Rachat d’actions de sociétés cotées : nouveaux points d’équilibre entre abus de marché et contraintes déclaratives pour les émetteurs ?

Par Eole Rapone et Juliane Dessard Jacques, Avocats.

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Explorer : # rachat d'actions # abus de marché # réglementation européenne # partage de la valeur

Ce que vous allez lire ici :

L'article aborde les règles applicables au rachat d'actions par une société cotée et les risques d'abus de marché associés. Il explique les conditions à remplir pour bénéficier de la présomption de légitimité irréfragable ou simple, prévues par la réglementation européenne, ainsi que les obligations de transparence et de déclaration de l'émetteur.
Description rédigée par l'IA du Village

Atteignant un montant total record de plus de 30 milliards d’euros d’actions rachetées par les entreprises du CAC 40 en 2023, le rachat d’actions par les sociétés cotées s’est récemment invité dans le débat politique français pour interroger la question du partage de la valeur entre actionnaires et salariés.
Au débat politique, s’ajoutent les enjeux juridiques particuliers attachés à de telles opérations, notamment lorsque la société procédant à celles-ci, est cotée sur un marché réglementé tel qu’Euronext Paris.

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En droit des sociétés, le rachat par une société de ses propres actions est autorisé seulement dans les conditions et selon les modalités prévues par la loi. Aux côtés des règles applicables à l’ensemble des sociétés non cotées, un corpus de règles spécifiques s’applique aux sociétés cotées.

Schématiquement, le premier jeu de règles distingue le rachat de ses propres actions par la société pour les annuler dans le cadre d’une réduction de capital non motivée par des pertes autorisée par l’assemblée générale [1] (dans ce cas, la société ne détient pas les actions car celles-ci sont automatiquement annulées) et le rachat de ses propres actions (dans la limite de 10% du total de ses propres actions) autorisé par l’assemblée générale à des fins de réallocation notamment aux salariés ou dans le cadre d’un programme de rachat d’actions.

Les sociétés cotées sont également soumises à des exigences particulières prévues par la règlementation européenne en matière de prévention des abus de marché (dont le règlement abus de marché du 16 avril 2014 dit « MAR »)) [2], le Code monétaire et financier [3], le règlement général et la doctrine de l’Autorité des marchés financiers (AMF) [4]. L’AMF est compétente pour sanctionner les manquements aux règles qui tendent à la protection des investisseurs et au bon fonctionnement des marchés financiers qui seraient commis dans le cadre de rachats d’actions [5].

Ces règles cherchent à trouver un point d’équilibre entre la possibilité pour une société cotée d’acquérir ses propres actions en vue de les annuler ou de les réallouer et le risque d’abus de marché inhérent à de telles opérations dans la mesure où la société concernée peut détenir des informations la concernant que le marché n’a pas. Des ajustements de ces règles pourraient intervenir dans le cadre du projet de « Listing Act Package » (dit « Listing Act ») visant à rendre plus attractifs les marchés de capitaux de l’Union européenne [6] et, plus généralement, au regard du récent débat sur le partage de la valeur.

I- Rachat d’actions de sociétés cotées, une opération sensible au regard du risque d’abus de marché.

Lors d’une opération de rachat de ses propres actions par une société cotée, « l’émetteur bénéficie naturellement d’une asymétrie d’information sur sa situation et ses perspectives par rapport aux investisseurs » [7] faisant peser sur lui un risque d’abus de marché, notamment d’opérations d’initié ou de manipulation de marché.

Les opérations d’initiés désignent principalement la situation dans laquelle une personne détient une information privilégiée et en fait usage en acquérant ou en cédant, pour son propre compte ou pour le compte d’un tiers, directement ou indirectement, des instruments financiers auxquels cette information se rapporte [8]. Une manipulation de marché désigne quant à elle principalement le fait d’effectuer une transaction, passer un ordre ou adopter tout autre comportement qui donne ou est susceptible de donner des indications trompeuses sur l’offre, la demande ou le cours d’un instrument financier ou qui fixe ou est susceptible de fixer à un niveau anormal ou artificiel le cours d’un ou plusieurs instruments financiers notamment en ayant recours à des procédés fictifs ou à toute autre forme de tromperie ou d’artifice [9].

Par conséquent, la législation européenne vise à prévenir ces risques en imposant des conditions à satisfaire pour attacher à ces opérations de rachat d’actions une « présomption de légitimité irréfragable » prévue par l’article 5 de MAR (A) ou « présomption simple » prévue par l’article 13 de MAR (B).

A- La « présomption de légitimité irréfragable » d’une opération de rachat d’actions (article 5 MAR).

Les rachats d’actions réalisés dans le cadre d’un programme de rachat n’entrent pas dans le champ des abus de marché s’ils sont réalisés dans les conditions posées par l’article 5 de MAR, telles que précisées dans son règlement délégué [10]. De ce fait, ces rachats ne peuvent pas être contestés à moins que ne soit rapportée la preuve que l’une des conditions prévues par la réglementation n’ait pas été respectée [11]. Parmi celles-ci, se trouvent les suivantes :

- Objectifs de l’opération de rachat.

Afin de bénéficier de la « présomption irréfragable de légitimité » (ou dérogation aux interdictions relatives aux abus de marché définis aux articles 14 et 15 de MAR), les opérations de rachat mises en œuvre par l’émetteur doivent nécessairement remplir l’un des trois objectifs suivants : (i) réduire son capital ; (ii) satisfaire à son obligation d’échanger contre des actions des titres de créances émis par lui ; ou (iii) satisfaire aux obligations découlant des programmes d’options sur actions ou autres allocations d’actions à ses salariés ou aux membres de ses organes d’administration, de gestion ou de surveillance de l’émetteur ou d’une entreprise associée.

L’AMF rappelle que d’autres objectifs peuvent être poursuivis dans le cadre d’un programme de rachat d’actions. Les rachats ainsi effectués ne sont pas réputés en eux-mêmes constituer des abus de marché mais en revanche, ils ne bénéficieront d’aucune des « présomptions de légitimité » instituées par les articles 5 et 13 de MAR [12]. Il en est de même pour les rachats qui ne rempliraient pas l’ensemble des autres conditions prévues par la réglementation pour bénéficier des « présomptions de légitimité ».

- Publicité préalable à l’opération de rachat.

L’émetteur doit publier de manière effective et intégrale un descriptif de son programme de rachat avant toute mise en œuvre de celui-ci. Ce descriptif comprenant l’objectif du programme, le montant pécuniaire maximal alloué au programme, le nombre maximal d’actions à acquérir et la période pour laquelle le programme a été autorisé [13].

- Modalités de l’opération de rachat.

L’émetteur ne peut, lorsqu’il exécute des opérations dans le cadre d’un programme de rachat acheter ses actions à un prix supérieur à la plus élevée des deux références suivantes : (i) le prix de la dernière opération indépendante [14] ; ou (ii) l’offre d’achat indépendante actuelle la plus élevée sur la plate-forme sur laquelle l’achat est effectué. Sur une journée donnée, l’émetteur ne peut pas acheter plus de 25% du volume quotidien moyen des actions négociées sur la plate-forme sur laquelle l’achat est effectué. Les rachats d’actions doivent notamment avoir lieu sur une plate-forme où ces actions sont admises à la négociation ou négociées. Enfin, l’émetteur doit s’abstenir d’effectuer certaines opérations pendant la durée de son programme de rachat d’actions (vente de ses propres actions [15], négociation pendant les « fenêtres négatives » [16] ou les périodes durant lesquelles l’émetteur a décidé de différer la publication d’une information privilégiée [17]).

- Déclarations auprès du régulateur et publicité de l’opération de rachat.

Au plus tard à la fin du 7ᵉ jour de négociation suivant la réalisation de chaque transaction, l’émetteur doit établir : (i) une déclaration sous forme électronique transmise à l’AMF et à l’ensemble des autorités compétentes des plateformes sur lesquelles les actions sont admises à la négociation ou négociées, au sein de l’Union européenne et ; (ii) un communiqué rendu public par voie de diffusion effective et intégrale, rendant compte des opérations effectuées dans le cadre du programme de rachat d’actions sous une forme détaillée et sous une forme agrégée (volume global et prix moyen pondéré par jour et par plateforme de négociation) pour chaque jour de transaction [18]. Cette information est également mise en ligne sur le site Internet de l’émetteur concerné et doit être tenue à la disposition du public pendant cinq ans.

De plus, mensuellement, l’émetteur concerné doit déclarer par voie électronique à l’AMF ses acquisitions, cessions, annulations et transferts d’actions effectués dans le cadre d’un programme de rachat [19]. Les modalités et le format de cette déclaration mensuelle sont notamment détaillés par une instruction de l’AMF et son annexe [20].

B- Le contrat de liquidité, une pratique de marché française autorisée par l’AMF (article 13 MAR).

L’article 13 de MAR prévoit que l’interdiction d’effectuer ou de tenter d’effectuer des manipulations de marché, prévue par l’article 15 de MAR, ne s’applique pas aux pratiques de marché admises sous réserve du respect de deux conditions cumulatives : (1) que l’opération réponde à des raisons légitimes ; et (2) qu’elle soit conforme à la pratique de marché instaurée par l’autorité de marché compétente. Chaque autorité compétente des Etats membres peut instaurer une pratique de marché admise en tenant compte d’un certain nombre de critères listés à l’article 13 de MAR. La pratique de marché doit notamment prévoir un niveau élevé de transparence au regard du marché, offrir des garanties élevées au regard du fonctionnement des forces du marché et de l’interaction adéquate entre l’offre et la demande, et avoir un impact positif sur la liquidité et l’efficience du marché.

Avant d’instaurer une pratique de marché admise, l’autorité compétente doit la soumettre à l’opinion de l’Autorité européenne des marchés financiers (ESMA en anglais) pour s’assurer « qu’elles ne constituent pas un abus de marché et surtout un instrument de concurrence réglementaire déguisé sous le manteau de l’utilité » [21]. Ainsi, une pratique de marché admise instaurée par une autorité compétente en application de l’article 13 de MAR est d’application exclusivement nationale [22].

La seule pratique de marché actuellement admise par l’AMF est le contrat de liquidité depuis une décision de l’AMF en 2018, réaffirmée en 2021 et, ce, à l’encontre de l’opinion négative de l’ESMA [23].

L’ESMA avait déjà rendu une opinion négative en 2018 sur la proposition de pratique de marché admise soumise par l’AMF. Parmi le risque justifiant de son opinion négative exprimée en 2021, l’ESMA estime qu’il existerait un risque de conflit d’intérêts du fait que l’émetteur finance les interventions des prestataires financiers apporteurs de liquidité et que les limites aux interventions prévues par l’AMF mettent en risque le libre jeu des forces du marché et l’interaction adéquate entre offre et demande car elles dépassent les seuils recommandés par l’ESMA dans son avis de 2017 sur les points de convergence.

Les contrats de liquidité, conclus entre un émetteur et un intermédiaire financier (entreprise d’investissement ou établissement de crédit), sont des mesures de stabilisation qui ont vocation à permettre à l’intermédiaire financier d’effectuer des achats et ventes de titres de manière indépendante par rapport à l’émetteur afin d’améliorer la liquidité et la régularité des cotations journalières des actions de l’émetteur et d’éviter des décalages de cours non justifiés par la tendance du marché [24]. Il s’agit d’une pratique largement répandue en France (plus de 440 sociétés françaises en 2021, soit près de 70% de la cote) [25].

Pour qu’un contrat de liquidité soit considéré comme une pratique de marché admise telle que définie par l’AMF, il doit remplir plusieurs critères d’acceptabilité. L’autorité impose notamment des conditions tenant à l’identité des prestataires d’investissement, des restrictions en termes de volume d’intervention en cours de journée ; de prix des ordres présentés au marché et pendant les périodes de détermination d’une enchère ; ainsi que des limites de ressources allouées par l’émetteur au contrat de liquidité [26].

S’agissant des obligations de transparence, l’AMF en dresse la liste dont les principales sont résumées ci-après [27] :

  • Avant la mise en œuvre du contrat de liquidité, l’émetteur doit informer de manière effective et intégrale le public [28] de (i) l’identité du prestataire de services d’investissement chargé de la mise en œuvre du contrat de liquidité ; (ii) la liste des titres de capital concernés ; (iii) la date à laquelle le contrat de liquidité sera mis en œuvre et les situations ou conditions conduisant à sa suspension ou à sa cessation ; (iv) la plateforme de négociation sur laquelle les transactions seront effectuées ; (v) les moyens financiers et, le cas échéant, le nombre d’actions affectées au contrat. L’émetteur doit également communiquer à l’AMF la copie du contrat de liquidité.
  • Pendant la mise en œuvre du contrat de liquidité, l’émetteur informe le public (en publiant l’information sur son site Internet) et l’AMF semestriellement (i) du bilan de la mise en œuvre du contrat de liquidité en précisant les moyens en titres et en espèces disponibles à la date du bilan et à la signature du contrat ; (ii) du nombre de transactions exécutées à l’achat d’une part et à la vente d’autre part ; (iii) du volume échangé à l’achat d’une part et à la vente d’autre part, en nombre de titres et en capitaux. L’émetteur doit également communiquer un compte-rendu mensuel des transactions réalisées à l’AMF.
  • Lorsqu’il est mis fin au contrat de liquidité, l’émetteur informe le public (en publiant l’information sur son site Internet) et l’AMF : (i) du fait que le contrat de liquidité a cessé d’être mis en œuvre ; (ii) de la manière dont le contrat de liquidité a été mis en œuvre ; et (iii) de la raison ou de la cause de la cessation du contrat de liquidité.

La contrepartie des « présomptions de légitimité », qu’elles soient « simples » ou « irréfragables », des opérations de rachat de ses propres actions par une société cotée nécessite le respect de nombreuses conditions par les émetteurs concernés dont une lourde charge en matière de publication et de diffusion d’informations. Dans une volonté d’alléger cette charge, la Commission européenne a proposé dans son projet de Listing Act quelques maigres adaptations sur ce point. Ces possibles évolutions sont également à mettre en perspective avec le récent débat politique lié aux opérations de rachat d’actions.

II- De prochaines évolutions liées aux opérations de rachat d’actions ?

A- Le « Listing Act » : une maigre simplification de la procédure de déclaration.

La proposition de règlement du Listing Act [29] prévoit notamment la révision de MAR dans le but de diminuer le poids des obligations et formalités pesant sur les émetteurs tout en garantissant un niveau approprié de protection des investisseurs et d’intégrité du marché.

Dans cette recherche d’équilibre, la proposition rappelle que pour qu’un programme de rachat bénéficie d’une dérogation aux interdictions d’opérations d’initiés et de manipulation de marché prévues par MAR, « les émetteurs sont tenus d’informer toutes les autorités compétentes des plates-formes de négociation sur lesquelles les actions ont été admises à la négociation ou sont négociées de chaque transaction relative au programme de rachat, y compris les informations spécifiées dans le règlement délégué (UE) nº 600/2014. En outre, les émetteurs sont ensuite tenus de publier ces transactions » [30]. Elle reconnait que « ces obligations sont trop lourdes » et qu’il convient de les simplifier en modifiant l’article 5 de MAR.

A cet effet, la proposition prévoit d’alléger la procédure de déclaration, « en n’imposant à l’émetteur de ne transmettre d’informations sur les transactions relatives au programme de rachat qu’à l’autorité compétente du marché le plus pertinent en termes de liquidité pour ses actions » et en autorisant l’émetteur concerné « à ne publier que des informations agrégées » au public. Ce dernier point permettrait de ne plus avoir à inclure dans l’information diffusée au public par l’émetteur concerné les détails (notamment jour/heure de la transaction, prix unitaire, devise et quantité d’actions [31]) de chacune des transactions effectuées dans le cadre du programme de rachat d’actions.

Cet allègement proposé étendrait la position actuelle de l’AMF qui considère que les émetteurs peuvent mentionner dans le communiqué diffusé de façon effective et intégrale les opérations uniquement sous une forme agrégée pour chaque jour de transaction, sous réserve que ce communiqué précise que les informations détaillées peuvent être consultées sur le site Internet de l’émetteur et indique le lien hypertexte permettant d’y accéder [32].

Outre ces quelques ajustements qui pourraient venir alléger les contraintes administratives des émetteurs, les rachats d’actions ont surtout été au centre de l’attention médiatique sur la question politique du partage de la valeur qu’ils soulèvent.

B- Les opérations de rachat d’action questionnent le partage de la valeur entre les différentes parties prenantes de l’entreprise.

Les déclarations politiques relatives à la taxation des opérations de rachat d’actions se sont multipliées à l’occasion des débats sur le projet de loi de finances (PLF) 2024 évoquant notamment la mise en place d’une contribution exceptionnelle imposée aux grands groupes réalisant des profits exceptionnels et qui procéderaient à des rachats d’actions afin que ces derniers « distribuent davantage à leurs salariés » [33].

A l’instar de la France, les volumes des opérations de rachat d’actions n’ont cessé d’augmenter [34] aux Etats-Unis. Ce pays a récemment légiféré sur le sujet : la loi IRA (Inflation Reduction Act) entrée en vigueur le 16 août 2022 met en place une taxe de 1% sur certaines opérations de rachat d’actions par les sociétés cotées en bourse ayant eu lieu après le 31 décembre 2022. Une augmentation de cette taxe de 1% à 4% a été annoncée par le président américain Joe Biden lors de son discours devant le Congrès américain en février 2023 [35].

Cependant en France, à défaut d’une taxe exceptionnelle, la loi sur le « Partage de la valeur » [36] adoptée le 29 décembre 2023 intègre un nouveau dispositif de partage de la valeur en cas d’augmentation exceptionnelle du bénéfice. Plus précisément, ce dispositif instaure pour les entreprises tenues de mettre en place un régime de participation (entreprises de plus de 50 salariés), et qui disposent d’un ou plusieurs délégués syndicaux, d’engager avant le 30 juin 2024 une négociation pour mettre en œuvre un dispositif d’intéressement ou de participation et portant également sur la définition d’une augmentation exceptionnelle de leur bénéfice et sur les modalités de partage de la valeur avec les salariés qui en découlent.

La loi précise que la définition de l’augmentation exceptionnelle du bénéfice doit prendre en compte une liste non exhaustive de critères, telle que la survenance d’une ou de plusieurs opérations de rachat d’actions de l’entreprise suivie de leur annulation dès lors que ces opérations n’ont pas été précédées d’attributions d’actions gratuites aux salariés [37]. Le texte ne distingue pas selon que la société procédant au rachat d’actions est cotée ou non cotée.

Ce partage de la valeur prenant en compte le bénéfice exceptionnel peut être mis en œuvre par (i) le versement d’un supplément de participation ou d’un supplément d’intéressement, si un dispositif d’intéressement s’applique dans l’entreprise ; ou (ii) l’ouverture d’une nouvelle négociation pour mettre en place un dispositif d’intéressement (s’il n’y en a pas dans l’entreprise).

Il est toutefois précisé que les entreprises ayant mis en place un accord de participation ou d’intéressement comprenant déjà une clause spécifique prenant en compte les bénéfices exceptionnels ou un régime de participation comportant une base de calcul conduisant à un résultat plus favorable que la formule légale de calcul de la réserve spéciale de participation des salariés [38] ne sont pas visées par cette obligation [39].

La très grande liberté laissée aux négociateurs par le texte et le fait qu’il s’agisse d’une simple obligation de moyen de rentrer en discussion pour l’entreprise concernée et non de résultat, c’est-à-dire de conclure un accord, ont déçu les défendeurs d’une taxation exceptionnelle des rachats d’actions [40].

Néanmoins, elle constituait une première étape qui pouvait permettre de favoriser l’acceptabilité d’une deuxième étape, celle d’une véritable taxe sur les rachats d’actions qui seraient considérés comme abusifs (à distinguer de ceux qui seraient utiles pour le marché). Le sujet d’une telle taxation a été remis sur la table le 5 avril 2024 par le premier ministre, Gabriel Attal, dans les colonnes du Monde [41]. Celui-ci estimait possible de taxer « les opérations type rachats d’actions menées par de grands groupes qui, plutôt que d’investir et de mieux rémunérer leurs salariés, rachètent leurs propres actions pour faire monter leur cours ».

En conclusion, les opérations de rachat d’actions font actuellement l’objet d’une forte attention aussi bien au regard des éventuelles conséquences que sa mise en œuvre peut provoquer au titre des dispositions applicables du Code du travail sur le partage de la valeur, que des éventuels allègements prévus par le Listing Act dont pourraient bénéficier les sociétés cotées au titre de leurs opérations de rachat d’actions. Le sujet reste à suivre au regard des premières applications du nouveau dispositif de partage de la valeur, des possibles évolutions du Listing Act et de l’augmentation annoncée de la taxe applicable à ce type d’opérations aux Etats-Unis.

Eole Rapone
Juliane Dessard Jacques
Avocats au Barreau de Paris
Emeriane Avocats
www.emeriane.com

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Notes de l'article:

[1Conformément aux dispositions de l’article L225-207 du Code de commerce.

[2Règlement UE 596/2014 du 16 avril 2014 et règlements délégués UE 2016/1052 du 8 mars 2016 et 2022/1959 du 13 juillet 2022.

[3Article L451-3 du Code monétaire et financier.

[4Instruction AMF 2017-03 du 2 février 2017, décision AMF 2021-01 du 22 juin 2021 sur les contrats de liquidité, position-recommandation AMF 2017-04 du 2 février 2017 (modifiée le 29 avril 2021).

[5Articles L621-14 et L621-15 du Code monétaire et financier. Pour un exemple de décision de la Commission des sanctions de l’AMF en matière de programme de rachat d’actions, voir AMF, déc., 5 juill. 2018, no 7, Stés Cibox Interactive et AI Investment ainsi que MM. X et Y.

[6Publié le 7 décembre 2022 par la Commission européenne (Listing Act Overview - European Parliament : 05/2023 | BRIE/2023/747111 EN) et se composant de trois projets de textes (deux directives et un règlement).

[7B.-O. Becker, Programmes de rachat d’actions et prévention des abus de marché : une réglementation sous influence communautaire, Lex base Hebdo, n°197 et 198, 12/19 janvier 2006.

[8Article 8 de MAR.

[9Article 12 de MAR.

[10Articles 2 à 4 du Règlement délégué UE 2016/1052 du 8 mars 2016.

[11AMF, Position - Recommandation, DOC-2017-04.

[12AMF, Position - Recommandation, DOC-2017-04.

[13Article 2 du Règlement délégué UE 2016/1052 du 8 mars 2016. L’article 241-3 du Règlement général de l’AMF permet que l’émetteur soit dispensé de cette publication du descriptif du programme de rachat d’actions si son rapport financier annuel ou son document d’enregistrement comprend l’intégralité des informations requises. Dans ce cas, l’émetteur doit alors publier un communiqué précisant les modalités de mise à disposition de ce descriptif. Ce communiqué est diffusé de façon effective et intégrale.

[14L’AMF précise cette notion en indiquant : « s’entend du dernier cours coté résultant de l’exécution d’une transaction à laquelle l’émetteur n’a pas été partie prenante », AMF, Position - Recommandation DOC-2017-04.

[15AMF, Position - Recommandation DOC-2017-04.

[16Article 19.11 de MAR : la période de 30 jours calendaires précédant l’annonce d’un rapport financier intermédiaire ou annuel que l’émetteur est tenu de rendre public.

[17Article 4 du Règlement UE 2016/1052 du 8 mars 2016 : la période comprise entre la date à laquelle l’émetteur détient une information privilégiée et la date à laquelle cette information est rendue publique.

[18L’AMF considère que les émetteurs peuvent mentionner dans le communiqué diffusé de façon effective et intégrale les opérations uniquement sous une forme agrégée pour chaque jour de transaction. Ce communiqué doit alors préciser que les informations détaillées peuvent être consultées sur le site Internet de l’émetteur concerné et indiquer le lien hypertexte permettant d’y accéder (AMF, Position - Recommandation DOC-2017-04).

[19Article L22-10-64 du Code de commerce et article 241-4 II du RGAMF.

[20Instruction AMF DOC-2017-03 : modalités de déclaration des opérations des émetteurs sur leurs propres actions et des opérations de stabilisation. Annexe 1 de l’instruction AMF DOC-2017-03 : formulaire type de déclaration des programmes de rachat.

[21P.H. Conac, M. Planck, Fellow Opinion of the ESMA of 28 May 2021 Relating to the intended Accepted Market Practice (AMP) on liquidity contracts.

[22AMF, Position - Recommandation DOC-2017-04.

[23Décision AMF n° 2018-01 du 2 juillet 2018 - Instauration des contrats de liquidité sur titres de capital au titre de pratique de marché admise. Décision AMF n°2021-01 du 22 juin 2021 - Renouvellement de l’instauration des contrats de liquidité sur titres de capital au titre de pratique de marché admise. Points for convergence in relation to MAR accepted market practices on liquidity contracts Reference ESMA70-145-76.

[24Décision AMF n°2021-01 du 22 juin 2021 - Renouvellement de l’instauration des contrats de liquidité sur titres de capital au titre de pratique de marché admise.

[25« Communiqué de Presse de l’AMF - 23 juin 2021 », ANSA, 25 juin 2021.

[26Note publique de l’AMF prise en application de l’article 13(5) du règlement (UE) n° 596/2014 du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 sur les abus de marché dans le cadre de l’instauration des contrats de liquidité en tant que pratique de marché admise par l’AMF.

[27Décision AMF n°2021-01 du 22 juin 2021 - Renouvellement de l’instauration des contrats de liquidité sur titres de capital au titre de pratique de marché admise.

[28L’émetteur est dispensé de la publication si son rapport annuel, son document d’enregistrement universel ou le prospectus de base qu’il a établi comprend l’intégralité des informations requises et est rendu public avant la mise en œuvre du contrat de liquidité.

[29Proposition de Règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant les règlements (UE) 2017/1129, (UE) nº 596/2014 et (UE) nº600/2014 afin de rendre les marchés des capitaux de l’Union plus attractifs pour les entreprises et de faciliter l’accès des petites et moyennes entreprises aux capitaux : 7/12/2022 | COM/2022/762 FR.

[30Considérant 53 de la Proposition de Règlement du Parlement européen et du Conseil modifiant les règlements (UE) 2017/1129, (UE) nº 596/2014 et (UE) nº 600/2014 afin de rendre les marchés des capitaux de l’Union plus attractifs pour les entreprises et de faciliter l’accès des petites et moyennes entreprises aux capitaux : 7/12/2022 | COM/2022/762 FR.

[31Cf. formulaire établi par L’AMF pris en application de l’article 5 du règlement (UE) n°596/2014 du 16 avril 2014 sur les abus de marché et du règlement délégué (UE) n°2016/1052 du 8 mars 2016 sur les conditions applicables aux programmes de rachat et aux mesures de stabilisation.

[32AMF, Position - Recommandation DOC-2017-04.

[33« Emmanuel Macron veut une « contribution exceptionnelle » des entreprises aux « profits exceptionnels », Les Echos, 22 mars 2023.

[34Joe Hughes, Higher Stock Buyback Tax would raise billions by tightening loophole for the wealthy, Institute on Taxation and Economic Policy (ITEP), 13 février 2023.

[35Remarks of President Joe Biden – State of the Union Address as Prepared for Delivery, 7 février 2023.

[36Loi n° 2023-1107 du 29 novembre 2023 portant transposition de l’accord national interprofessionnel relatif au partage de la valeur au sein de l’entreprise (article 8).

[37Article L3346-1, I du Code du travail.

[38Prévue à l’article L3324-1 du Code du travail.

[39Article L3346-1, II du Code du travail.

[40« Budget 2024 : la taxe promise sur les rachats d’actions a disparu du projet de loi », l’Humanité, 30 octobre 2023.

[41F. Fressoz et C. Gatinois, « Assurance-chômage : face aux critiques, Gabriel Attal assume totalement sa réforme », Le Monde, 5 avril 2024.

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