Le droit de retrait des fonctionnaires est très encadré. Il s’envisage au cas par cas et ne pas être généralisé (1). Si une contamination des locaux par des punaises de lit est très désagréable, elle ne constitue pas pour autant une situation dangereuse permettant de justifier le droit de retrait des fonctionnaires (2).
1) Le droit de retrait des fonctionnaires, un droit très strictement encadré.
Les fonctionnaires sont astreints à un strict devoir d’obéissance hiérarchique. Par la profession spécifique qu’ils ont librement choisi de rejoindre, ils doivent obéissance à l’État ou la personne publique qui les emploie.
Cependant, cette obligation est tempérée par l’existence d’un droit de retrait leur permettant de désobéir de manière exceptionnelle si la situation le justifie.
Le droit de retrait ne peut être exercé qu’en cas de situation professionnelle présentant un danger grave et imminent pour la santé physique de l’agent :
- L’agent doit alerter immédiatement sa hiérarchie de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente un danger grave et imminent pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu’il constate dans les systèmes de protection ;
- Il peut se retirer d’une telle situation ;
- Aucune sanction disciplinaire ni aucune retenue de salaire ne peut être prise à l’encontre d’un agent qui s’est retiré d’une telle situation ;
- L’autorité administrative ne peut pas demander à l’agent qui a fait usage de son droit de retrait de reprendre son activité tant que persiste ce danger grave et imminent.
En revanche, l’agent qui abuse du droit de retrait en l’exerçant dans une situation qui ne le justifie pas s’expose à des sanctions disciplinaires pouvant aller jusqu’au licenciement pour abandon de poste.
La question est donc la suivante : une contamination de locaux publics par des punaises de lit constitue-t-elle une situation de danger grave et imminent justifiant le droit de retrait des fonctionnaires ?
2) La contamination de locaux publics par des punaises de lit, une situation regrettable, mais pas un danger grave et imminent justifiant le droit de retrait des fonctionnaires.
L’exercice du droit de retrait des fonctionnaires reste une situation très exceptionnelle.
Même si l’appréciation du danger est toujours subjective, seule une situation de vrai danger grave et imminent pour la santé physique de l’agent peut justifier sa mise en œuvre. Le juge administratif exerce son contrôle sur l’existence d’un motif raisonnable qui permettrait à l’agent de penser qu’un tel danger est caractérisé pour sa santé physique.
Or le juge administratif, qui exerce un contrôle normal en la matière, ne reconnaît que rarement l’existence d’un vrai danger autorisant le droit de retrait des fonctionnaires. Sans doute pour ne pas ouvrir la porte à un exercice abusif de ce droit dans la fonction publique et ne pas porter atteinte à la continuité du service public.
Le juge administratif exige ainsi une situation de danger grave pour justifier le droit de retrait, comme la présence d’amiante dans les locaux avec un vrai risque cancérigène (TA Marseille, 24 mai 2011, Hierlé, n° 0805542), un risque d’agression d’un agent par ses collègues ou des usagers (CAA Marseille, 10 février 2009, n° 06MA01703) ou une situation de harcèlement moral (CE, 16 décembre 2009, n°320840).
L’examen de la jurisprudence permet de conclure qu’une contamination de locaux publics par des punaises de lit, bien que très regrettable, ne constitue pas pour autant une situation de danger grave et imminent justifiant le droit de retrait des fonctionnaires :
- Le Conseil d’État a rejeté le droit de retrait de fonctionnaires qui faisaient valoir un risque sanitaire lié à la présence de chauves-souris dans un établissement scolaire (CE, 18 juin 2014, n°369531) ;
- La présence, dans un établissement hospitalier, de malades porteurs des virus HIV et hépatite B ne constitue pas un danger grave et imminent caractérisé permettant l’exercice du droit de retrait d’un agent (TA Versailles, 2 juin 1994, Hadjab, Lebon 1193) ;
- Dans le cadre de l’épidémie de covid-19, le droit de retrait des fonctionnaires n’a pas été validé en jurisprudence.
Les fonctionnaires ne peuvent donc pas exercer leur droit de retrait sur le seul fondement de la présence de punaises de lit dans les locaux, car cette situation ne sera pas jugée suffisamment dangereuse par le juge pour justifier l’exercice de ce droit.
Prudence en la matière, car si les conditions du droit de retrait ne sont pas réunies, l’agent peut faire l’objet d’une retenue pour absence de service fait ou de sanctions disciplinaires.
Ce qui ne signifie pas pour autant que l’administration ne doive rien faire : l’employeur public est garant de la santé et sécurité de ses agents et doit donc tout mettre en œuvre pour la décontamination de locaux infectés, sauf à risquer de voir sa responsabilité engagée.