I - Les principes juridiques de la rémunération du courtier-IOBSP en crédit.
Le courtier fait partie des catégories juridiques d’intermédiaires en opérations de banque et en services de paiement (IOB ou IOBSP) [1] Il est caractérisé par la passation d’un contrat de mandat [2] avec son client, donc son mandant, consommateur [3] ou professionnel [4].
Le courtier-IOBSP notamment en crédit, est soumis à des règles juridiques d’accès et d’exercice de la profession d’intermédiaire bancaire [5]. Il est immatriculé administrativement dans un registre national unique des intermédiaires, tenu par l’Orias, consultable aisément et publiquement [6] Parmi ces règles qualifiées de « bonne conduite » [7] figurent des principes stricts relatifs à la rémunération de l’intermédiaire bancaire.
En substance, s’agissant de sa rémunération, l’IOBSP doit [8] :
- définir des modalités et un niveau de rémunération sans influence sur la qualité de sa prestation de service [9],
- informer clairement tout client de sa rémunération, de ses sources, de ses montants et de ses modalités, préalablement à la réalisation des travaux d’intermédiation bancaire [10],
- convenir, lorsque les prêteurs rémunèrent les intermédiaires, au titre des frais de distribution supportés pour leur compte, des modalités de cette rémunération visant au respect de leur obligation d’agir au mieux des droits et des intérêts des emprunteurs [11].
Le paiement de la rémunération du mandat de conseil de courtage en crédit, par le client, est soumis à une condition particulière, qui possède seulement la nature juridique d’une condition d’exigibilité :
« Il est interdit à toute personne physique ou morale qui apporte son concours, à quelque titre que ce soit et de quelque manière que ce soit, directement ou indirectement, à l’obtention ou à l’octroi d’un prêt d’argent, de percevoir une somme représentative de provision, de commissions, de frais de recherche, de démarches, de constitution de dossier ou d’entremise quelconque, avant le versement effectif des fonds prêtés » [12].
Ce principe, dérogatoire du droit commun de la rémunération, vise supposément à protéger les consommateurs. Il se montre notablement incompatible avec une disposition du Code de la consommation, visant le même objet :
« Aucun versement, de quelque nature que ce soit, ne peut être exigé d’un particulier, avant l’obtention d’un ou plusieurs prêts d’argent » [13].
La règle du différé de rémunération n’est pas applicable au contrat de conseil indépendant, lequel ne comporte pas d’intermédiation, notamment en crédit immobilier [14]. La norme du Code monétaire s’est imposée d’autant plus aisément que sa sanction, connue, est dissuasive : six mois d’emprisonnement et/ou 7.500 euros d’amende [15].
Pourtant, quelques rares clients de courtiers-IOBSP en crédit croient judicieux de tenter de résister au paiement de prestations de courtage en crédit dont ils ont, sans nul doute, bénéficiés. La jurisprudence des tribunaux civils s’oppose à de telles manœuvres [16].
Dès lors que les fonds d’un crédit sont mis à disposition d’un emprunteur, à la suite des travaux d’un courtier, la rémunération convenue contractuellement est due. Les courtiers en crédit adaptent, en permanence, leurs contrats avec les clients. Les clauses de rémunération et leur validation sont particulièrement soignées. Des clauses d’exclusivité, assorties de sanctions peuvent, en complément, renforcer l’efficacité des clauses de rémunération. Par principe, les sommes promises par le mandant au mandataire sont dues [17].
II - L’exécution du contrat de mandat de recherche de prêt ouvre le droit à rémunération du courtier-IOBSP en crédit, sans option pour son mandant.
Publié en juin 2024, un jugement du tribunal judiciaire de Meaux (Tribunal judiciaire de Meaux, le 26 juin 2024 n°24/01763) illustre efficacement l’échec de la tentative déloyale du client de ne pas acquitter la rémunération contractuellement due au courtier-IOBSP. Le contrat de mandat date du 20 juillet 2021, et la demande judiciaire n’a manifestement soulevé aucune question procédurale, ni de prescription (assignation : du 14 novembre 2023, offre de prêt du 7 septembre 2021 et date de mise à disposition des fonds du crédit : non précisée) [18], ni de résolution alternative du litige, s’agissant d’une demande d’un montant inférieur à 5.000 euros [19].
Le client formule judiciairement plusieurs reproches au courtier en crédit :
1/ la clause de rémunération serait abusive : la fourchette de rémunération (0,8% à 1,8% du capital emprunté) est fixée unilatéralement par le courtier ;
2/ la rémunération finale (4.310 euros) serait déterminée sans respect des paramètres contractuels précédents ;
3/ le mandat aurait été mal exécuté : les clients prétendent, évidemment (...) avoir obtenu le prêt par eux-mêmes, « argument » classique si caractéristique de la mauvaise foi, en pareille situation.
Le Tribunal judiciaire de Meaux rejette avec clarté chacun de ces griefs :
1/ les règles contractuelles déterminant la fourchette des frais de courtage sont clairement exposées : en consentant au contrat, les clients ont consenti à ces règles ;
2/ la « confirmation de mandat » (ce document, non impératif en droit des contrats, est ici produit le même jour que le contrat de mandat) précise le montant exact de la rémunération : elle n’a fait l’objet d’aucune observation des clients.
Pour le tribunal : « Ainsi, la clause des "frais de courtage" stipulé (sic) dans le contrat de financement du 20 juillet 2021, en ce qu’elle prévoit une validation par les défendeurs des frais de courtage par un acte séparé fixant définitivement leur montant, n’a pas un caractère abusif et ne crée pas un déséquilibre significatif entre les parties ».
3/ les travaux réalisés par le courtier et dont il apporte les preuves montrent, heureusement, que celui-ci a effectivement agi comme « […] un intermédiaire entre les clients et la banque CIC qui a émis l’offre de prêt ». Et : « Les différents échanges entre les parties par courrier électronique laissent également apparaître que le courtier a assuré une mission de conseil auprès des clients pour les différentes formalités à accomplir dans l’obtention du prêt ». La délivrance du conseil en crédit [20] joue ici comme une protection de sa rémunération, pour l’IOBSP.
De plus, les clients ne démontrent pas que leur intervention aurait été déterminante pour l’obtention du prêt [21]. Pour le tribunal : « Si les clients affirment que c’est grâce à leur unique intervention qu’ils ont pu obtenir l’offre de prêt auprès de la banque CIC, ils n’apportent aucun élément objectif permettant de démontrer que leur intervention a été déterminante pour l’obtention du prêt, alors qu’il apparaît que le courtier a également été en lien avec l’organisme prêteur ». Point crucial.
Le tribunal judiciaire condamne les clients à payer la rémunération due au courtier, avec une partie des frais de Justice (700 euros). L’IOBSP n’obtient pas de dédommagement au titre de la résistance abusive des clients au paiement, alors même que leur mauvaise foi est pourtant étincelante. Ce jugement est insusceptible d’appel (dans le délai d’un mois, à compter de sa signification), en raison du montant de demande initiale inférieur au taux de ressort de 5.000 euros (4.310 euros de demande initiale, accordée). Il est donc définitif, le pourvoi en cassation étant hasardeux.
La règle dérogatoire du différé de rémunération de l’intermédiaire bancaire [22] prendrait sa motivation dans la protection des emprunteurs. Or, jamais les escroqueries au crédit n’ont été aussi abondantes et diversifiées - la puissance publique limitant son action à publier des listes d’escrocs -.
Ces « arnaques » passent, essentiellement, par le paiement de sommes sans obtention de crédit. Cette dérogation au principe général de paiement à la livraison de la prestation est donc un éclatant échec. Elle est principalement utilisée par une pincée d’emprunteurs de mauvaise foi, qui croient pouvoir la détourner pour spolier des courtiers-IOBSP ayant réalisé des travaux de recherche de prêt. Les articles L519-6 du Code monétaire et financier et L322-1 du Code de la consommation devraient disparaître : la rémunération de l’intermédiaire bancaire doit pouvoir être sollicitée à tout moment de l’exécution des prestations, conformément au contrat passé et en cohérence avec le principe posé par l’article L519-6-1 du Code monétaire et financier. Cette rémunération doit pouvoir être puisée librement dans les fonds du crédit.
En attendant, les emprunteurs, tout comme les banques malveillantes qui seraient tentées de leur suggérer cette pratique, savent donc à quoi s’en tenir : la rémunération contractuellement due au courtier en crédit doit lui être payée par l’emprunteur. Le principe d’exigibilité du paiement du courtier en crédit après la mise à disposition des fonds du crédit n’est pas une option donnée au client pour ne pas rémunérer le courtier.
Quel client, consommateur ou professionnel, peut décemment soutenir qu’un professionnel du courtage en crédit ayant réalisé des travaux, couronnés par l’obtention incontestable d’un prêt, doit légitimement être privé de la rémunération contractuellement convenue ? Le crédit est chose sérieuse, la qualité du service possède un prix et le bénévolat n’est pas son meilleur soutien.