I. Sur la nécessité de présenter un recours dans les délais.
Les décisions administratives peuvent être contestées devant les tribunaux administratifs.
En vertu des dispositions de l’article R421-1 du Code de justice administrative, pour être recevable, le recours introduit à l’encontre d’une décision administrative doit avoir été formé dans un délai de deux mois à la suite de la notification de l’acte contesté :
« La juridiction ne peut être saisie que par voie de recours formé contre une décision, et ce, dans les deux mois à partir de la notification ou de la publication de la décision attaquée.
Lorsque la requête tend au paiement d’une somme d’argent, elle n’est recevable qu’après l’intervention de la décision prise par l’administration sur une demande préalablement formée devant elle.
Les mesures prises pour l’exécution d’un contrat ne constituent pas des décisions au sens du présent article ».
Si un administré peut directement saisir le Tribunal administratif compétent pour contester une décision administrative, il lui est possible de réaliser un recours administratif préalable avant la saisine de la Juridiction.
Ce recours administratif prendra soit la forme d’un recours gracieux – auprès de l’autorité ayant pris la décision litigieuse - soit la forme d’un recours hiérarchique – auprès du supérieur hiérarchique de l’autorité ayant pris la décision litigieuse.
La jurisprudence administrative précise de longue date qu’un recours administratif ne proroge le délai de recours contentieux que s’il a lui-même été formé avant l’expiration de ce délai de recours [1].
Tant pour le recours contentieux que pour le recours administratif, se pose donc la question de savoir quelle date prendre en compte pour déterminer si le recours a été réalisé dans le délai de recours fixé par les textes : la date d’envoi du recours ou la date de réception du recours ?
Jusqu’à il y a peu, la date à prendre en compte était celle de la réception du recours par la Juridiction [2] ou l’Administration en cas de recours administratif non obligatoire.
Il revenait au requérant de prouver, à peine d’irrecevabilité, qu’il avait effectué un recours administratif réceptionné par l’Administration avant l’expiration du délai recours [3].
Ce n’était que dans quelques cas précis, tels que les recours administratifs préalables obligatoires, que la date d’envoi du recours administratif était prise en compte, et non pas celle de réception.
II. Sur le revirement de jurisprudence opéré : la date d’expédition sera désormais à prendre en compte.
Mais par une décision largement commentée, la plus haute juridiction de l’ordre administratif a opéré un revirement de jurisprudence important.
En effet, par une décision en date du 13 mai 2024, le Conseil d’État prend désormais en compte la date d’envoi de la requête devant la Juridiction pour juger de sa recevabilité [4] :
« 2. Sauf dispositions législatives ou réglementaires contraires, telles les dispositions relatives à la contestation des élections politiques ou celles prévoyant des délais exprimés en heures ou expirant à un horaire qu’elles précisent, la date à prendre en considération pour apprécier si un recours contentieux adressé à une juridiction administrative par voie postale a été formé dans le délai de recours contentieux est celle de l’expédition du recours, le cachet de la poste faisant foi ».
Désormais, il suffit pour les justiciables de s’assurer que leur recours contentieux a été envoyé, et non plus reçu, dans le délai de recours pour être recevable.
Le Conseil d’État a donc généralisé, par cette décision, la règle dite du « cachet de la poste faisant foi » qui était restreinte jusqu’à présent à quelques exceptions.
La décision n° 466541 du 13 mai 2024 ne se prononçait toutefois pas explicitement sur la question de savoir si cette règle du « cachet de la poste faisant foi » s’appliquait également ou non aux recours administratifs devant l’Administration et non pas seulement aux recours contentieux.
Les conclusions présentées par le Rapporteur public sur cette décision, prononcées avec une volonté affirmée de simplification et de généralisation de la règle du « cachet de la poste faisant foi » pouvaient le laisser penser [5].
Le débat semble désormais tranché puisque la Cour Administrative d’Appel de Versailles est venue très récemment préciser que [6] :
« 8. D’autre part, le délai de l’article R. 421-1 du Code de justice administrative est un délai franc. S’il expire un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, il est prorogé jusqu’au premier jour ouvrable suivant. Et sauf dispositions législatives ou réglementaires contraires, telles les dispositions relatives à la contestation des élections politiques ou celles prévoyant des délais exprimés en heures ou expirant à un horaire qu’elles précisent, la date à prendre en considération pour apprécier si un recours contentieux adressé à une juridiction administrative par voie postale a été formé dans le délai de recours contentieux est celle de l’expédition du recours, le cachet de la poste faisant foi. Ces principes sont également applicables aux recours administratifs non obligatoires ».
Ainsi, les juges d’appel ont explicitement affirmé que la date d’expédition était celle à prendre en considération pour juger de la présentation d’un recours dans les délais, qu’il s’agisse d’un recours contentieux ou d’un recours administratif.
Il ne reste plus qu’au Conseil d’État d’affirmer également cette position. Il ne fait guère de doute que ce sera le cas.