De la problématique sur la nationalité en RDC : cas de la binationalité en matière sportive. Par Grâce Mamana, Etudiant.

De la problématique sur la nationalité en RDC : cas de la binationalité en matière sportive.

Par Grâce Mamana, Etudiant.

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La nationalité en République démocratique du Congo (RDC) est régie par le principe d'unicité et d'exclusivité, mais il y a une incompréhension croissante dans le domaine sportif où la binationalité est considérée comme acceptable. Cet article en examine les subtilités.
Description rédigée par l'IA du Village

Fin mai 2016, une photo des footballeurs congolais a suscité un tollé sur la toile, car on pouvait voir clairement sur le cliché que les internationaux congolais Jeremy Bokila et Cédrick Bakambu brandissaient fièrement leurs passeports belge et français, alors qu’ils étaient en train d’honorer leur convocation au sein de la sélection nationale congolaise [1]. Sans surprise, cette photo a immédiatement relancé le sempiternel débat sur la double nationalité. Bien que cette photo ait pu choquer la sensibilité de certaines âmes nationalistes, il importe de préciser que cette question de la binationalité ne s’analyse pas de la même manière dans tous les champs d’activité humaine.

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La nationalité constitue un attribut essentiel de la personne physique sur le plan juridique, car elle permet de définir la citoyenneté d’un individu relativement à un Etat. Cette notion civile est régie différemment par la législation de chaque Etat. Et ce, au regard des critères d’acquisition, d’attribution voire de jouissance de la nationalité.

Quant à la République Démocratique Congo, cette question de la nationalité est régie essentiellement par le principe d’unité et d’exclusivité. Mais ce fameux principe connait de plus en plus de subtilités, notamment dans le domaine du sport où la binationalité est considérée comme une situation décente.

Notre contribution mettra en lumière les subtilités de cette question de binationalité en matière sportive en RDC.

I. De la binationalité dans la sphère sportive.

En matière sportive, il sied de distinguer la nationalité civile de celle sportive.

Cette distinction essentiellement prétorienne a été notamment approuvée par une décision de 1993 au sujet du basketteur Belgo-américain Radoslav Nesterović par le Tribunal Arbitral du sport qui affirmait que la nationalité civile et sportive sont « deux ordres juridiques différents, l’un de droit public, l’autre de droit privé, qui ne se recoupent pas et n’entrent pas en conflit » [2]. Puis, la plupart de règlements des fédérations sportives établissent généralement cette divergence entre la nationalité civile et nationalité sportive.

En somme, dans la sphère sportive, il existe concrètement deux types de nationalité, à savoir la nationalité civile et celle sportive, ces dernières étant régies par des règles différentes relativement à chaque État et à chaque fédération sportive.

II. De la nationalité civile.

En droit congolais, la nationalité congolaise est régie par la Constitution ainsi que par la loi n° 04/024 du 12 novembre 2004 relative à la nationalité congolaise. Ces lois déterminent les conditions d’acquisition de la nationalité congolaise par naissance, par mariage, par naturalisation ainsi que les procédures de perte et de déchéance de ladite nationalité [3].

Au regard de l’article 10 de la Constitution congolaise, il ressort que la nationalité congolaise est régie fondamentalement par le principe d’unicité et d’exclusivité [4]. D’où, cette disposition légale fait absolument abstraction de la notion de la double nationalité car on ne peut pas détenir la nationalité congolaise simultanément avec une autre nationalité.

Il est impérieux de préciser que le champ d’application toutes ces lois susmentionnées ne porte que sur l’identité civile d’un individu envers l’État congolais.

Ce qui revient à dire qu’en dehors du champ civil, les dispositions légales sur la nationalité congolaise sont réputées incompétentes. Dans le cas échéant, nous pouvons notamment évoquer le domaine du sport.

En matière de nationalité civile ou étatique, le droit congolais ne tolère nullement la double nationalité. Mais, cette unicité et exclusivité de la nationalité congolaise ne se limitent qu’à l’identité civile des citoyens congolais.

III. De la nationalité sportive.

Il sied de préciser préalablement qu’en parlant de nationalité sportive, nous allons plus nous focaliser sur le football, car c’est la discipline sportive qui regorge plus des binationaux en RDC.

En effet, le football s’organise officiellement à deux dimensions à savoir au niveau des compétitions et des championnats des Clubs ainsi qu’au niveau des compétitions des Nations [5]. La première ne pose pas du tout des problèmes, car les joueurs œuvrent dans leurs clubs professionnels sur base d’un contrat de travail. Mais, la seconde pose quelques problèmes, car la notion de la nationalité entre en ligne de compte avant qu’un joueur preste pour son équipe nationale d’où, l’éclosion de la notion de la nationalité sportive. C’est ce dernier aspect qui va particulièrement nous intéresser.

A cet effet, le tribunal arbitral de sport a défini la nationalité sportive comme l’élément qui détermine : « les règles de qualification des joueurs en vue de leur participation à des compétitions nationales » [6]. Ainsi, à travers la mondialisation, la nationalité d’un sportif lors des compétitions internationales ne dépend plus forcément de sa nationalité civile sinon étatique. Ce qui revient à dire qu’un footballeur peut jouer pour une équipe nationale donnée tout en ayant dans son passeport une nationalité étrangère. C’est ce qui constitue même la plus grande subtilité de la nationalité sportive.

Cette fameuse nationalité sportive dépend d’un ordre juridique que la doctrine qualifie de la Lex Sportiva, cet ordre dans lequel chaque fédération sportive élabore ses propres règles afférentes à la nationalité sportive [7].

De manière générale, la nationalité sportive obéit aux principes de l’unicité et de libre choix [8]. Et ce, dans la mesure où un sportif ne peut que servir sportivement une seule et unique nation et le changement de nationalité sportive lui est interdit sauf dans certains cas exceptionnels. En outre, le sportif plurinational possède la liberté de choisir la nation pour laquelle il souhaite jouer lors des compétitions internationales.

Quant au football, la Fédération internationale de football association, en sigle FIFA, a prévu dans l’article 5 de son règlement les conditions d’octroi et de changement de nationalité sportive [9]. Ainsi, les conditions d’octroi de la nationalité sportive sont les suivantes :
- Il faut que le joueur soit né sur le territoire de l’équipe nationale concernée.
- Il faut qu’au moins l’un des parents du joueur soit né sur le territoire de l’équipe nationale concernée.
- Il faut que le joueur puisse avoir des liens de parenté proche avec des citoyens du pays de ladite association sportive nationale concernée.
- Enfin, il faut que le joueur ait vécu au moins 5 ans après ses 18 ans sur le territoire de l’équipe nationale concernée.

Par contre, pour changer exceptionnellement la nationalité sportive, les conditions sont les suivantes :
- Avoir moins de 21 ans lors du dernier match disputé avec la précédente équipe nationale.
- Ne pas avoir disputé plus de 3 matchs avec l’équipe A de la précédente équipe nationale.
- Il faut que 3 ans se soient écoulés depuis le dernier match disputé avec la précédente équipe nationale.
- Ne pas avoir disputé de match de phase finale avec la précédente équipe nationale.

Mais, tous ces critères susmentionnés peuvent varier exceptionnellement selon les règles ou la politique des fédérations de football de chaque pays.

Par ailleurs, il sied de préciser que la nationalité sportive est indépendante de toutes les règles du droit commun à tous égards [10]. Ipso facto, aucune instance ou institution étatique ne reconnait cette nationalité sportive, sauf les fédérations sportives de la discipline concernée tant au niveau national qu’international.

En dehors de la nationalité civile, il existe la nationalité sportive qui accorde à tout sportif le droit de représenter au niveau international la nation de son choix. Et ce, dans les conditions exigées par le règlement de la fédération sportive de la discipline concernée. Cette notion de nationalité sportive confirme l’existence d’un nouvel ordre juridique spécial ? à savoir la Lex Sportiva.

IV. Conclusion.

La binationalité en matière sportive est une notion qui met aux prises deux nationalités à savoir la nationalité civile ou étatique et celle sportive. Ces deux nationalités sont deux ordres juridiques distincts et sont régies par des règles différentes. Quant à la RDC, cette situation est encore perçue sous le prisme du négatif par plus d’un, car on y voit substantiellement un manque du vrai sens du patriotisme dans le chef de ces binationaux ou on la considère comme une politique défavorisant la visibilité des athlètes locaux. Même si tous ces ressentis semblent être tant soit peu fondés, mais il sied de reconnaitre qu’il n’y a rien d’illégal dans cette politique.

D’ailleurs, face aux problèmes qui se posent dans le secteur sportif congolais tant au niveau des infrastructures qu’au niveau organisationnel de différentes fédérations sportives, cette politique de binationalité est à la fois stratégique et salutaire.

De nos jours, dans le sport, la nationalité civile n’est plus un facteur incontournable, comme le soulignait même François Giroud en parlant des footballeurs : « Les footballeurs n’ont plus de nationalité. Ils n’ont que des clubs qui ont plus ou moins l’argent pour les acheter ».

Grâce Mamana, étudiant en Droit et en Agrégation à l’Université Catholique du Congo

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Notes de l'article:

[1O. Liffran, RDC : les Léopards ne sont pas tenus d’avoir la nationalité congolaise (publié le 28 Mai 2018), Jeune Afrique.com

[2C. Aussant, La nationalité sportive (publié le 5 Juin 2021), UseYouLaw.com

[3La loi n° 04/024 du 12 novembre 2004 relative à la nationalité congolaise.

[4Article 10 de la Constitution de République Démocratique du Congo du 18 février 2006, telle que modifiée par la loi n°11/002 du 20 janvier 2011.

[5Article 3 du règlement de la FIFA.

[6C. Sarbach, la nationalité sportive (publié le 27 Juillet 2023), Jurisportiva.fr

[7C. Aussant, La nationalité sportive (publié le 5 Juin 2021), UseYouLaw.com

[8C. Délie, La nationalité du sportif : ce qu’il faut connaitre (publié le 17 Novembre 2021), beaubourg-avocats.fr

[9Article 5 du règlement de la FIFA.

[10H. Andrès, Les enjeux sportifs, juridiques et politiques de la binationalité dans le sport (Octobre 2015), Books.openedition.org

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