La plateforme crypto FTX en faillite : quelles sont les procédures juridiques ?

Par Jocelyn Ziegler, Avocat.

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Explorer : # faillite # procédures juridiques # créanciers # class action

FTX, considérée comme la deuxième plus grande plateforme d’échanges de cryptomonnaies, a conquis des millions d’utilisateurs à travers le monde, leur promettant un rendement rapide et élevé.
Mais le 11 novembre dernier, ne parvenant plus à répondre aux demandes de retraits de ses clients, la plateforme est placée sous le régime des faillites aux Etats-Unis. De nombreux utilisateurs ont toujours leurs fonds bloqués, dont plusieurs Français qui ont perdu des milliers d’euros suite à la faillite du géant des cryptomonnaies [1]. Alors que certains n’ont placé qu’un infime partie de leur épargne, d’autres ont placé toutes leurs économies.
Comment les investisseurs français peuvent-ils engager la responsabilité de la plateforme crypto FTX ?

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La faillite de la société semble hautement complexe. En effet, il va être difficile de déterminer qui est impliqué, quelles sont les responsabilités de chacun et localiser, au niveau du groupe FTX, les responsables. En outre, la société avait de nombreuses filiales et entités à travers le monde, y compris en Europe, mais aucune en France, ce qui peut compliquer les éventuels recours. Enfin, la faillite implique directement plus d’un million de créanciers.

Actuellement, trois démarches semblent envisageables.

1. Une action pénale.

Dans un premier cas, une procédure pénale est possible par le dépôt d’une plainte devant une autorité judiciaire compétente en France, notamment pour escroquerie et abus de confiance.
Quinze ans après l’affaire Madoff et le démantèlement de sa gigantesque pyramide de Ponzi, le fondateur de FTX, Sam Bankman-Fried, est soupçonné d’une fraude similaire. L’objet de la fraude concernerait la gestion opaque de ses deux sociétés : FTX, la plateforme d’échange de cryptomonnaies, et Alameda Research, une société d’investissement. Un article de Coindesk met en évidence que la fortune et le bilan d’Alameda Research repose en majorité sur le FTT (token de de la plateforme FTX).
Si les accusations d’escroquerie et d’abus de confiance se révèlent vraies, les investisseurs lésés pourront intenter une action pénale contre la société FTX.

2. Une déclaration de créance.

Une déclaration de créance est envisageable, mais la procédure collective étant soumise au droit américain, il faudrait rapidement se pencher sur la question des délais et démarches à suivre. En effet, la société FTX a déposé une demande de faillite en vertu chapitre 11 du Code américain des faillites. Selon le chapitre 11, la faillite permet aux entreprises de restructurer leurs dettes et de rembourser leurs créanciers. Dans cette affaire, les créanciers sont les utilisateurs de la bourse et les investisseurs de FTX. Le montant que peuvent percevoir les créanciers à la suite de la faillite de FTX dépendra de l’argent qu’il reste à la société et de la manière dont le tribunal choisira de le répartir entre les créanciers.
En pratique, les créanciers lésés devront déposer un « bankruptcy claim » avec l’aide d’un conseil local auprès du tribunal américain compétent. Pour prouver la réalité de leurs créances, ils devront communiquer toutes les preuves dont ils disposent (proof of claim) : l’historique de leurs comptes, des captures d’écran…

3. Class action.

Les investisseurs lésés peuvent adhérer à une « class action » (ou action de groupe) aux Etats-Unis ou en France.
Mais qu’est-ce qu’une class action ? Il s’agit d’un recours collectif déposé par un individu ou un groupe d’individus au nom d’un grand nombre de personnes ayant subi un préjudice similaire ou un dommage financier. Les class actions concernent souvent la fraude à la consommation, la publicité mensongère ou les produits défectueux.

Aux Etats-Unis, Sam Bankman-Fried, fait face à une class action qui allègue que la bourse de cryptomonnaies, aujourd’hui en faillite, n’était rien de plus qu’un stratagème frauduleux conçu pour profiter d’investisseurs non avertis . FTX ne serait qu’une sorte de système de Ponzi dans lequel la bourse transférait les fonds des investisseurs entres des entités affiliées opaques, en utilisant de l’argent frais pour payer des intérêts sur d’anciens comptes à rendement, dans une tentative de maintenir l’apparence de liquidité. Toutefois, il se peut que cela prenne un certain temps, étant donné que les class action doivent d’abord franchir les étapes de la procédure judiciaire.

Dernièrement, plus de 1 700 utilisateurs français se sont rassemblés pour former un groupe d’entraide afin d’obtenir un remboursement de la part de FTX. En France, l’action de groupe est réglementée par l’article L 623-1 du Code de la consommation. Seuls les préjudices matériels sont réparables, et non le préjudice moral.

Il existe deux types de procédures.

1. Une procédure ordinaire qui comporte trois phases.

a) La phase judiciaire assurée par le tribunal judiciaire : l’association de consommateurs introduits l’action de groupe devant la juridiction compétente pour le compte de l’ensemble du groupe de consommateurs qui sont dans une situation identique ou similaire à l’égard du professionnel. Si le juge reconnaît la responsabilité du professionnel, il va fixer les contours du groupe de consommateurs, les conditions pour pouvoir entrer dans ce groupe (critères dits de rattachement) ainsi que le montant de la réparation. Enfin, le juge ordonnance ordonne des mesures de publicité.

b) La phase d’exécution des mesures de publicité : les personnes lésées devront se manifester pour adhérer à la procédure de manière expresse et par cette adhésion, elles deviennent partie à la procédure. Toutefois, aucune action de groupe n’est allée jusqu’à la deuxième phase.

c) La liquidation des préjudices : les consommateurs ayant adhérés au groupe devront être indemnisés par le professionnel. Une procédure simplifiée, qui s’applique à chaque fois que l’identité et le nombre de personnes lésées peuvent être connus et qu’elles ont tous un préjudice du même montant. Dans cette affaire, cette procédure simplifiée n’est pas applicable étant donné que les investisseurs ont subi des préjudices différents, en fonction des sommes investies.

2. Une procédure simplifiée.

Cette procédure s’applique à chaque fois que l’identité et le nombre de personnes lésées peuvent être connus et qu’elles ont tous un préjudice du même montant. Dans cette affaire, cette procédure simplifiée n’est pas applicable étant donné que les investisseurs ont subi des préjudices différents, en fonction des sommes investies.

Conclusion.

Il paraît peu probable que la société FTX parvienne à rembourser l’intégralité de ses créanciers. Pour avoir une chance de récupérer ne serait-ce qu’une partie des sommes investies, il est recommandé d’entamer au moins une des trois démarches. Toutefois, au regard de la complexité de la faillite de FTX, les délais de remboursement risquent d’être plus longs que prévus.

Jocelyn Ziegler, Avocat Associé,
Barreau de Paris
https://www.ziegler-associes.com/

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Notes de l'article:

[1La plateforme était très populaire en France, notamment pour le trading.

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Discussion en cours :

  • Bonjour,

    J’étais client français de la société américaine en faillite "Celsius Network" (plateforme de cryptos monnaies)
    J’ai eu de la chance et j’ai retiré presque tous mes avoirs avant la faillite.

    Il semble qu’un plan de reprise aux US (chapitre 11) utiliserait la possibilité "clawback" présente dans la loi des faillites américaine.
    C’est à dire réclamer (obliger) aux clients de renvoyer leur retrait effectués sur les 90 derniers jours avant le dépôt de faillite.

    Celsius avait plus de 150000 clients actifs en France et 150 000 dans toute l’Europe.
    Sommes-nous protégés par les réglementation européenne sur les consommateurs (Bruxelles 1 bis par exemple) de ce qui pourrait se passer aux Etats-Unis concernant cette faillite.
    Ou pourraient-ils nous condamner à rembourser nos retraits (les retraits des mêmes cryptos que nous avions déposés auparavant chez eux, pas des emprunts) puis demander l’Exequatur ?

    Un simple consommateur particulier en Europe peut-il être entrainer dans un processus à l’étranger hors UE juste pour avoir utilisé des services sur internet ?

    Merci pour votre aide.

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