Entre civisme fiscal et complexité : le quitus fiscal à l'épreuve des entrepreneurs en République Démocratique du Congo. Par Reagan Kanyuka Kantole, Avocat.

Entre civisme fiscal et complexité : le quitus fiscal à l’épreuve des entrepreneurs en République Démocratique du Congo.

Par Reagan Kanyuka Kantole, Avocat.

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Le quitus fiscal en RDC est crucial pour le développement économique, mais souvent perçu comme une contrainte. Des mesures comme la simplification des démarches et un dialogue entre le gouvernement et les entreprises sont nécessaires pour le rendre accessible, notamment pour les PME, tout en favorisant la conformité fiscale.
Description rédigée par l'IA du Village

Le quitus fiscal en République Démocratique du Congo (RDC) est un document administratif essentiel, délivré par le Receveur des impôts compétent, attestant que le requérant est en règle concernant la déclaration et le paiement de ses impôts à la date de délivrance.
Comparable à l’attestation de régularité fiscale en France [1],ce document joue un rôle crucial dans la gestion des obligations fiscales des entreprises congolaises.
Dans le contexte congolais, le quitus fiscal revêt une signification particulière, symbolisant non seulement l’exigence de conformité fiscale, mais également l’expression de la souveraineté fiscale de l’État. Cependant, il apparaît aujourd’hui comme un véritable casse-tête pour les entrepreneurs, qui doivent naviguer dans un environnement administratif complexe et souvent opaque. Ce paradoxe met en lumière la nécessité d’établir un équilibre entre les impératifs de l’État et la souplesse des règles qui favorisent le développement des acteurs économiques.

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Dès lors, plusieurs questions émergent. Comment améliorer la perception des entrepreneurs vis-à-vis du quitus fiscal pour en faire un outil de développement plutôt qu’une contrainte ? Quelles mesures peuvent être mises en place pour faciliter l’accès à ce document, en particulier pour les petites et moyennes entreprises ? Enfin, quelles initiatives peuvent favoriser un dialogue constructif entre la Direction Générale des Impôts (DGI) et le secteur privé ? Ces interrogations sont au cœur des enjeux économiques actuels en RDC et méritent une attention particulière pour favoriser un climat d’affaires propice à la prospérité des entrepreneurs congolais.

1. Fondement du quitus fiscal.

A. Fondement juridique du quitus fiscal.

Le fondement juridique du quitus fiscal en RDC repose principalement sur l’article 82 bis de la loi n° 004/2003 du 13 mars 2003, relative à la réforme des procédures fiscales, ainsi que sur l’arrêté ministériel n° 028 du 28 septembre 2022, qui fixe les modalités pratiques de délivrance de ce document. Cette innovation dans le droit fiscal congolais a été introduite par la loi de finances n° 21/029 du 31 décembre 2021, dans son article 27. Celui-ci disposait que la conclusion de marchés publics, l’obtention de certains documents administratifs et le bénéfice de services, dont la liste sera précisée par le ministre des Finances, sont conditionnés à la présentation d’un quitus fiscal, attestant de la régularité fiscale du requérant.

L’arrêté ministériel susmentionné précise les modalités de délivrance du quitus fiscal et énumère les opérations pour lesquelles ce document est requis. Ce cadre législatif vise à garantir que les acteurs économiques respectent leurs obligations fiscales, renforçant ainsi la transparence et l’intégrité des transactions économiques.

Avec l’adoption de la loi de finances pour l’exercice 2025, le champ d’application de ce document a été élargi. Désormais, il est exigé avant le paiement de toute créance entre entreprises et professionnels, avant l’octroi de crédits par des institutions financières, avant l’ouverture de comptes bancaires pour des non-résidents, ainsi que pour la souscription de licences professionnelles [2].

B. Fondement sociologique du quitus fiscal.

Le quitus fiscal, bien qu’il puisse être perçu par certains comme une mesure administrative sans grande importance. Il revêt en réalité un impact significatif tant sur la vie économique que sur le contexte fiscal en RDC. Sa mise en œuvre s’inscrit dans une démarche plus large de promotion de la conformité fiscale et du civisme fiscal [3], deux éléments essentiels pour le bon fonctionnement de l’économie nationale. En effet, ces notions ne se limitent pas à la simple obligation de payer des impôts, mais englobent une attitude responsable des contribuables vis-à-vis de leurs responsabilités fiscales.

La conformité fiscale, en tant que concept sociologique, renvoie à l’adhésion des citoyens et des entreprises aux règles fiscales en vigueur. Elle est influencée par divers facteurs, notamment la perception de l’équité du système fiscal, la confiance envers les institutions publiques et la transparence dans l’utilisation des fonds collectés. Le quitus fiscal joue un rôle clé en renforçant cette conformité, car il impose une vérification systématique des obligations fiscales avant d’accorder des droits ou des services. Cela incite les contribuables à respecter leurs engagements fiscaux, sachant que leur régularité sera exigée pour accéder à des bénéfices économiques, tels que des marchés publics ou des crédits bancaires.

Par ailleurs, le civisme fiscal, qui se définit comme l’engagement des citoyens à s’acquitter de leurs impôts en tant que contribution au bien-être collectif, est également renforcé par l’existence du quitus fiscal [4]. En sollicitant ce document, les acteurs économiques prennent conscience de leur rôle dans le financement des services publics et des infrastructures nécessaires au développement du pays. Cette prise de conscience peut encourager une culture de responsabilité et de solidarité, où chaque contribuable se voit non seulement comme un individu, mais également comme un acteur du développement national. Ainsi, le quitus fiscal ne se limite pas à une contrainte administrative, mais devient un levier pour promouvoir une société plus juste et plus équitable, où chacun contribue à l’édifice commun.

2. Difficultés de mise en application du quitus fiscal.

Bien que l’intention derrière l’obligation de présenter un quitus fiscal est noble, sa mise en pratique s’est révélée problématique, comme l’indique l’éminent confrère professeur Yav Joseph [5]. En effet depuis l’élargissement des opérations soumises à cette exigence, des complications avaient émergé dans le fonctionnement de nombreuses transactions [6]. En janvier 2025, une séance de travail s’était tenue au siège de la Fédération Congolaise des Entreprises, visant à examiner les difficultés d’application de la mesure relative au quitus fiscal, conformément aux dispositions de l’article 44 de la Loi de Finances de l’exercice 2025. Cette réunion avait mis en lumière les obstacles rencontrés dans le cadre de certaines opérations commerciales, notamment le paiement des créances, la souscription de licences auprès des banques et l’obtention de crédits.

Au cours de cette séance, les opérateurs économiques de divers secteurs avaient souligné que, depuis le début de l’année 2025, de nombreuses opérations n’avaient pu être réalisées en raison de l’exigence de présentation du quitus fiscal [7]. Cela avait particulièrement affecté le paiement des créances commerciales et fiscales à travers le système bancaire. En conséquence, les entreprises s’étaient retrouvées exposées à des contentieux commerciaux pour non-respect de leurs engagements, et certaines avaient même risqué des pénalités pour paiement tardif des impôts et des droits. Ces difficultés avaient également conduit à des retards dans le paiement des salaires, perturbant ainsi le climat social au sein des entreprises.

Dans un contexte congolais où la complexité fiscale bénéficie d’un champ d’honneur et où l’incivisme fiscal est un principe pour la grande majorité des habitants de la RDC, plusieurs recommandations avaient été formulées pour encadrer cette mesure, notamment celle de la Fédération des Entreprises du Congo qui avait ainsi adressé, par sa lettre DJSF/DJ/CAM/BL/F. 0075/2024 du 24 janvier 2025, une demande de réunion d’urgence au Directeur Général de la Direction Générale des Impôts (DGI). L’objectif avait été d’harmoniser les points de vue et de solliciter un moratoire en attendant que des modalités concertées soient définies pour la mise en œuvre de cette réforme. Cette initiative avait témoigné de la nécessité d’une collaboration entre les autorités fiscales et les acteurs économiques pour trouver des solutions viables.

En réponse à ces préoccupations, la DGI avait publié le communiqué officiel n° 01/006/DGI/DG/DESCOM/TMN/CK/2025, précisant l’orientation à suivre concernant l’application de cette mesure. Il avait été stipulé que, même si la loi de finances susmentionnée venait à être publiée au Journal Officiel, sa mise en œuvre resterait subordonnée à la prise, par le ministre des Finances, d’un arrêté déterminant les modalités d’application. Par conséquent, la DGI avait invité tous les assujettis à profiter de cette période pour régulariser leur situation fiscale en s’acquittant de leurs impôts, en attendant la signature de l’arrêté nécessaire.

3. Perspectives pour une bonne mise en œuvre.

Pour assurer la réussite de la mesure du quitus fiscal au Congo, plusieurs perspectives et mécanismes peuvent être mis en place. En effet, il est impératif de mettre en œuvre une communication efficace et ciblée. Car actuellement, le quitus fiscal est mal perçu par les opérateurs économiques, qui y voient souvent une contrainte supplémentaire dans un environnement déjà difficile. Une mauvaise compréhension de cette mesure peut engendrer des inquiétudes et des résistances. Des campagnes d’information transparentes, accompagnées de la distribution de guides accessibles et de sessions d’information, sont essentielles pour éclairer les entreprises sur l’importance et les bénéfices du quitus fiscal, ainsi que sur les modalités d’obtention.

Le communiqué du directeur général de la DGI du 29 janvier 2025, évoqué ci-dessus, annonçant un moratoire sur l’application de la mesure, offre aux entreprises une opportunité de se conformer sans risque de pénalités immédiates. Parallèlement, il est crucial d’établir un cadre de vérification rigoureux pour éviter les abus lors de l’obtention du quitus fiscal. Cela inclut des audits réguliers et des mécanismes de rétroaction pour identifier et corriger les éventuelles dérives. Un contrôle efficace non seulement protège le système fiscal, mais renforce également la crédibilité de la mesure auprès des opérateurs économiques, en garantissant que le quitus fiscal soit perçu comme un outil de conformité plutôt que comme un obstacle.

Enfin, il est important de faciliter les procédures administratives liées à l’obtention du quitus fiscal. Dans un monde en plein essor du numérique, la digitalisation des processus et la création d’un portail en ligne dédié rendront la procédure plus accessible, notamment pour les petites et moyennes entreprises (PME). Un délai raisonnable pour l’obtention du quitus fiscal permettra également aux entreprises de planifier et de se conformer sans précipitation. Un dialogue continu entre la DGI et les organisations professionnelles est indispensable pour recueillir des retours constructifs et ajuster les mesures en fonction des besoins des entreprises. En renforçant les capacités des agents fiscaux car le consentement de l’impôt ne se joue plus seulement au Parlement mais aussi pour beaucoup au niveau de la pratique administrative [8] et en établissant des indicateurs de performance, la RDC peut s’assurer que la mise en œuvre du quitus fiscal se déroule de manière fluide, tout en préservant un climat des affaires favorable et en maximisant la collecte des revenus fiscaux.

4. Conclusion.

En somme, le quitus fiscal représente un enjeu crucial pour le développement économique en République Démocratique du Congo, mais il fait face à des perceptions souvent négatives de la part des entrepreneurs. Pour remédier à cette situation, une communication claire et proactive est essentielle. Informer les acteurs économiques sur les avantages et les modalités d’obtention du quitus fiscal contribuera à dissiper les craintes et à établir une relation de confiance.

Le moratoire récemment annoncé par la DGI constitue une opportunité pour les entreprises de s’adapter à cette nouvelle exigence sans la pression de pénalités immédiates. Parallèlement, il est fondamental d’implémenter des mécanismes de contrôle rigoureux pour prévenir les abus, garantissant ainsi que le quitus fiscal soit perçu comme un outil de conformité, et non comme un fardeau.

La simplification des démarches administratives, couplée à la numérisation des processus, facilitera l’accès au quitus fiscal, surtout pour les petites et moyennes entreprises. Enfin, un dialogue continu entre la Direction Générale des Impôts et les acteurs du secteur est indispensable pour ajuster les politiques en fonction des retours du terrain. En adoptant ces stratégies, la RDC peut non seulement améliorer sa collecte fiscale, mais également favoriser un climat d’affaires dynamique et inclusif, propice à la prospérité des entrepreneurs congolais.

Reagan Kanyuka Kantole, Avocat au barreau près la Cour d’appel de Kinshasa / Matete
Spécialisé en droit des affaires
Consultant en droit fiscal, droit minier et droit du numérique

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Notes de l'article:

[1L’attestation de régularité fiscale dématérialisée peut être obtenue directement par les entreprises soumises à l’IS depuis leur compte fiscal professionnel, accessible depuis l’espace professionnel sur le site www.impots.gouv.fr.

[2L’article 82 bis de la Loi n° 004/2003 du 13 mars 2003 portant réforme des procédures fiscales tel que modifié et complété par l’article 44 de la Loi de Finances exercice 2025.

[3Direction Générale des Impôts « Présentation de nouvelles mesures fiscales contenues dans la loi de finances n° 21/029 du 31 décembre 2021 pour l’exercice 2022 », Communication de la Direction Générale des Impôts à la matinée organisée par la FEC, Kinshasa, 2022,p.15.

[4Idem.

[5Yav Katshung J. « Exigence de présentation du Quitus Fiscal et son opérationnalisation en RDC : un croc en jambe de plus ? » In https://www.legavox.fr/blog/yav-associates/exigence-presentation-quitus-fiscal-operationnalisation-36923.htm, consulté le 25 mars 2025.

[6La Fédération des Entreprises du Congo, « Séance de travail sur la problématique de l’application de la mesure relative au quitus fiscal » in https://fec-rdc.com/seance-de-travail-sur-la-problematique-de-lapplication-de-la-mesure-relative-au-quitus-fiscal/ consulté le 28 mars 2025.

[7Idem.

[8Michel Bouvier « Introduction au droit fiscal général et à la théorie de l’impôt » 10ème édition, Paris, L.G.D.J, 2010,p.180

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