Depuis le décret n°2009-1384 du 11 novembre 2009 de spécialisation des juridictions en matière de concurrence, l’article D. 442-3 du Code de commerce prévoit une compétence exclusive de la Cour d’appel de Paris pour toutes les actions introduites en appel sur le fondement de l’article L. 442-6 du Code de commerce.
L’arrêt rendu le 4 novembre 2014 par la Chambre commerciale de la Cour de cassation met en lumière ce principe de compétence sous un angle inédit qui est celui de la procédure.
En l’espèce, une société française avait reproché à plusieurs sociétés allemandes et suédoises une rupture brutale des relations commerciales sur le fondement de l’article L. 442-6, I, 5° du Code de commerce et les avait fait assigner devant le Tribunal de commerce de Lyon. Les relations commerciales comportant des éléments d’extranéité patents, les défenderesses avaient alors contesté la compétence de la juridiction lyonnaise au profit des juridictions allemandes et, subsidiairement, suédoises. Le Tribunal de commerce de Lyon avait finalement déclaré son incompétence au profit des Tribunaux de Göteborg en Suède, renvoyant les parties à mieux se pourvoir. C’est dans ce contexte que la société française a formé un contredit de compétence devant la Cour d’appel de Lyon.
En droit de la procédure civile, le contredit constitue l’unique voie de droit permettant au justiciable de contester la décision d’un juge qui s’est prononcé sur la compétence sans statuer sur le fond du litige (article 80 à 90 CPC).
Or, la Cour d’appel de Lyon, dans sa décision du 28 février 2013, avait considéré que le contredit de la société française était irrecevable. Selon elle, seule la Cour d’appel de Paris avait compétence pour se prononcer en raison du primat de compétence dont elle bénéficie au regard de l’article D. 442-3 du Code de commerce. La société française a alors formé un pourvoi en cassation.
La Cour de cassation devant donc se positionner sur le fait de savoir si la compétence exclusive de la Cour d’appel de Paris pour tout appel interjeté à l’encontre de décisions prises sur le fondement de l’article L. 442-6 du Code de commerce devait s’entendre restrictivement ou bien de façon plus large, en intégrant, également, l’exception de contredit.
Dans l’arrêt commenté, la Cour de cassation va dans le sens d’une appréciation large de la compétence de la Cour d’appel de Paris recourant, tacitement, à l’adage « Ubi lex non distinguit » (« Là où la loi ne distingue pas, nous ne devons distinguer »). Elle approuve ainsi l’analyse de la Cour d’appel de Lyon :
« Mais attendu qu’ayant retenu que les articles L. 442-6, III, alinéa 5, et D. 442-3 du code de commerce renvoient à la connaissance de la cour d’appel de Paris l’ensemble des décisions rendues par les juridictions commerciales compétentes en première instance, sans distinguer selon la nature de la décision, la cour d’appel en a exactement déduit que seule la cour d’appel de Paris est investie du pouvoir de statuer sur les contredits formés contre les décisions rendues dans les litiges relatifs à l’application de l’article L. 442-6 du code de commerce ; que le moyen n’est pas fondé ».
L’interprétation de l’article D. 442-3 du Code de commerce est donc résolument ample. On doit en conclure que la compétence de la Cour d’appel de Paris est exclusive et ce, à tous les niveaux !