Prime d’impatriation dans le football : un milieu de terrain n’est pas un défenseur !

Par Alexandre Benslima, Avocat.

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Explorer : # prime d'impatriation # football # fiscalité # comparaison des salaires

Afin de renforcer l’attractivité de la France pour des cadres étrangers de haut niveau, la loi du 4 juillet 2008 de modernisation de l’économie a instauré un nouveau régime spécial d’imposition pour les salariés et les dirigeants qui leur sont fiscalement assimilés, qui ont été appelés de l’étranger à occuper un emploi dans une entreprise établie en France, ou qui ont été directement recrutés à l’étranger par une entreprise établie en France. Sous réserve du respect de certaines conditions tenant à une non-résidence antérieure et à une installation effective en France, ce régime d’imposition permet, notamment, à ces «  impatriés  », quels que soient leur profession et leur secteur d’activité, de bénéficier d’une exonération partielle d’impôt sur le revenu pendant une durée limitée.

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Ce dispositif fiscal de faveur s’est ainsi progressivement développé dans le milieu du sport puisqu’il peut être intéressant pour les clubs de football désireux d’attirer en France les talents issus des championnats étrangers.

Afin d’éviter que les clubs (et les entreprises de façon générale) ne réduisent la part du salaire normal imposable au profit d’une prime d’impatriation exonérée d’impôt, le dispositif prévoit que le montant du salaire imposable du joueur, après déduction de la prime d’impatriation, ne doit pas être inférieur audit salaire imposable qui serait versé pour des fonctions analogues en France (au sein de l’entreprise ou d’une entreprise tierce). On comprend légitimement l’idée du législateur qui a souhaité éviter que les clubs ne profitent d’un effet d’aubaine afin de maquiller du salaire imposable en prime d’impatriation exonérée d’impôt.

Néanmoins, en pratique, et c’est encore plus vrai dans le milieu du football, il demeure compliqué d’apprécier ce qu’on entend par l‘exercice de « fonctions analogues », critère pourtant essentiel afin de prévenir tout abus dans l’utilisation du dispositif. En cette période de mercato, revenons sur cette notion qui a été éclairée par un arrêt de la Cour d’Appel de Paris en date du 16 mars 2021 ayant rendu une véritable grille de lecture sur cette notion.

1. Les fonctions analogues ne tiennent pas compte de la notoriété du joueur…

Cet arrêt concernait la remise en cause de la prime d’impatriation octroyée à un célèbre joueur du PSG, ancien international français, lors des années 2008 à 2011 en raison de la contestation par l’administration de son niveau de rémunération, qu’elle jugeait trop faible en comparaison avec des joueurs ayant un palmarès, une notoriété, et une expérience similaire. Selon l’administration, la prime d’impatriation perçue devenait ainsi trop importante par rapport au montant normal de sa rémunération imposable.

Ces trois critères ont toutefois été balayés d’un revers de main par le juge et le rapporteur public dans cette affaire : ils les jugent en effet subjectifs et rattachés à la qualité de l’individu en lui-même. Ils doivent ainsi être rejetés au profit d’un critère plus objectif et rattaché aux fonctions elles-mêmes exercées, puisque c’est bien ce terme qui est visé au sein du texte.

Il peut en effet paraitre incohérent, d’un point de vue fiscal, de prendre en compte ces critères subjectifs puisqu’à titre d’exemple, un grand international expérimenté qui reviendrait dans son club formateur pour y terminer sa carrière pourrait être amené à percevoir un salaire moins important qu’un jeune joueur prometteur, avec pas ou peu de palmarès et également moins connu sur le plan international.

2. ...mais sont appréciées en fonction du poste occupé sur le terrain.

Mais alors, quel critère objectif faudrait-il retenir afin de comparer le niveau de rémunération du joueur en question ?

Dans l’affaire en cause, le joueur a souhaité faire valoir un critère qu’il jugeait objectif car lié aux fonctions en elle-même : celui de son poste sur le terrain (milieu au cas particulier). Ledit critère a été validé par la Cour d’appel de Paris ayant suivi l’analyse de son rapporteur public.

Tout d’abord, il conviendrait donc de catégoriser le poste auquel joue le joueur selon les quatre catégories connues du grand public : gardien de but, défenseur, milieu de terrain ou attaquant.

Le rapporteur public indique ainsi « qu’au vu des qualités physiques et techniques attendues des joueurs, et de leur rôle au sein d’un collectif, il est raisonnable de considérer qu’un attaquant, un défenseur et un milieu de terrain n’exercent pas des fonctions analogues ». A noter que la question s’est posée d’effectuer des sous-distinctions de poste (milieu défensif, milieu offensif) au sein même de ces grandes catégories mais cette méthode n’a pas été retenue notament en raison du faible nombre de comparables à certains postes, qui pourraient conduire in fine à comparer le salaire d’un titulaire avec celui de son remplaçant.

Au cas particulier, une problématique supplémentaire se présentait puisque le joueur avait débuté sa carrière en qualité de latéral droit (catégorie défenseur) mais occupait principalement des fonctions de milieu de terrain lors de son passage au PSG.

Dans cette situation, le PSG avait fourni une attestation avec la rémunération imposable de sept de ses autres joueurs (trois défenseurs, quatre milieux de terrain).
La rémunération du joueur dont l’affaire faisait l’objet du litige était supérieure :
- A la moyenne de la rémunération de ces joueurs ; mais également
- A l’ensemble des rémunérations de chacun de ces joueurs prises individuellement, qu’ils soient milieu de terrain ou défenseur.

Petit bémol toutefois : la quasi-totalité des rémunérations des milieux de terrain figurant dans ladite comparaison ont été versées sur des années antérieures à celles faisant l’objet du redressement. Seule une seule de ces rémunérations, contemporaines avec l’année du redressement en cause, a finalement pu être retenue à titre de comparaison individuelle.

Il apparait ainsi possible de prendre, au choix, la moyenne des rémunérations des joueurs figurant au poste du joueur faisant l’objet du redressement, ou d’effectuer une comparaison individuelle avec un joueur évoluant au même poste (mais se pose alors selon nous la question savoir quel joueur choisir, et si, in fine ce choix ne relèverait pas d’un critère subjectif, pourtant rejeté par la Cour d’Appel).

Autre point de nuance, d’après les conclusions du rapporteur, l’administration fiscale avait semble t’il tenté d’invoquer 14 autres rémunérations similaires déclarées par des clubs de taille jugée équivalente à celle du PSG. Cet argument semble plutôt avoir été rejeté pour une problématique de preuve car l’administration n’avait pas apporté ni les noms des joueurs retenus, ni leur poste…

Dans un souci d’objectivité, il nous paraitrait toutefois plus rassurant pour les clubs, et surtout pour les joueurs, de privilégier une comparaison du salaire en rapport avec les rémunérations versées au sein de l’entreprise elle-même plutôt que dans celles de clubs concurrents. En effet, il conviendrait alors, avant même de procéder à la comparaison des postes et des rémunérations, de juger si les clubs peuvent être considérés comme « concurrents » ou non, et ce, toujours au regard de critères objectifs.

On peut se poser la question en pratique, de savoir s’il existe à l’heure actuelle pour le PSG, au sein du championnat, un club pouvant être qualifié de concurrent d’un point de vue fiscal. D’un point de vue sportif, nous laissons libre choix au lecteur de se forger sa propre opinion pour la saison à venir et selon des critères, qui seront, à n’en pas douter, remplis d’objectivité...

Alexandre Benslima
Avocat fiscaliste - Associé chez Luma Avocats

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