La primauté du droit international sur le droit interne sous la tutelle de l’article 27 de la Convention de Vienne de 1969.

Par Xavier Muhunga Kafand, Doctorant.

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Explorer : # primauté du droit international # obligations internationales # souveraineté nationale # contrôle de conventionalité

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En droit international, les États ne peuvent utiliser leurs lois internes pour échapper à leurs obligations découlant des traités. Ce principe, établi par l'article 27 de la Convention de Vienne, souligne la primauté du droit international, garantissant ainsi le respect des engagements internationaux par les États.
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L’article 27 de la Convention de Vienne de 1969, qui reconnaît sans ambiguïté la primauté du droit international sur le droit interne, empêche les États de se réfugier derrière leurs lois nationales pour s’extirper de leurs engagements internationaux. Ce principe, solidifié par les juridictions internationales, garantit l’intégrité des traités, source principale du droit international moderne. L’approche mise en avant consacre une hiérarchie claire des normes pour garantir la stabilité des engagements internationaux et prévenir les conflits entre les normes internationales et nationales. Fort de ces éléments, la réflexion notera in fine les insuffisances de certains systèmes juridiques dans l’intégration de ce principe, condition essentielle à la sécurité juridique des relations internationales.

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En droit international public, un État ne peut invoquer les dispositions de son droit interne pour justifier la non-exécution de ses obligations issues d’un traité auquel il est partie. En d’autres termes, les engagements internationaux priment sur les normes internes, garantissant ainsi l’exécution de bonne foi des traités par les États. Ce principe est posé à l’article 27 de la Convention de Vienne du 23 mai 1969 sur le droit des traités.

Pour garantir une intégration cohérente des obligations internationales dans les systèmes juridiques nationaux, il est essentiel de comprendre la conjonction entre le droit interne et les engagements internationaux. Cette analyse met en lumière les défis que rencontrent les États lorsqu’ils tentent de concilier la primauté du droit international avec leur souveraineté nationale.

1. L’articulation entre le droit interne et les obligations internationales dans les ordres juridiques étatiques.

Le principe de l’article 27 est renforcé par l’article 46 de la même convention, qui stipule que le consentement d’un État à être lié par un traité ne peut être contesté au motif que celui-ci aurait été exprimé en violation des règles de droit interne relatives à la compétence de conclure des traités. En effet, les États sont perçus comme des sujets de droit international pleinement informés et conscients, dotés de moyens institutionnels sophistiqués pour évaluer les implications de leur adhésion à un traité. Dès lors, une erreur d’appréciation ou une violation des procédures internes, ne saurait être invoquée pour invalider leur consentement.

Le droit de l’Union européenne, en tant que forme spécialisée du droit international, a également adopté et amplifié cette primauté du droit international sur le droit interne. Une illustration emblématique de ce principe est l’arrêt Costa c. ENEL rendu par la Cour de justice des Communautés européennes (CJCE) en 1964. Dans cette affaire, un juge italien a été saisi d’une question préjudicielle concernant la compatibilité d’une loi nationale avec le traité de Rome de 1957, instituant la Communauté économique européenne. La CJCE a établi que le droit communautaire primait sur les législations nationales, même lorsque celles-ci étaient postérieures à l’entrée en vigueur des traités. Cette jurisprudence a posé les jalons d’une hiérarchie claire : les normes européennes priment sur les règles internes, consolidant ainsi l’efficacité du système juridique communautaire et garantissant son effectivité.

De manière similaire, l’arrêt Tanja Kreil rendu en 2000 par la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a élargi ce principe en introduisant une dimension nouvelle dans le contrôle de conventionalité.

Il a été établi que la responsabilité internationale d’un État pouvait être engagée si les autorités publiques appliquaient une norme nationale, en violation des obligations communautaires. Dans cette affaire, la cour a tranché en faveur de la directive européenne sur l’égalité des sexes, qui était en contradiction avec une règle de droit interne allemand interdisant aux femmes de manipuler des armes dans l’armée.

La CIJ a confirmé ce principe fondamental de primauté du droit international. Par exemple, dans l’affaire LaGrand (Allemagne c. États-Unis), jugée par la Cour internationale de Justice (CIJ) en 2001, les États-Unis ont été condamnés pour avoir violé les droits des ressortissants allemands détenus, en contravention des dispositions de la Convention de Vienne de 1963 sur les relations consulaires. Les États-Unis avaient avancé des justifications liées à leur droit interne, notamment en matière de procédure pénale. La CIJ a rejeté ces arguments, rappelant que les obligations internationales priment sur les lois internes des États et doivent être respectées en toutes circonstances. Cette jurisprudence souligne l’importance du respect strict des engagements internationaux, indépendamment des législations internes.

Comment alors concilier la primauté du droit international, consacrée par l’article 27 de la Convention de Vienne de 1969, avec la souveraineté des États lorsque les normes nationales, y compris constitutionnelles, entrent en conflit direct avec les obligations internationales ?

2. Vers une solution préventive aux conflits normatifs : la nécessité d’un contrôle de conventionalité comme trait d’union entre primauté du droit international et souveraineté nationale.

La conciliation entre la primauté du droit international et la souveraineté des États, lorsqu’ils sont confrontés à des normes nationales en conflit avec leurs obligations internationales, repose sur un équilibre délicat. L’article 27 de la Convention de Vienne de 1969 établit clairement que les États ne peuvent invoquer leurs lois internes pour échapper à leurs engagements internationaux. Cependant, cette règle théorique se heurte à la réalité complexe des systèmes juridiques nationaux, où les normes constitutionnelles peuvent parfois entrer en contradiction directe avec les obligations internationales. Pour résoudre ce conflit, plusieurs stratégies peuvent être envisagées. D’une part, les systèmes juridiques nationaux peuvent intégrer des mécanismes de contrôle de conventionalité, comme le montre l’exemple allemand avec l’arrêt Tanja Kreil, où le juge a placé le droit communautaire au-dessus des normes constitutionnelles nationales. Cet arrêt a renforcé l’idée que même les dispositions de rang constitutionnel ne pouvaient faire obstacle à l’application des normes internationales ou communautaires. Le contrôle de conventionalité qui en découle est un procédé qui permet aux juridictions nationales de s’assurer que les normes internes d’un État sont conformes à ses obligations internationales. D’autre part, des réformes législatives et constitutionnelles peuvent être nécessaires pour aligner les lois nationales avec les engagements internationaux. Cette approche permet de maintenir la cohérence juridique et de respecter les obligations internationales, tout en préservant la souveraineté des États par une adaptation progressive et structurée de leurs systèmes juridiques internes.

Dans un arrêt emblématique appliqué à l’affaire Avena et autres ressortissants mexicains (Mexique c. États-Unis, 2004), la Cour internationale de justice (CIJ) a jugé inopérante l’invocation des règles constitutionnelles. Dans cetre affaire, le Mexique avait porté plainte contre les États-Unis, affirmant que plusieurs de ses ressortissants condamnés à mort n’avaient pas été informés de leur droit de consulter les autorités consulaires de leur pays, en violation de la Convention de Vienne sur les relations consulaires. Les États-Unis ont tenté de justifier leur non-respect de cette convention en invoquant des limitations de leur système judiciaire interne, y compris des règles constitutionnelles liées aux procédures d’appel et à l’application du droit pénal.

Cependant, la CIJ a rejeté cette argumentation et a rappelé que les obligations internationales découlant de la Convention de Vienne priment sur les contraintes constitutionnelles et judiciaires internes. La Cour a souligné que les États ne peuvent pas invoquer des règles constitutionnelles ou des dispositions de droit interne pour se soustraire à leurs engagements internationaux, confirmant ainsi la primauté du droit international sur le droit constitutionnel dans le cadre de cette affaire.

L’objectif est de garantir que les normes internationales ne soient pas seulement une déclaration d’intention, mais une réalité opérationnelle dans les systèmes juridiques nationaux, assurant ainsi la stabilité et la prévisibilité des relations internationales.

Cependant, dans les systèmes juridiques subsahariens, les insuffisances du droit interne freinent souvent l’exécution efficace des obligations internationales.

Alors que des systèmes juridiques, comme ceux de l’Allemagne et de l’Union européenne, ont su ériger un mécanisme de contrôle de conventionalité permettant d’harmoniser les normes internes avec les obligations internationales, les systèmes étatiques subsahariens n’ont pas encore pleinement intégré ce dispositif de contrôle de conventionalité comme un procédé à part entière. L’absence de mécanismes clairs pour le contrôle de conformité contribue également à des tensions entre les normes nationales et internationales et rend difficile l’harmonisation des exigences internationales avec les législations locales en cas de conflits entre les normes nationales et internationales. Cette situation alimente des difficultés d’application du droit en cas de conflits entre les normes nationales et internationales. Une réforme s’impose donc afin de parfaire ce cadre et d’assurer la pleine adhésion des systèmes juridiques subsahariens aux principes du droit international, en renforçant notamment le contrôle de la conformité des lois nationales aux engagements internationaux. Cela permettrait de prévenir les conflits juridiques potentiels et de garantir que l’État respecte ses obligations internationales en toutes circonstances.

Tout compte fait, l’article 27 de la Convention de Vienne de 1969 est porteur d’un principe fondamental du droit international moderne : l’inviolabilité des obligations internationales face aux lois nationales. Ce principe, consolidé par une riche jurisprudence internationale, est essentiel pour assurer la stabilité et la prévisibilité des relations internationales.

Xavier Muhunga Kafand
Doctorant et chercheur en Droit public, Aix-Marseille Université, Groupe d’Etudes et de Recherche sur la Justice Constitutionnelle (GERJC) ; Membre du corps scientifique à la Faculté de Droit de l’Université de Kikwit.

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