Il convient de s’intéresser à la question spécifique du délai de péremption du commandement de payer valant saisie immobilière qui peut faire l’objet tantôt de prorogation et tantôt de suspension suivant le déroulement de la procédure de saisie immobilière.
Une jurisprudence d’octobre 2017 est revenue sur cette problématique particulière au visa de l’article R 321-20 du Code des Procédures Civiles d’Exécution qui précise que le commandement de payer valant saisie cesse de plein droit de produire effet si, dans les deux ans de sa publication, il n’a pas été mentionné en marge de cette publication un jugement constatant la vente du bien saisi.
Cette jurisprudence est intéressante car elle rappelle combien le droit de la saisie immobilière peut dans certains cas s’inscrire dans la durée et créer de nouveaux obstacles pour le créancier saisissant.
Cette longueur procédurale peut avoir des conséquences sur la validité même de la procédure de saisie immobilière puisqu’effectivement si le commandement de payer valant saisie immobilière n’est ni prorogé ni suspendu, il est périmé dans un délai de deux ans à compter de sa publication à la Conservation des Hypothèques.
Il convient de rappeler que les mentions en marge de la copie commandement de payer publié ont vocation à informer les tiers qu’il y a une saisie immobilière, ce qui entraine la compétence exclusive du Juge de l’Exécution pour toutes ventes forcées ou amiables du bien en question dès sa signification.
Parallèlement à cela, cela permet à tout tiers intéressé en ce compris les créanciers inscrits de déclarer leur créance au sein de la procédure.
Cette jurisprudence rappelle en tant que de besoin les effets des articles les articles R. 321-20 et R. 321-22 du Code des Procédures Civiles d’Exécution qui prévoit le délai de péremption du commandement de payer valant saisie immobilière est suspendu par la mention en marge de sa copie publiée d’une décision de justice emportant la suspension des procédures d’exécution, tant que cette décision produit ses effets, ainsi que d’une décision ordonnant le report, en vertu d’une disposition particulière, de l’adjudication ou la réitération des enchères, dans l’attente de l’adjudication à intervenir.
Or, en dehors de ces cas, le délai est prorogé par la publication d’un jugement ordonnant la prorogation des effets du commandement.
La question est de savoir dans quelles conditions, dans l’hypothèse où la procédure s’inscrirait dans la durée, le débiteur pourra opposer la péremption du commandement de payer, ce qui aurait pour effet de mettre fin à la procédure.
Cela pourrait avoir pour effet d’entrainer la nullité de l’intégralité des actes de l’ensemble de la procédure et par là même d’envisager une prescription si par extraordinaire la banque souhaitait relancer par la suite, une nouvelle procédure de saisie immobilière.
Dans cette affaire, à la suite d’un commandement valant saisie immobilière délivré à M. X par la société A, le Juge de l’Exécution , après une première adjudication, a, par jugement publié en marge du commandement le 4 juillet 2013, prorogé pour une durée de deux ans les effets du commandement.
Puis ce même Juge a, par jugement du 18 juillet 2013, fixé au 7 novembre 2013 la date à laquelle il serait procédé à une nouvelle adjudication par réitération des enchères.
Par jugement du 5 décembre 2013, publié en marge du commandement le 7 février 2014, le Juge de l’Exécution a dit le syndicat des copropriétaires subrogé dans les poursuites et a fixé au 3 avril 2014 une nouvelle date d’adjudication.
L’affaire a été à nouveau renvoyée dans l’attente de l’issue d’un recours formé contre ce jugement.
Puis, le Juge de l’Exécution a, par jugement du 19 novembre 2015, ordonné la subrogation de la banque dans les poursuites.
En même temps il a prorogé les effets du commandement pour une durée de deux ans courant à compter de la vente sur réitération des enchères et à l’expiration de la durée restant à courir à compter de la suspension.
Puis a fixé une nouvelle date d’adjudication.
Les deux parties avaient une interprétation contraire sur les dispositions de l’article R. 321-22 du Code des Procédures Civiles d’Exécution, selon lesquelles « Ce délai est suspendu ou prorogé, selon le cas, par la mention en marge de la copie du commandement publié d’une décision de justice ordonnant la suspension des procédures d’exécution, le report de la vente, la prorogation des effets du commandement ou la décision ordonnant la réitération des enchères. »
M. X. sollicitait notamment que soit constatée la « caducité » du commandement.
La Cour d’Appel n’a pas partagé cet avis puisqu’elle retient que le commandement, publié le 7 juillet 2011, a été prorogé pour deux ans par jugement publié le 4 juillet 2013, soit jusqu’au 4 juillet 2015,
Que par la suite, une nouvelle publication en marge du commandement a été effectuée le 7 février 2014, celle du jugement du 5 décembre 2013 fixant notamment la date de la vente sur réitération des enchères au 3 avril 2014.
Le cheminement est complexe.
Le calendrier de procédure l’est tout autant.
Pour autant, il convient de rappeler que l’article R. 321-22 contient un seul cas de suspension, soit la mention en marge de la copie du commandement publié d’une décision de justice ordonnant la suspension des procédures d’exécution.
Ce même texte prévoit trois cas de prorogation de la durée de ses effets, la publication d’un jugement ordonnant soit la prorogation de ceux-ci, soit le report de la vente, soit la réitération des enchères.
La question était de savoir s’il y avait matière à prorogation.
Le créancier considérait que dans la mesure ou la procédure approchait de son terme, la vente ayant été ordonnée, de sorte que l’esprit du texte conduisait à retenir que la durée de la prorogation des effets du commandement s’étendait jusqu’à la publication de la vente, aucun élément ne justifiant la limitation que souhaitait lui donner M. X et qu’en matière de réitération des enchères, la date de la vente peut être reportée sans qu’une sanction soit encourue.
C’est dans ces circonstances que le premier juge avait retenu que le commandement n’était pas périmé.
Pour autant la Cour de Cassation ne partage pas cette analyse.
Elle rappelle que le jugement ordonnant la réitération des enchères avait uniquement suspendu le cours du délai de péremption, depuis sa publication et jusqu’à la date du 7 novembre 2013, prévue pour l’adjudication.
Des lors, les renvois ultérieurement ordonnés, pour des motifs étrangers aux causes de report de l’adjudication prévues par les articles R. 322-19 et R. 322-28 du Code des Procédures Civiles d’Exécution, étaient sans effet sur le cours de ce délai de péremption.
Cette décision est salutaire car elle vient rappeler qu’il résulte des articles R321-20 et R 321-22 du Code des Procédures Civiles d’Exécution que le délai de péremption du commandement de payer valant saisie immobilière est suspendu par la mention en marge de sa copie publiée d’une décision de justice emportant la suspension des procédures d’exécution, tant que cette décision produit ses effets, ainsi que d’une décision ordonnant le report, en vertu d’une disposition particulière, de l’adjudication ou la réitération des enchères, dans l’attente de l’adjudication à intervenir et, d’autre part.
Qu’en dehors de ces cas, le délai est prorogé par la publication d’un jugement ordonnant la prorogation des effets du commandement.
En conséquence elle censure toute décision qui retiendrait que la publication d’un jugement ordonnant la réitération des enchères a prorogé les effets du commandement valant saisie jusqu’à ce que la vente sur réitération soit publiée.
Ainsi cela à pour effet d’entrainer une véritable péremption d’instance ce qui permet au débiteur de préserver son bien.
Discussion en cours :
Bonjour et merci pour analyse.
Je me permet de vous déranger pour avoir une explications concernant une phrase que vous avez écrit.
« Ainsi cela à pour effet d’entrainer une véritable péremption d’instance ce qui permet au débiteur de préserver son bien. »
En matière de saisie immobilière, la cour de cassation a dit qu’il n’avait pas de péremption d’instance.
Du coup votre phrase m’a interpellé, et j’ai fait des recherches et je suis tombé sur plusieurs arrêt de cassation plus ou moins contradictoire entre-eux.
Et deux arrêts assez récent :
Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 1 mars 2018, 17-11.238, Publié au bulletin
Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 1 juin 2017, 16-15.906, Inédit
Alors dans celui-ci 17-11.238, la cour de cassation ne revient pas sur le fait que ce soit prescrit, la différence avec le deuxième c’est que c’est un arrêt de cour d’appel qui dit la créance non-prescrite.
« Dit n’y avoir lieu à renvoi du chef de l’arrêt ayant confirmé le jugement en ce qu’il a constaté que la créance de la société Crédit lyonnais était prescrite ; »
Et dans celui là 16-15.906, c’est un jugement d’orientation qui reconnait la créance et entre temps il y a une péremption mais la cassation reconnait l’interruption et rejette le pouvoir :
« Mais attendu qu’ayant relevé que la procédure postérieure à la délivrance du commandement, le 17 août 2011, s’était poursuivie jusqu’à l’intervention du jugement du 6 juin 2014 qui avait constaté la péremption de cet acte, et exactement retenu que ce commandement avait interrompu le cours de la prescription jusqu’à l’extinction de l’instance, soit jusqu’au jugement du 6 juin 2014, qui avait fait courir un nouveau délai de prescription, la péremption du commandement n’ayant pas pour effet d’anéantir les décisions rendues à la suite de celui-ci, la cour d’appel en a déduit à bon droit que la prescription n’était pas acquise lors de la délivrance, le 25 juillet 2014, du nouveau commandement, ou lors de sa publication le 26 août 2014, et que les débiteurs étaient irrecevables à critiquer le montant de la créance ; »
Pourriez-vous m’expliquer / ou nous expliquer la différence entre ces deux pourvois de cassation ?