Quelle stratégie fiscale pour acheter des œuvres d'art aujourd'hui ? Par Delphine Cassan, Juriste.

Quelle stratégie fiscale pour acheter des œuvres d’art aujourd’hui ?

Par Delphine Cassan, Juriste.

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Explorer : # stratégie fiscale # achat d'œuvres d'art # entreprises # défiscalisation

Le marché de l’art contemporain oscille vers une grande démocratisation et accessibilité. Aujourd’hui, les plateformes d’achat en ligne se multiplient et proposent une offre quantitative énorme. Dans ce contexte, les collectionneurs, qu’ils soient profanes ou avertis, doivent rester prudents pour éviter les achats d’œuvres "images" en un clic. Si chacun est libre d’acheter au coup de cœur, ce ne soit pas être à n’importe quel prix.

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Comprendre la valeur d’une œuvre d’art mérite de faire partie de l’acte d’achat. Un autre élément essentiel est le mode d’acquisition des œuvres. Il existe aujourd’hui différentes solutions proposées pour acheter des œuvres d’art qui intéressent les entreprises.

L’engouement du public pour l’art se mesure à travers le nombre d’expositions proposées par les musées et centres d’art nationaux et internationaux. Les galeries d’art sont nombreuses et dynamiques et viennent compléter ce paysage. Elles offrent de nouvelles propositions artistiques et occupent le terrain de la scène artistique avec les maisons de vente qui se positionnent sur le second marché de l’art.

Il est vrai que l’art est une source d’attractivité touristique pour les communes. C’est un domaine d’activité qui offre aussi l’opportunité d’exercer de divers métiers.

Galeristes, marchands, courtiers, curateurs, commissaires-priseurs, commissaires d’expositions, restaurateurs de tableaux, gestionnaires de patrimoine et artistes se positionnent sur le marché de l’art. Avec le développement du numérique et des NFT apparaissent depuis peu de nouveaux métiers ; on parle des NFT designers, business développeurs NFT, artistes 3D, manager NFT.

A l’évidence, la vision de l’art a évolué. Le segment de l’art « découverte », qui intéresse les particuliers sous un angle essentiellement pédagogique lorsqu’ils visitent les musées, cohabite avec l’art spéculatif et patrimonial. L’art s’invite dans désormais dans les entreprises. Il peut être envisagé comme un élément de décoration de bureau ou devenir un outil de défiscalisation.

Vu sous cet angle, les questions que se posent les dirigeants d’entreprise sont nombreuses, à savoir comment choisir une œuvre d’art, quel montage d’acquisition choisir et quels sont les avantages fiscaux escomptés.

I- Comment choisir une œuvre d’art ?

Choisir une œuvre d’art n’est pas simple. Sauf à être un collectionneur averti, il est difficile d’avoir des repères vu la diversité des artistes et des médiums présentés sur la scène artiste. La côte de certains artistes contemporains proposés en galerie, de même que les prix des adjudications en maison de vente ou encore les tarifs constatés sur les foires internationales n’offrent pas forcément de cohérence et peuvent brouiller l’esprit des collectionneurs. La flambée des prix des œuvres d’art est le fruit d’une spéculation significative alimentée par un public émergeant de millionnaires intéressés.

Bien choisir une pièce nécessite donc souvent un accompagnement afin d’être éclairé sur certaines références en histoire de l’art ou sur la côte objective d’un artiste. Les achats en galerie permettront aux acheteurs de visualiser les œuvres dans un espace dédié. Toutefois, la marge du galeriste et son conseil orienté peuvent parfois laisser les clients hésitants.

Les acquisitions en maison de vente aux enchères peuvent entrainer des achats surpayés par la prise de décision trop rapide des adjudicateurs auxquels s’ajoutent des taux de commission entre 20 et 30% en plus du prix au marteau.

Dans ces situations, acheter directement aux artistes lorsque ces derniers ne travaillent pas en exclusivité pour une galerie peut être un moyen d’échanger avec eux pour comprendre leur démarche artistique et bénéficier d’un prix intéressant.

Les artistes émergents sont aisément accessibles sur les réseaux sociaux. Choisir un conseiller en œuvre d’art permet également de bénéficier d’un avis objectif sur le travail des artistes avec qui il a décidé de collaborer. Les acheteurs potentiels peuvent profiter de son réseau et accéder à des prix d’achat sans intermédiaires.

II - Quel montage pour l’achat entreprise ?

L’achat entreprise est dans l’air du temps et s’est considérablement développé ces dernières années. Il existe trois façons de vivre avec des œuvres d’art pour un chef d’entreprise.

1- La location d’œuvres d’art.

L’entreprise peut tout d’abord louer des œuvres d’art pendant une durée déterminée (entre 13 et 60 mois en général) pour agrémenter ses locaux et valoriser l’image de sa clientèle. Des galeries ou agences spécialisées de plus en plus nombreuses sur le marché et offrent cette possibilité. Ces structures louent les œuvres aux entreprises ou aux institutions publiques qui les exposent un temps déterminé avant de les restituer. Cette solution permet de cohabiter un temps avec des œuvres d’art et de les changer à convenance. Elle permet aussi de comptabiliser les loyers en charges déductibles du bénéfice imposable [1]. L’entreprise n’a pas de limite au niveau du montant déductible fiscalement.

2- L’achat d’œuvres d’art.

Une société ou une entreprise individuelle assujettie à l’impôt sur le revenu dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux peut aussi acheter des œuvres d’artistes vivants soit directement aux artistes, soit par l’intermédiaire d’une galerie ou d’un conseiller artistique. Il s’agit d’un achat direct qui implique que l’entreprise paye le prix total de l’œuvre au moment de l’achat sans avoir recours à un financement par le leasing.

Cette solution permet à l’entreprise de devenir propriétaire de l’œuvre immédiatement et ne pas avoir à payer de loyers périodiques. Les achats passent comptablement en immobilisation avec affectation du montant des déductions fiscales sur un compte de réserve spéciale, figurant au passif du bilan [2].

Le prix d’acquisition HT auquel s’ajoutent les frais éventuels (ex : transport) sont déduits du résultat imposable de la structure professionnelle. La déduction est étalée sur 5 ans à hauteur chaque année d’ 1/5e du prix de revient. La déduction globale ne doit pas dépasser 20 000 euros ou 5 pour mille du CA HT de l’entreprise.

3- Le leasing d’œuvres d’art.

Le leasing d’œuvres d’art (LOA) est une autre solution proposée aux entreprises.

Dans ce cas, ce sont des agences spécialisées qui achètent les œuvres que l’entreprise aura librement choisis sur le marché de l’art auprès artistes vivants et qui les loue à l’entreprise avec option d’achat à terme. Ces agences ou organismes de financement sont nombreux sur le marché et collaborent avec les galeries, les marchands d’art, les courtiers ou les conseillers artistiques.

La durée de location est fonction des mensualités que l’entreprise souhaite rembourser mensuellement (entre 13 et 48 mois généralement). L’organisme de financement opère en pratique une simulation précise des économies d’impôt à réaliser pour adapter le choix des mensualités aux capacités financières de l’entreprise. 

Au terme de la durée de location, l’entreprise ou directement le dirigeant personnellement selon les cas lève l’option d’achat et devient propriétaire de la valeur résiduelle des œuvres amorties égale en général à 3% environ du montant financé si l’entreprise est assujettie à la TVA ou à 1% si elle n’est pas assujettie à la TVA.

Le LOA offre de nombreux avantages :

  • les loyers passent en charge d’exploitation et non en immobilisation (de ce fait, les œuvres ne font pas partie des actifs de la société),
  • les loyers viennent réduire le bénéfice imposable et donc l’impôt sur les sociétés,
  • les œuvres d’art louées peuvent être amorties sur la durée du leasing ce qui permet de répartir leur coût sur plusieurs exercices et de réduire ainsi l’impôt à payer chaque année,
  • la société récupère la TVA sur chaque loyer,
  • le contrat tripartite qui est signé au départ offre un achat en nom propre à la levée de l’option, ce qui permet au dirigeant de récupérer personnellement les œuvres qui n’appartiennent pas à la société.
  • l’achat à la levée de l’option représente un coût dérisoire puisque l’œuvre aura été amortie.

En somme, y voir clair sur le marché de l’art dans lequel s’exprime une variété d’artistes et de propositions artistiques variées n’est pas chose aisée. Se faire accompagner pour prendre le temps de s’orienter vers un choix murement réfléchi, intégrant la compréhension de la démarche artistique, permet d’accéder à l’éducation de l’art et de ne pas céder à l’achat spontané coup de cœur à n’importe quel prix.

Bien acheter permet aussi de patrimonialiser et de pouvoir revendre au besoin en fixant une plus-value dans une optique spéculative. L’accompagnement artistique permet également de choisir la solution de financement adaptée au besoin et de mettre en place des solutions de défiscalisation dans le cadre d’achats entreprise.

Delphine Cassan
Ancien avocate
Juriste
Droit de l’art -légal tech

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[1Article 39-1-1° du CGI.

[2Art. 238 bis AB du CGI.

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