Ainsi, dès après avoir déclaré leur créance en cas d’impayés antérieurs au jugement d’ouverture de la procédure collective, les créanciers souhaitent rompre tout lien avec le client devenu débiteur qui connaît des difficultés financières, et ce, afin d’éviter de voir les impayés augmenter.
Or, souvent, tel le bailleur du débiteur, ils sont pris dans les filets de la notion de contrat en cours, notion qui permet à l’administrateur judiciaire ou, à défaut, au débiteur, d’opter pour la continuation de ce contrat ou bien de mettre un terme à ce contrat.
Tout récemment, une société créancière qui fournissait une pharmacie, placée en sauvegarde, a tenté de faire valoir que le contrat cadre d’approvisionnement n’était pas un contrat en cours.
La Cour de Cassation, dans un arrêt du 20 septembre 2017, rejette cet argument, considérant que les effets du contrat ne sont pas épuisés au jour du jugement ouvrant de la procédure collective de sauvegarde : la pharmacie à l‘obligation de se fournir auprès du fournisseur, lequel a l’obligation de la livrer en retour, le tout jusqu’à un terme déterminé au contrat cadre d’approvisionnement, terme non encore survenu le jour du jugement d’ouverture.
La Cour de Cassation affirme donc sa volonté d’apprécier de manière étendue la notion de contrat en cours et donc l’opportunité pour le débiteur, en l’espèce la pharmacie, de choisir de conserver, ou non, des partenaires économiques qui n’ont, de leur côté, d’autre choix que de se plier à la décision du débiteur.
Ce choix du débiteur est toutefois conditionné au fait qu’il est tenu de régler les factures émises après l’ouverture de la procédure collective.
S’agissant des paiements post-jugement d’ouverture de la procédure collective, l’arrêt confirme également que, faute de délais de paiement éventuellement accordés après le jugement d’ouverture, les délais accordés avant ce dernier par le créancier sont caduques, et les paiements doivent être réalisés au comptant.
A noter que cette position, rendue sous l’empire de l’ancienne législation (antérieure à la l’ordonnance du 12 mars 2014) ne concerne, désormais, que la liquidation judiciaire et le redressement judiciaire, la sauvegarde n’exigeant plus le paiement au comptant et admettant, en conséquence, que les délais négociés avant le jugement d’ouverture soient maintenus.
Cette différence de traitement se justifie par le fait que le débiteur en sauvegarde n’est pas encore en état de cessation des paiements, à l’inverse de la liquidation et du redressement qui concernent des sociétés en plus grande difficulté financière puisqu’elles n’ont plus suffisamment d’actif disponible pour faire face à leur passif exigible.
Une prime à l’entreprise diligente, qui se tourne vers le Tribunal avant que sa situation ne soit trop compromise, est donc entérinée par la loi sous l’article L 622-13 du Code de Commerce.
Ainsi, cet arrêt illustre parfaitement certains des effets extraordinaires attachés à l’ouverture d’une procédure collective :
Le maintien des contrats en cours, si le débiteur en difficulté le souhaite ;
La suppression des facilités de paiement négociées avant l’ouverture de la procédure de redressement ou de liquidation, seule la procédure de sauvegarde permettant de conserver ces facilités ;
Le point d’équilibre entre la protection des intérêts des créanciers et la survie du débiteur en difficulté demeure la question centrale de la procédure collective.