Le recouvrement public des pensions alimentaires.

Par Anissa Doumi, Juriste.

3351 lectures 1re Parution: 4.8  /5

Explorer : # recouvrement public # pensions alimentaires # procédure judiciaire # débiteur d'aliments

En complément de la procédure de paiement direct et des autres voies d’exécution de droit privé, la loi n°75-618 en date du 11 juillet 1975 a institué une procédure de recouvrement public des pensions alimentaires permettant au débiteur d’exercer des moyens de pressions par le biais de l’intervention du Trésor Public.

-

I. Les conditions tenant au recouvrement public des pensions alimentaires.

1) La condition préalable.

En premier lieu, la procédure de recouvrement public peut être mise en œuvre à l’égard de toutes les créances alimentaires et celles qui leur sont assimilées (contributions aux charges du mariage, subsides de l’article 342 du Code civil, prestations compensatoires sous forme de rentes).

En second lieu, la créance doit être constatée dans une décision judiciaire exécutoire [1].

2) Défaut de paiement du débiteur d’aliments.

La procédure de recouvrement public ne peut être mise en œuvre que lorsque le débiteur d’aliments n’a pas exécuté son obligation de paiement résultant de la décision judiciaire.

En effet, le recouvrement public n’a pas de caractère préventif.

L’article 3 de la loi n°75-618 du 11 juillet 1975 permet le recouvrement des termes à échoir de la pension alimentaire et, le cas échéant, de ceux qui sont échus à compter du sixième mois ayant précédé la date de la demande.

3) L’utilisation antérieure et infructueuse d’une voie d’exécution de droit privé.

Le recouvrement public des pensions alimentaires a un caractère subsidiaire. Cette procédure a été instituée en complément de la procédure de paiement direct. Il en résulte que le demandeur doit justifier de l’utilisation antérieure d’une voie d’exécution de droit privé tel que l’intervention d’un huissier de justice. Autrement dit, le demandeur doit justifier avoir tenté d’obtenir le versement de la pension par ses propres moyens [2].

À titre d’exemple, le mode de recouvrement sera considéré comme inefficace lorsqu’un délai raisonnable depuis le début des recherches s’est écoulé (un à deux mois) [3].

Cette preuve peut être rapportée par la production d’un certificat de recherches infructueuses de l’huissier ou d’une attestation du greffier de la juridiction ayant connu la voie d’exécution qui n’a produit aucuns effets.

II. La mise en œuvre de la procédure de recouvrement public des pensions alimentaires.

1) Le rôle de filtre du Procureur de la République.

Afin d’éviter les recours abusifs, le Procureur de la République intervient en tant que de garant de l’ordre public afin de vérifier que les conditions nécessaires sont réunies.

En conséquence, la demande de recouvrement public doit être adressée au Procureur de la République près le Tribunal judiciaire dans le ressort duquel est domicilié le demandeur par LRAR ou par un dépôt de la demande aux services du parquet [4].

La demande doit être accompagnée des pièces suivantes :
- Une copie de la pièce d’identité du créancier d’aliments,
- La copie de la décision judiciaire exécutoire attestant de la réalité de la créance ainsi que la justification de la signification du caractère définitif de la décision,
- L’ensemble des documents attestant de l’exercice infructueux d’une voie d’exécution de droit privé.

Par ailleurs, le courrier doit indiquer tous les renseignements sur la personne du débiteur d’aliments à savoir :
- Son identité,
- Son adresse,
- Sa profession,
- Les coordonnées de son employeur le cas échéant,
- Sa situation patrimoniale,
- La source de ses revenus.

2) La décision du Procureur de la République.

Si la demande est régulière :

Le Procureur de la République informe le créancier d’aliments par lettre simple et le débiteur d’aliments par LRAR. Le Procureur de la République adresse ensuite au directeur départemental ou régional des finances publiques du département de son ressort un état exécutoire émis à l’encontre du débiteur de la pension alimentaire [5].

L’état exécutoire contient le jugement fixant la pension alimentaire, le montant des six derniers termes échus et non payés précédant la demande et ceux échus et à échoir qui suivant la demande ainsi que le montant des frais de recouvrement perçus au profit du Trésor public (10%) [6].

Le débiteur d’aliments peut contester cette décision d’admission par lettre simple adressé au Procureur de la République. Le ministère public transmet la contestation au président du Tribunal judiciaire qui statuera en la forme des référés [7].

La contestation doit porter exclusivement sur les conditions de recouvrement public. Elle ne peut porter ni sur la modification ni sur la suppression de la pension alimentaire décidée par la décision judiciaire.

Si la demande est irrégulière :

Le Procureur peut juger la demande irrégulière lorsque les conditions légales ne sont pas réunies ou encore lorsque le débiteur ne possède ni résidence, ni biens, ni revenus sur le territoire français.

Le créancier d’aliments peut contester la décision de rejet par lettre simple adressé au Procureur de la République. Le ministère public transmet la contestation au président du Tribunal judiciaire qui statuera en la forme des référés.

3) Le recouvrement de la créance par le Trésor public.

La direction départementale ou régionale des finances publiques transmet l’état exécutoire au comptable public du lieu du domicile du débiteur d’aliments pour recouvrement [8].

En premier lieu, le comptable public adresse une lettre de rappel au débiteur d’aliments.

En deuxième lieu, le comptable public fait parvenir une sommation d’acquitter le montant de la dette avant de mettre en œuvre une saisie ou une vente forcée de ses biens.

En troisième lieu, le comptable public peut recourir aux mesures d’exécution forcée de droit commun ou aux mesures d’exécution réservées au Trésor public tels que l’avis à tiers détenteur.

Le débiteur d’aliments doit s’exécuter entre les mains du comptable public et non directement auprès du créancier d’aliments.

Le comptable public qui reçoit les sommes du débiteur prélève les frais de 10% dus au Trésor public puis verse le reliquat au créancier.

Anissa Doumi
Juriste pénaliste

Recommandez-vous cet article ?

Donnez une note de 1 à 5 à cet article :
L’avez-vous apprécié ?

5 votes

Cet article est protégé par les droits d'auteur pour toute réutilisation ou diffusion (plus d'infos dans nos mentions légales).

Notes de l'article:

[1Article 1 de la loi n°75-618 en date du 11 juillet 1975 relative au recouvrement public des pensions alimentaires.

[2Article 2 de la loi n°75-618 en date du 11 juillet 1975 relative au recouvrement public des pensions alimentaires.

[3La réforme du divorce (Lois n°75-617 et 75-618 du 11 juill. 1975 et textes d’application), Ve partie. Dispositions diverses, Defrénois 1976.358).

[4Article 2 de la loi n°75-618 en date du 11 juillet 1975 relative au recouvrement public des pensions alimentaires.

[5Article 3 de la loi n°75-618 en date du 11 juillet 1975 relative au recouvrement public des pensions alimentaires.

[6Article 7 de la loi n°75-618 en date du 11 juillet 1975 relative au recouvrement public des pensions alimentaires.

[7Article 4 de la loi n°75-618 en date du 11 juillet 1975 relative au recouvrement public des pensions alimentaires.

[8Dalloz Répertoire de procédure civile, Aliments Pr. civ. – Adeline Gouttenoire ; Vincent Bonnet – Mars 2014 (actualisation : Juillet 2020)

Village de la justice et du Droit

Bienvenue sur le Village de la Justice.

Le 1er site de la communauté du droit: Avocats, juristes, fiscalistes, notaires, commissaires de Justice, magistrats, RH, paralegals, RH, étudiants... y trouvent services, informations, contacts et peuvent échanger et recruter. *

Aujourd'hui: 156 320 membres, 27842 articles, 127 254 messages sur les forums, 2 750 annonces d'emploi et stage... et 1 600 000 visites du site par mois en moyenne. *


FOCUS SUR...

• Assemblées Générales : les solutions 2025.

• Voici le Palmarès Choiseul "Futur du droit" : Les 40 qui font le futur du droit.




LES HABITANTS

Membres

PROFESSIONNELS DU DROIT

Solutions

Formateurs