Questions/Réponses sur la révision annuelle du loyer d’un bail d’habitation.

Par Boris Lara, Juriste.

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Explorer : # révision du loyer # conditions de révision # notification au locataire # critères énergétiques

Un bailleur peut réviser annuellement le loyer aux conditions que cette faculté soit prévue contractuellement, d’en avoir informé le locataire préalablement et de respecter un critère de performance énergétique.

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Les informations qui suivent s’appliquent aux locations de logement vide ou meublé.

Sous quelle(s) condition(s) le loyer peut-il être révisé ?

En principe, le loyer fixé au moment de la signature du bail doit rester le même pendant toute la durée d’exécution du contrat. Néanmoins, la loi régissant les rapports locatifs autorise la stipulation d’une clause conventionnelle de révision annuelle du loyer.

1) La révision annuelle du loyer doit être prévue dans le bail.

La révision du loyer ne peut avoir lieu que si une clause figure dans le bail [1].

La loi prévoit que le bail doit stipuler les règles de révision éventuelle du loyer [2].

Le décret n° 2015-587 du 19/05/2015 relatif aux contrats types de location de logement à usage de résidence principale prévoit des champs spécifiques concernant les modalités de révision du loyer. Le bail doit indiquer la date de révision ainsi que la date ou le trimestre de l’indice de référence des loyers (IRL).

A défaut de clause contractuelle stipulant la date de révision, cette dernière s’applique au terme de chaque année du contrat [3].

Les parties sont libres de choisir la date ou le trimestre de l’IRL qu’elles souhaitent. A défaut de clause contractuelle fixant la date de référence, cette date est celle du dernier indice publié à la date de signature du bail.

2) Le bailleur doit informer le locataire de sa volonté de réviser le loyer.

La loi n° 2014-366 du 24/03/2014 a instauré un critère de manifestation de volonté pour éviter des révisions tardives qui entraineraient un rappel de loyer conséquent.

La révision du loyer intervient chaque année à la date convenue entre les parties ou, à défaut, au terme de chaque année du contrat. Toutefois, elle n’est pas automatique.

En effet, le bailleur doit manifester sa volonté d’appliquer la révision du loyer dans un délai d’1 an suivant la date prévue au bail. A défaut, il est réputé avoir renoncé au bénéfice de la clause pour l’année écoulée.

Lorsque le bailleur manifeste sa volonté de réviser le loyer dans le délai d’1 an, la révision prend effet à compter de sa demande.

La révision de loyer ne s’applique pas rétroactivement. Elle ne s’applique qu’à compter de la demande du bailleur.

Par exemple si la date de révision est le 01/01/2023, le bailleur peut réviser le loyer jusqu’au 31/12/2023. Si il informe le locataire de sa volonté de réviser le loyer le 01/03/2023, seuls les loyers perçus à compter de cette date peuvent être révisés.

Dans une affaire, le bail prévoyait une clause de révision « automatique » et « annuelle » du loyer intervenant à la date d’effet du bail. Les juges ont relevé que le commandement de payer, qui aurait pu suspendre le délai de prescription de l’action en révision, a été délivré plus d’1 an après la date de révision annuelle prévue au contrat, que le locataire avait continué à verser le même montant de loyer après la date de révision et que les bailleurs ne justifiaient pas avoir exigé l’indexation du loyer dans l’année suivant la date convenue entre les parties. Il a été jugé que l’automaticité de la clause d’indexation ne fait pas obstacle à l’exercice de la prescription. La créance des bailleurs était donc partiellement prescrite [4].

Aussi, il a été jugé que les dispositions de l’article 17-1 de la loi n°89-462 du 06/07/1989 sont d’ordre public. Elles mettent fin à l’automaticité de la clause d’indexation, qui existait dans l’état antérieur du droit, et à toute possibilité pour le bailleur négligent d’effectuer un éventuel rattrapage d’indexation ; de plus l’indexation ne joue plus de plein droit et ne s’applique qu’à compter de la demande en révision formulée par le bailleur [5].

Dans une autre affaire, le bail comportait une clause d’indexation prévoyant que le loyer serait révisé automatiquement et de plein droit sans que le bailleur ait à effectuer une quelconque notification ou formalité particulière, en fonction de la variation de l’indice trimestriel de référence des loyers publié par l’INSEE, chaque année, le 1er mai. Il a été jugé que la renonciation par le bailleur au bénéfice de la clause d’indexation ne porte que sur les années écoulées sans augmentation du loyer et non sur toute la durée de la location et que la prescription annuelle ne porte que sur l’action par le bailleur en recouvrement des différentiels de loyers issus de la mise en œuvre des clauses de révision [6].

Ainsi, bien que la loi ne prévoit pas de formalisme à respecter, il est recommandé au bailleur de notifier au locataire sa volonté de réviser le loyer soit par lettre recommandée avec demande d’avis de réception, soit par la signification d’un commissaire de justice ou soit par la remise en main propre contre récépissé ou émargement.

3) Le logement doit respecter un critère énergétique.

L’article 159 de la loi n° 2021-1104 du 22/08/2021 a introduit un nouveau critère à respecter afin de pouvoir procéder à la révision annuelle du loyer.

Ainsi, lorsque le diagnostic de performance énergétique (DPE) annexé au bail indique que le logement est de classe F ou G, le loyer ne peut pas être révisé annuellement [7].

  • Classe F : le logement consomme entre 330 et 420 kWh/m² d’énergie primaire chaque année et/ou émet une émission de gaz à effet de serre conséquente comprise entre 70 et 100 kg CO2 eq (dioxyde de carbone)/m².an.
  • Classe G : le logement consomme plus de 420 kWh/m² d’énergie primaire chaque année et/ou émet une émission de gaz à effet de serre très conséquente de plus de 100 kg CO2 eq (dioxyde de carbone)/m².an

Cette interdiction s’applique aux baux conclus depuis la date de promulgation de la loi, soit le 24/08/2022, et s’appliquera progressivement aux baux en cours.

Est-il possible de réviser le loyer en l’absence de bail ou de clause écrite ?

Si le bail a été convenu de manière orale ou si il ne comprend pas de clause de révision, le loyer ne peut être révisé qu’avec l’accord exprès et non équivoque du locataire.

Il a été jugé que doit être cassé et annulé un jugement qui accueille une demande d’indexation du loyer en retenant que l’indexation s’applique automatiquement pour tenir compte des augmentations de la vie quotidienne dès lors que s’agissant d’un bail verbal, il est constaté qu’il n’existe aucun accord écrit d’indexation entre les parties [8].

Dans une autre affaire, la Cour de cassation a approuvé la décision des juges du fond appliquant les dispositions de la loi régissant les rapports locatifs à une situation litigieuse où les parties avaient conclu un bail verbal. En l’espèce, les juges du fonds ont précisé que la loi n°89-462 du 06/07/1989 subordonne la révision du loyer à l’existence d’une clause dans le bail la prévoyant et qu’il ne saurait être dérogé à ces dispositions d’ordre public qui prévoient l’obligation de stipuler par écrit une clause de révision. Ainsi, en l’absence de contrat écrit, le bailleur ne pouvait pas procéder à une quelconque révision du loyer sauf accord exprès et non équivoque des locataires. Sur ce point, il a été précisé qu’un tel consentement ne peut se déduire du seul fait que les locataires aient payé sans protester le loyer augmenté pendant une période et auraient ainsi renoncé implicitement au bénéfice des dispositions légales qui encadrent la révision annuelle du loyer [9].

Quel est le délai de prescription applicable à l’action en révision du loyer ?

La loi n° 2014-366 du 24/03/2014 a réduit le délai de prescription.

L’action en révision du loyer par le bailleur est prescrite 1 an après la date convenue par les parties dans le contrat de bail pour réviser ledit loyer [10].

Le délai de prescription d’1 an applicable à l’action en révision du loyer concerne la perception des arriérés de loyer et non pas les modalités de calcul du loyer indexé [11].

La révision du loyer est-elle limitée ?

Oui. L’article 35 de la loi n° 2005-841 du 26/07/2005 a institué un indice de référence des loyers (IRL) qui a remplacé l’indice du coût de la construction (ICC) et l’article 9 de la loi n° 2008-111 du 8 Février 2008 a fixé une limite à l’augmentation annuelle du loyer.

Ainsi, la révision du loyer n’est plus calculée en fonction de la variation de la moyenne sur 4 trimestres de l’ICC et doit être calculée en fonction de l’IRL publié par l’Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE) chaque trimestre et qui correspond à la moyenne, sur les 12 derniers mois, de l’évolution des prix à la consommation hors tabac et hors loyers.

A présent, la variation résultant de la révision du loyer ne peut excéder, à la hausse, la variation de l’IRL.

Autrement dit, un bailleur peut réviser chaque année le loyer à la condition qu’une clause expresse stipulée au bail prévoit cette faculté, qu’il ait informé le locataire de sa volonté de révision, que la classe énergétique du logement ne soit pas en classe F ou G et que la révision tienne compte des indices IRL publiés par l’INSEE, lesquels plafonnent l’augmentation annuelle en tenant compte de l’évolution des prix.

Ainsi, l’évolution annuelle de l’IRL détermine l’augmentation maximale du loyer.

Les indices IRL sont publiés sur les Internet de l’INSEE, du service public ou de l’institut national de la consommation (INC).

Le taux de l’IRL peut-il être plafonné temporairement ?

Oui. Pour limiter l’impact de l’inflation, le législateur a instauré un plafonnement temporaire d’une durée d’1 an.

En France métropolitaine, la variation en glissement annuel de l’indice de référence des loyers ne peut excéder 3,5 % [12].

En Corse, la variation ne peut pas dépasser 2% et en Outre-mer (Guadeloupe, Réunion, Guyane, Martinique, Mayotte) 2,5%.

Ce taux plafond de 3,5% s’applique aux révisions faites du 3ème trimestre 2022 au 2ème trimestre 2023, soit du 01/07/2022 au 30/06/2023.

Comment calcule-t-on la révision du montant du loyer ?

Pour calculer le nouveau loyer, c’est très simple.

Il suffit de prendre le loyer en cours, de le multiplier par le nouvel IRL correspondant au trimestre de référence du contrat puis de diviser la somme obtenue par l’IRL du même trimestre de l’année précédente.

Par exemple, un bail a été signé le 1er Janvier 2020, le loyer a été fixé à 650 €. Le dernier indice connu était celui du 3ème trimestre 2019 (129,99).

Le loyer peut être révisé chaque année de la manière suivante :

  • Révision pour le 01/01/2021 : 650 € x 130,59/129,99 = 653 € (augmentation de +3 €/mois)
  • Révision pour le 01/01/2022 : 653 € x 131,67/130,59 = 658,40 € (augmentation de +5,4 €/mois)
  • Révision pour le 01/01/2023 : 653 € x 136,27/131,67 = 681,40 € (augmentation de +23 €/mois)

Quel est l’indice à prendre en compte lorsque la révision du loyer n’a pas eu lieu chaque année ?

Lorsque la révision du loyer n’a pas été réalisée de manière régulière chaque année, il y a lieu de calculer l’indexation du loyer telle qu’elle aurait dû intervenir dès l’entrée en vigueur du bail, sur la base du loyer en vigueur à cette date [13].

Boris LARA
Juriste

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Notes de l'article:

[1Article 17-1 de la loi n° 89-462 du 06/07/1989

[2Article 3 de la loi n° 89-462 du 06/07/1989

[3Cass. Civ., 3ème, 21/04/2022, n° 21-14491

[4Cass. Civ., 3ème, 17/06/2021, n° 20-16986

[5Cour d’appel de Paris du 06/04/2023, n° 21/01755

[6Cour d’appel de Versailles du 04/04/2023, n° 22/02040

[7Article 17-1 de la loi n° 89-462 du 06/07/1989

[8Cass. Civ., 3ème, 04/10/1995, n° 93-20461, Bulletin 1995 III N° 211 p. 142

[9Cass. Civ., 3ème, 05/02/2014, n° 13-10804, Bulletin 2014, III, n° 16

[10Article 7-1 de la loi n° 89-462 du 06/07/1989

[11Cass. Civ., 3ème, 12/05/2016, n° 15-16285, Bulletin d’information 2016, n° 850, III, 1271

[12Article 12 de la loi n° 2022-1158 du 16/08/2022

[13Cass. Civ., 3ème, 12/05/2016, n° 15-16285, Bulletin d’information 2016, n° 850, III, 1271

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Discussions en cours :

  • Bonjour
    Les explications sont claires concernant l’augmentation légale d’un loyer. Cependant que faire si le locataire ne réceptionne pas la lettre recommandée avec accusé de réception (qui par ailleurs avait déjà reçu l’information par email) et donc refuse l’augmentation. Quels sont les recours du bailleur ?
    Une réponse me serait utile et agréable. Merci d’avance

    • par Clément , Le 14 janvier à 19:02

      Bonjour,
      J’ai bien compris que le delai de prescription d’un an ne s’applique pas sur les modalités de calcul de l’indexation selon Cass Civ 12.05.2016.
      Mais cette jurisprudence est elle toujours applicable avec les nouvelles dispositions de la loi ALUR sur le sujet ? par ex bail conclu le 1.1.2014 index de reference 3me trimestre 2013 122.66 aucune augmentation demandée depuis la signature ; le loyer 2025 peut donc etre calculé de la sorte :
      loyer prévu au bail divisé par 122.66 multiplié par index 3 trimestre 2023.
      Les augmentations de loyer non réclamées sont perdues mais le loyer 2025 peut bénéficier de l’index prévu au bail ?

  • par Jean , Le 30 août 2024 à 15:28

    Bonjour,

    Je suis commerçant et je loue un terrain à la mairie où j’ai mis un kiosque, j’ai reçu aujourd’hui un courrier pour m’avertir de l’augmentation de l’IRL et que mon loyer allait donc augmenter.
    Il me semblait que l’IRL était juste sur le locatif maison, appartement ou local...
    A t’on le droit d’augmenter le prix d’un terrain nu à partir de l’IRL ?
    Merci

  • par Maria V5 , Le 22 avril 2024 à 15:57

    Bonjour
    Le locataire a avertit les sous-locataires d’un courriel de février 2024 du propriétaire, réclamant des arriérés de loyer pour les révisions effectuées en 2022 et 2023.
    La communication entre le propriétaire et le locataire principal manque de clarté.
    Ce dernier ne se souvient pas d’avoir reçu une notification, qu’il aurait possiblement supprimée par inadvertance.
    En tant que sous-locataire, la question que je me pose c’est de savoir si j’ai une obligation légale de régler rétroactivement ces loyers, en l’absence de notification en due forme du locataire principal.

    Merci d’avance pour votre aide

  • par Sab32 , Le 7 février 2024 à 10:08

    Bonjour,
    Nous sommes rentrés dans notre logement le 24 janvier et donc le bail est daté de ce jour. Il est mentionné sur notre bail que nous sommes dans un logement à loyer modéré et donc qu’il y a une revalorisation du loyer au 1r janvier. Quelques jours après notre entrée dans le logement, on nous réclame 35 euros de plus pour cette revalorisation. Le propriétaire est-il dans son droit ? Je trouve la démarche mensongère de nous faire un bail avec un certain montant alors que le loyer aurait déjà dû être révisé avant la rédaction du bail.
    Merci de votre retour

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