Le maire de la commune de Wissembourg a, par arrêté du 30 septembre 2015, délivré à la société en nom collectif Lidl un permis de construire valant autorisation d’exploitation commerciale en vue de la réalisation d’un bâtiment commercial d’une surface de plancher de 1 941 m2.
Une des voisines de ce projet a formé un recours gracieux contre cette décision, puis un recours contentieux devant le juge administratif.
Parallèlement, le maire de Wissembourg a délivré à la SNC Lidl un permis de construire modificatif. Ce dernier a de nouveau été contesté devant le juge administratif par la même voisine du projet.
1) Pour rejeter les demandes de la requérante, la Cour administrative d’appel de Nancy avait notamment retenu que « le mémoire introductif d’instance, enregistré le 24 décembre 2015 au greffe du tribunal administratif de Strasbourg, ne comportait que des conclusions dirigées contre le rejet, intervenu le 15 décembre 2015, du recours gracieux formé par Mme A...et que le permis initial n’a fait l’objet de conclusions formelles que le 1er mars 2016, après l’expiration du délai de recours contentieux ».
Cette solution était particulièrement sévère à l’endroit du requérant qui a formé un recours contentieux formellement dirigé contre le seul rejet du recours gracieux, alors pourtant qu’il était évident que la demande visait implicitement l’annulation de la décision initiale.
Saisi à son tour du litige, le Conseil d’État [1] censure la solution de la Cour administrative d’appel en rappelant : « qu’il est toujours loisible à la personne intéressée, sauf à ce que des dispositions spéciales en disposent autrement, de former à l’encontre d’une décision administrative un recours gracieux devant l’auteur de cet acte et de ne former un recours contentieux que lorsque le recours gracieux a été rejeté ; que l’exercice du recours gracieux n’ayant d’autre objet que d’inviter l’auteur de la décision à reconsidérer sa position, un recours contentieux consécutif au rejet d’un recours gracieux doit nécessairement être regardé comme étant dirigé, non pas tant contre le rejet du recours gracieux dont les vices propres ne peuvent être utilement contestés, que contre la décision initialement prise par l’autorité administrative ; qu’il appartient, en conséquence, au juge administratif, s’il est saisi dans le délai de recours contentieux qui a recommencé de courir à compter de la notification du rejet du recours gracieux, de conclusions dirigées formellement contre le seul rejet du recours gracieux, d’interpréter les conclusions qui lui sont soumises comme étant aussi dirigées contre la décision administrative initiale ».
Cette souplesse du Conseil d’Etat est heureuse.
2) Ensuite, le Conseil d’État précise que lorsqu’un permis de construire a été délivré en méconnaissance des dispositions législatives ou réglementaires relatives à l’utilisation du sol ou sans que soient respectées des formes ou formalités préalables à la délivrance des permis de construire, l’illégalité qui en résulte peut être régularisée par la délivrance d’un permis modificatif dès lors que celui-ci assure les respect des règles de fond applicables au projet en cause, répond aux exigences de forme ou a été précédé de l’exécution régulière de la ou des formalités qui avaient été omises.
Il peut, de même, être régularisé par un permis modificatif si la règle relative à l’utilisation du sol qui était méconnue par le permis initial a été entretemps modifiée.
Les irrégularités ainsi régularisées ne peuvent plus être utilement invoquées à l’appui d’un recours pour excès de pouvoir dirigé contre le permis initial.