].
Cependant, cette extension ne doit pas avoir pour effet de favoriser une urbanisation dispersée incompatible avec la vocation des espaces naturels environnants au sens de l’article R111-14 du Code de l’urbanisme. Ledit article prévoit la possibilité d’interdire des projets en dehors des parties urbanisées de la commue lorsque le projet risque de favoriser une urbanisation dispersée. Ainsi, dans sa décision du 12 mai 2016, la Cour administrative d’appel de Marseille a donné raison à un maire qui a refusé un projet portant sur un changement de destination d’un bâtiment agricole en habitation et l’extension d’une construction existante pour méconnaissance de l’article R111-14 du Code de l’urbanisme [58].
Le juge veille donc à ce que l’extension d’une construction existante ait une ampleur limitée. Ainsi, il a été jugé par le conseil d’État que des travaux « qui avaient pour objet de porter de 20 à 146 mètres carrés la surface de plancher hors œuvre brute du bâtiment implanté sur le terrain, ne pouvaient être regardés comme une extension d’une construction existante au sens des dispositions de l’article L111-1-2 du Code de l’urbanisme » [59]. De même, un projet de construction visant, d’une part, à clore un auvent de 150 mètres carrés et, d’autre part, à l’agrandir par un bâtiment d’une surface de plancher de 764,53 mètres carrés, ne présente pas le caractère d’une extension d’une construction existante [60].
Cependant, des travaux ayant pour objet de porter de 63,60 mètres carrés à 135,60 mètres carrés la surface de plancher hors œuvre brute d’un bâtiment ne sauraient être regardés comme une construction nouvelle, mais constituent en réalité une extension d’une construction existante au sens des dispositions de l’article L111-1-2 du Code de l’urbanisme [61].
2 - Les constructions nouvelles.
L’exception à la règle de la constructibilité limitée pour les nouvelles constructions est prévue par le 1° de l’article L111-4 du Code de l’urbanisme qui prévoit que puisse être autorisée en dehors des parties urbanisées « (…) la construction de bâtiments nouveaux à usage d’habitation à l’intérieur du périmètre regroupant les bâtiments d’une ancienne exploitation agricole, dans le respect des traditions architecturales locales ».
Cette dérogation ne concerne pas les travaux relatifs à une exploitation agricole en cours d’exploitation. La Cour administrative d’appel de Marseille a rappelé, dans son arrêt du 16 octobre 2015, que le projet, consistant en la transformation partielle et l’extension d’un bâtiment d’une exploitation agricole qui se poursuit, ne concerne donc pas les bâtiments d’une ancienne exploitation au sens de ces dispositions [62].
Cette dérogation ne concerne que les constructions à usage d’habitation dans le périmètre d’une ancienne exploitation agricole. Le bâtiment doit se trouver dans le périmètre de l’exploitation agricole. Toutefois, le périmètre n’est pas nécessairement circonscrit, ce qui permet des constructions dans une exploitation non closes. C’est ce qu’a décidé le Conseil d’État dans sa décision du 29 mai 2019 en jugeant que :
« Au titre de la seconde exception, peut être autorisée la construction de bâtiments nouveaux à usage d’habitation, à la double condition qu’ils soient implantés à l’intérieur d’un périmètre regroupant les bâtiments d’une ancienne exploitation agricole et qu’ils respectent les traditions architecturales locales. Le bénéfice de cette exception n’est pas réservé aux cas dans lesquels le périmètre constitué par les bâtiments d’une ancienne exploitation agricole est clos, mais peut aussi valoir pour les cas où les bâtiments nouveaux sont implantés dans un espace entouré de bâtiments agricoles suffisamment rapprochés pour pouvoir être regardés comme délimitant, même sans clôture ou fermeture, un périmètre regroupant les bâtiments d’une ancienne exploitation agricole » [63].
Toutefois, l’exigence du caractère limité des constructions et extensions au sens de l’article L111-1-2 ancien du Code de l’urbanisme ne s’applique pas aux constructions visées dans cette exception. En effet, la Cour administrative d’appel de Nantes a rappelé que le législateur « n’a expressément entendu limiter cette possibilité de construction en dehors des zones déjà urbanisées que par les seules conditions que ce texte prévoit, à savoir la limitation au périmètre des bâtiments de l’ancienne exploitation agricole et le respect des traditions architecturales » et conclu « qu’il ressort des pièces du dossier que le projet de construction se situe à l’intérieur du périmètre regroupant les bâtiments d’une ancienne exploitation agricole ; que, dans ces conditions, en refusant de délivrer, sur le fondement des dispositions précitées de l’article L111-1-2 du Code de l’urbanisme, le permis de construire sollicité au seul motif que l’extension ne présenterait pas un caractère limité, l’autorité administrative a, en opposant une condition qui n’est pas prévue par la loi, fait une inexacte application de ces dispositions » [64].
L’arrêt de la Cour administrative d’appel de Nantes a été rejugé par le Conseil d’État dans sa décision précitée du 29 mai 2019 dans laquelle il a précisé que « aucune disposition n’impose toutefois qu’une extension satisfaisant à ces critères doive en outre, pour pouvoir être autorisée au titre du 1° du I de l’article L111-1-2, présenter un caractère "mesuré" ». Le caractère mesuré auquel fait référence le Conseil d’État dans cette décision concerne les projets situés à l’intérieur du périmètre regroupant les bâtiments d’une ancienne exploitation agricole.
3 - Les constructions nécessaires.
Ces exceptions sont prévues par les alinéas 2° et 2° bis de l’article L111-4 du Code de l’urbanisme.
Le 2° de l’article L111-4 du Code de l’urbanisme autorise comme exception : « Les constructions et installations nécessaires à l’exploitation agricole, à des équipements collectifs dès lors qu’elles ne sont pas incompatibles avec l’exercice d’une activité agricole, pastorale ou forestière sur le terrain sur lequel elles sont implantées, à la réalisation d’aires d’accueil ou de terrains de passage des gens du voyage, à la mise en valeur des ressources naturelles et à la réalisation d’opérations d’intérêt national ».
Cet alinéa admet les constructions et installations nécessaires à l’exploitation agricole et à des équipements d’intérêts collectifs.
S’agissant des constructions et installations nécessaires à l’exploitation agricole, elles sont précisées par une circulaire ministérielle du 9 février 2012 qui les considère comme toute construction compatible avec l’exercice d’une telle activité [65]. Ainsi, une construction à usage d’habitation peut être admise si l’activité en question nécessite une présence rapprochée et permanente. De même, les hangars et serres sont considérés comme des activités agricoles quand ils sont nécessaires à la production agricole [66].
La jurisprudence a également précisé la notion de construction ou installation nécessaire à l’activité agricole. L’appréciation d’une construction nécessaire à l’activité agricole a été précisée par la Cour administrative d’appel de Douai, dans son arrêt du 23 janvier 2014, qui considère que « ce lien de nécessité, qui doit faire l’objet d’un examen au cas par cas, s’apprécie entre, d’une part, la nature et le fonctionnement des activités de l’exploitation agricole et, d’autre part, la destination de la construction ou de l’installation projetée ; qu’il s’ensuit que la seule qualité d’exploitant agricole du pétitionnaire ne suffit pas à caractériser un tel lien ; que, lorsque la construction envisagée est à usage d’habitation, il convient d’apprécier le caractère indispensable de la présence permanente de l’exploitant sur l’exploitation au regard de la nature et du fonctionnement des activités de l’exploitation agricole » [67]. La Cour administrative d’appel de Bordeaux a considéré qu’une construction à vocation d’abris de jardin destinée à l’exercice d’une activité agricole figure au nombre des installations autorisées par l’article L111-4 du Code de l’urbanisme [68]. De même, constitue une construction nécessaire à l’exploitation agricole un bâtiment destiné à la conservation du matériel spécifique de pulvérisation à appliquer sur le sol et sur les plantes [69]. La Cour administrative d’appel de Bordeaux a aussi jugé que constitue une construction nécessaire à l’activité agricole, le projet de construction d’un bâtiment agricole destiné à l’élevage de 39 000 poules pondeuses en volière, d’une surface de plancher de 3 563 mètres carrés, car l’extension de l’activité agricole se justifie par l’intégration des enfants du couple au sein de l’exploitation en générant des revenus supplémentaires [70].
Par contre, ne constitue pas une activité nécessaire à l’activité agricole, au sens des dispositions du 2° de l’article L111-1-2 [71], un projet de construction d’un stand de vente situé à plus de quatre kilomètres du siège de l’exploitation du pétitionnaire malgré le fait que le demandeur n’aurait pas accès à un circuit de distribution traditionnel de ses produits ou que les denrées produites seraient périssables [72]. Ne constitue pas non plus une construction nécessaire à l’activité agricole au sens du 2° de l’article L111-1-2 (L111-4) du Code de l’urbanisme, le projet de construction, au sein d’une exploitation agricole, d’un bâtiment principalement destiné à l’habitation et à l’hébergement touristique lorsque la nature et le fonctionnement de l’exploitation n’imposent pas la présence permanente de l’exploitant [73].
Quant aux constructions et installations nécessaires à des équipements collectifs, elles ne sont possibles que si elles sont compatibles avec l’exercice d’une activité agricole, forestière ou pastorale sur le terrain dans lequel elles sont édifiées.
D’après la circulaire ministérielle du 9 février 2012, « cette notion d’incompatibilité avec l’exercice de l’activité agricole et la possible réduction de la consommation des espaces agricoles s’analyseront au cas par cas et en fonction de la vocation et de l’occupation initiale du sol ainsi que des changements qui sont induits par l’implantation du projet » [74].
Selon la Cour administrative d’appel de Bordeaux, la construction d’une salle d’animation dans un camping ne peut être regardée comme un équipement collectif au sens des dispositions précitées du 2° de l’article L111-1-2 du Code de l’urbanisme [75] [76]. Par contre, une centrale photovoltaïque est une installation nécessaire à des équipements collectifs pouvant faire l’objet d’une autorisation en dehors des parties urbanisées à condition qu’elle contribue à la production électrique publique [77].
Par ailleurs, l’alinéa 2° bis de l’article 111-4 du Code de l’urbanisme prévoit des exceptions à la règle de l’inconstructibilité limitée pour « les constructions et installations nécessaires à la transformation, au conditionnement et à la commercialisation des produits agricoles, lorsque ces activités constituent le prolongement de l’acte de production et dès lors qu’elles ne sont pas incompatibles avec l’exercice d’une activité agricole, pastorale ou forestière sur le terrain sur lequel elles sont implantées. Ces constructions et installations ne peuvent pas être autorisées dans les zones naturelles, ni porter atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages. L’autorisation d’urbanisme est soumise pour avis à la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers ».
Cet alinéa prévoit les constructions et installations nécessaires à la transformation, au conditionnement et à la commercialisation des produits agricoles, quand ces activités sont le prolongement de l’acte de production. Toutefois, le législateur pose quatre conditions pour l’admission de cette exception nécessaire. La première est que l’activité doit constituer le prolongement de l’acte de production. La deuxième condition est que l’activité ne doit pas être incompatible avec l’exercice d’une activité agricole, pastorale ou forestière. La troisième condition est que les constructions ne doivent ni être installées dans des zones naturelles, ni porter atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages. La quatrième condition est que la demande doit être soumise pour avis à la commission départementale de la préservation des espaces naturels, agricoles et forestiers.
Dans son arrêt du 29 décembre 2022, la Cour administrative d’appel de Nancy a considéré que le projet d’extension d’un bâtiment visant la création d’une étable et d’un local de transformation des produits laitiers était nécessaire à la transformation de la production laitière du pétitionnaire :
« Toutefois, comme l’ont rappelé les premiers juges, si le projet objet de ce permis de construire est situé en dehors des parties actuellement urbanisées de la commune, il consiste en l’extension d’un bâtiment préexistant, aux fins de création d’une étable et d’un local de transformation des produits laitiers, tandis que ce bâtiment est à proximité immédiate de parcelles utilisées comme pâtures pour les animaux du pétitionnaire. La destination de ce bâtiment, telle qu’elle ressort du permis de construire, est cohérente avec l’activité d’élevage de montagne et de transformation de la majorité du lait en fromages mentionnée dans l’avis émis le 29 mai 2017 par la chambre d’agriculture, lequel était à cet égard favorable, au regard de la construction, pour le bon fonctionnement de l’exploitation, à la délivrance du permis de construire alors sollicité. Au demeurant, il n’est pas contesté qu’une partie du bâtiment en cause était nécessaire à la transformation en fromages de la production laitière du pétitionnaire. Dès lors, l’extension et la transformation du bâtiment existant doivent être regardées comme nécessaires à l’exploitation de M. E... au sens des dispositions des 2° et 2° bis de l’article L111-4 du Code de l’urbanisme » [78]. Le tribunal administratif de Grenoble a considéré que le projet de construction d’un bâtiment agricole de stockage et de production destiné à la transformation de la production de raisins et d’olives apparaît nécessaire à l’activité agricole, à la transformation, au conditionnement et à la commercialisation des produits agricoles [79].
4 - Les constructions incompatibles.
Le 3° de l’article L111-4 du Code de l’urbanisme autorise une dérogation pour « Les constructions et installations incompatibles avec le voisinage des zones habitées et l’extension mesurée des constructions et installations existantes ».
Ce type d’exceptions concerne essentiellement les installations classées pour la protection de l’environnement comme des usines de traitement des ordures ménagères, de produits dangereux, de décharges, de stations d’épuration, ou de certaines activités qui entrainent une nuisance sonore pour les populations.
Le Conseil d’État a validé, dans sa décision du 23 décembre 1988, un permis de construire délivré en dehors des parties actuellement urbanisées de la commune dont l’objet est la construction d’un incinérateur d’ordures ménagères [80]. La Cour administrative d’appel de Lyon a également considéré que « l’élevage de porcs constitue une construction incompatible avec le voisinage des zones habitées » [81]. De même, le projet de construction d’une hutte de chasse, laquelle comporte une salle de tir est jugé comme étant incompatible avec le voisinage des zones habitées [82]. La Cour administrative d’appel de Paris a également jugé comme étant incompatible avec le voisinage des zones urbanisées une activité de broyage et de compostage de déchets organiques, laquelle est susceptible de générer en particulier des nuisances sonores ou olfactives [83].
Par contre, une discothèque, selon le Conseil d’État, n’est pas au nombre des constructions ou installations visées au 3° de l’article L111-1-2 du Code de l’urbanisme [84] (actuel L111-4 du même code). Il a également été jugé par la Cour administrative d’appel de Bordeaux, dans son arrêt du 1er mars 2016, que la construction d’un atelier de réparation automobile n’est pas incompatible avec le voisinage de zones habitées de la commune [85]. Le Conseil a, dans son arrêt du 7 février 2013, annulé la décision d’un tribunal qui avait retenu qu’un bâtiment de boxes pour chevaux est par nature incompatible avec le voisinage des zones habitées. Ainsi, pour le Conseil d’État « en statuant ainsi, sans prendre en considération la nature de l’activité d’élevage envisagée par les pétitionnaires et sans rechercher si des dispositions législatives ou règlementaires ne soumettaient pas son implantation à des conditions de distance vis-à-vis des habitations, le tribunal administratif de Limoges a donné aux faits ainsi énoncés une qualification juridique erronée » [86].
B - Les exceptions justifiées par l’intérêt de la commune.
Ces exceptions sont prévues par le 4° de l’article L111-4 du Code de l’urbanisme pour :
« Les constructions ou installations, sur délibération motivée du conseil municipal, si celui-ci considère que l’intérêt de la commune, en particulier pour éviter une diminution de la population communale, le justifie, dès lors qu’elles ne portent pas atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages, à la salubrité et à la sécurité publiques, qu’elles n’entraînent pas un surcroît important de dépenses publiques et que le projet n’est pas contraire aux objectifs visés à l’article L101-2 et aux dispositions des chapitres I et II du titre II du livre Ier ou aux directives territoriales d’aménagement précisant leurs modalités d’application ».
1 - La compétence du conseil municipal.
Cette autorisation intervient nécessairement après une délibération du Conseil municipal de la commune pour les constructions situées en dehors des parties déjà urbanisées de la commune. Mais le Conseil municipal n’est pas compétent pour délibérer sur les projets situés à l’intérieur d’une partie identifiée comme urbanisée d’une commune, lesquels relèvent de la compétence du maire au nom de l’État [87]. Un avis favorable à un projet émanant du maire ne saurait suffire à autoriser une construction sur la base de l’article L111-4-4° du Code de l’urbanisme [88]. Il est donc indispensable de passer par une délibération du Conseil municipal pour l’autorisation de toute construction en dehors des parties urbanisées de la commune. Toutefois, cette délibération effectuée par ce dernier constitue un acte préparatoire insusceptible de recours pour excès de pouvoirs [89]. Par ailleurs, aux termes de l’article L111-5 du Code de l’urbanisme, en son alinéa 2, « la délibération mentionnée au 4° de l’article L111-4 est soumise pour avis conforme à cette même commission départementale. Cet avis est réputé favorable s’il n’est pas intervenu dans un délai d’un mois à compter de la saisine de la commission ».
Toutefois, en cas d’avis favorable donné par le Conseil municipal lors de sa délibération, le préfet peut s’opposer à l’avis émis si le projet est en violation d’autres dispositions du Code de l’urbanisme. C’est le cas de l’article R111-14 du Code de l’urbanisme qui permet de refuser une construction susceptible de favoriser une urbanisation dispersée incompatible avec la vocation des espaces naturels [90]. En revanche, il ne peut, en cas d’avis favorable du conseil municipal, se fonder sur un motif tiré de la localisation du terrain d’assiette en dehors des parties urbanisées de la commune pour délivrer un certificat d’urbanisme négatif [91].
2 - Intérêt communal non justifié.
Le juge administratif contrôle le bien-fondé des motifs ayant justifié l’autorisation d’une construction en dehors des parties déjà urbanisées par le Conseil municipal. En effet, le Conseil d’État vérifie la notion d’intérêt communal pour les délibérations prises sur la base de l’article L111-4-4° du Code de l’urbanisme. Dans sa décision du 17 décembre 2017, le Conseil d’État a retenu que « lorsque la commune s’est fondée, pour estimer par délibération motivée du conseil municipal qu’un intérêt communal justifiait l’octroi d’un permis de construire en application de ces dispositions, sur la nécessité d’éviter une diminution de sa population, il appartient au juge de vérifier, au vu de l’ensemble des données démographiques produites, que l’existence d’une perspective de diminution de cette population est établie » [92].
Ainsi, la Cour administrative d’appel de Bordeaux a considéré qu’une délibération qui autorise une construction à usage d’habitation en dehors des parties déjà urbanisées en se fondant sur l’objectif de lutte contre la désertification des campagnes, dans une zone à vocation essentiellement agricole n’était pas justifiée [93]. La Cour administrative d’appel de Lyon a également jugé que la « simple éventualité d’une fermeture de classe pour la rentrée (…) ne saurait suffire à caractériser l’intérêt de la commune au sens des dispositions du 4° de l’article L111-1-2 du Code de l’urbanisme » [94].
Ne rentre pas non plus dans le cadre des exceptions prévues à l’article L111-4-4°, la réalisation d’un ensemble immobilier de soixante-cinq logements en raison de sa nature et son importance, qui plus est, constituait la première tranche d’un centre de vacances et de loisirs de trois cent cinquante logements environ [95]. N’est pas non plus justifié par l’intérêt communal un permis de construire accordé à la suite d’une délibération d’un conseil municipal lorsque les données statistiques récentes révèlent une augmentation de la population [96].
3 - Intérêt communal justifié.
Toutefois, dans certains cas, la dérogation à la règle de la constructibilité limitée est justifiée par l’intérêt communal. Ainsi, la Cour administrative d’appel de Nancy a considéré que la dérogation au profit d’un couple est justifiée par la nécessité de pérenniser les services existants du fait de la baisse sensible de la population. Elle a justifié sa décision par le fait :
« qu’il ressort cependant des pièces du dossier et plus particulièrement des données démographiques produites que la commune de Picarreau connaît depuis 1999 une baisse sensible de sa population ; que, par ailleurs, il ressort des termes mêmes de la délibération que la dérogation à la règle de constructibilité limitée au bénéfice d’un jeune couple parents, à la date de la délibération, d’un enfant, est également justifiée par la nécessité de pérenniser les services existants comme l’école et le maintien de la population active ; qu’il ne ressort enfin pas des pièces du dossier que la construction envisagée, pas très éloignée du bourg, porte atteinte à la sauvegarde des espaces naturels et des paysages alors même qu’elle se situe au milieu d’un ensemble de prairies, à l’écart des voies ; que, par suite, en autorisant la construction litigieuse, le maire de la commune de Picarreau n’a pas méconnu les dispositions du 4°) de l’article L111-1-2 du Code de l’urbanisme » [97].
La Cour administrative d’appel de Bordeaux, dans sa décision du 4 juin 2007, a également jugé justifiée la dérogation émise par le conseil municipal motivée par le fait que la construction favoriserait la continuité du bâti dans cette zone de la commune propice à l’urbanisation sans porter atteinte ni à l’agriculture, ni aux paysages environnants [98].
Est également justifié par l’intérêt communal l’autorisation de la construction d’une maison individuelle « au motif que l’objectif principal de la commune était de poursuivre l’installation de nouveaux habitants, et que ce projet ne portait pas atteinte aux espaces naturels et aux paysages, correspondait à la volonté municipale de maintenir une vitalité urbaine dans les hameaux, n’apportait pas de surcoût pour les dépenses publiques communales et ne compromettait pas le développement de l’activité agricole » [99].