Le statut de salarié implique un contrat de travail entre le sportif et son club employeur, ce qui est la règle pour les sports collectifs. Par souci de concision, le terme "sportifs" désigne les personnes pratiquant un sport indépendamment de leur genre ou identité.
I. Les exonérations d’impôt sur le revenu.
L’article 155 B du CGI exonère partiellement d’impôt sur le revenu la rémunération des salariés sportifs impatriés ainsi que certains de leurs revenus patrimoniaux de source étrangère. Les revenus exonérés d’impôt sur le revenu sont toutefois pris en compte pour le calcul de la Contribution Exceptionnelle sur les Hauts Revenus (CEHR).
Le régime s’applique jusqu’au 31 décembre de la huitième année suivant l’année de la prise de fonctions au sein du club employeur sous réserve que les sportifs recrutés de l’étranger, quelle que soit leur nationalité, n’aient pas été fiscalement domiciliés en France au cours des cinq années précédant l’année de cette prise de fonctions.
Attention à ce qu’une installation anticipée de la famille du sportif en France ne remette pas en cause le régime. Par ailleurs la loi conditionne l’application de ce régime aux personnes ayant leur foyer ou le lieu de séjour principal en France et exerçant leur activité professionnelle principalement en France (il existe cependant des assouplissements administratifs en cas d’arrivée différée de la famille : cf. BOI-RSA-GEO-40-10-10, n° 240). Enfin, si les autorités considèrent que "les personnes venues exercer un emploi en France de leur propre initiative (...) ne peuvent pas bénéficier du régime" [1], ce n’est pas la position de la Cour Administrative d’Appel de Paris selon laquelle une personne peut en bénéficier alors même qu’elle "n’établit pas que son recrutement résulterait exclusivement d’une initiative de l’entreprise française" [2].
Peu importe la durée du contrat de travail, le régime continuant à s’appliquer en cas de changement de poste au sein du même club employeur ou au sein d’un autre club établi en France appartenant au même groupe. Il n’y a pas de procédure d’agrément préalable. Une arrivée en début d’année maximise la durée potentielle d’application du régime là où une arrivée plus tardive atténue la progressivité de l’impôt sur le revenu (application du barème annuel sur des revenus perçus sur une partie de l’année). Un formulaire 2043 peut être déposé dès l’arrivée en France pour obtenir un numéro fiscal et personnaliser le taux de prélèvement à la source tenant notamment compte du régime et du quotient familial.
A. La prime d’impatriation.
Sont exonérés d’impôt sur le revenu les éléments de rémunération directement liés à l’impatriation. Selon les autorités, ces éléments doivent être mentionnés dans le contrat de travail ou dans un avenant préalablement à la prise de fonctions [3]. Sur option la prime d’impatriation peut être déterminée forfaitairement à 30% de la rémunération nette imposable, étant précisé qu’une prime de résiliation versée à un joueur de football entre dans la base de calcul de la prime de 30% [4].
L’exonération de la prime d’impatriation est subordonnée à la condition que la rémunération imposable soit au moins égale à celle perçue au titre de fonctions analogues dans la même entreprise ou, à défaut, dans des entreprises similaires établies en France : il s’agit du respect de la rémunération dite de référence fixée sous la responsabilité de l’employeur qui doit si besoin être en mesure de la justifier.
La rémunération de référence fixe un seuil à ne pas franchir après exonération de la prime d’impatriation, sous peine de devoir réintégrer fiscalement tout ou partie de cette prime. Plus la rémunération de référence est basse et plus la marge d’exonération de la prime d’impatriation est élevée.
Face aux difficultés rencontrées en pratique, les autorités ont apporté des assouplissements permettant de retenir la rémunération de référence dans des entreprises similaires (en tenant compte d’une expérience professionnelle comparable) "alors même que des fonctions analogues à celles de l’impatrié seraient exercées dans l’entreprise". Par ailleurs la rémunération de référence "peut être égale à la plus faible des rémunérations perçues par un salarié ayant une expérience comparable à celle de l’impatrié et exerçant des fonctions analogues au sein de l’entreprise ou d’une entreprise similaire établie en France, au cours de l’année considérée ou des trois années précédentes" [5]. Ces assouplissements ouvrent des pistes d’optimisation de la fixation de la rémunération de référence d’autant que l’exigence administrative liée à "une expérience comparable" semble pouvoir être écartée.
C’est ce qui ressort d’un arrêt concernant un joueur de football du PSG, affaire dans laquelle la Cour Administrative d’Appel de Paris s’est positivement prononcée sur l’éligibilité de ce joueur au bénéfice du régime [6]. Après avoir précisé que la rémunération du joueur devait être comparée avec celle de joueurs occupant le même poste (la rémunération d’un milieu de terrain n’étant pas comparable à celle d’un défenseur ou d’un attaquant), cet arrêt a en effet écarté les critères de notoriété et d’expérience comparable qui "ajoutent au texte légal en exigeant la prise en compte de caractéristiques propres aux individus exerçant les fonctions". La CAA de Paris s’est donc ralliée aux conclusions de Madame la rapporteure publique, Alexandra Stoltz-Valette :
"S’il est exact que dans le milieu du football professionnel, l’expérience, le palmarès et la notoriété du joueur sont des composantes essentielles de la forte individualisation des rémunérations, il n’en demeure pas moins que la lettre même des dispositions que vous devez appliquer s’oppose à une telle analyse dès lors que le législateur a choisi comme référence non des individus, mais des fonctions. Ce faisant, il a privilégié un critère objectif et non subjectif, contrairement à ce que prétend le ministre qui ajoute des critères non prévus par le législateur. L’expérience, le palmarès et la notoriété de M. D. ont évidemment été déterminants dans son recrutement, mais s’ils ont une incidence sur les résultats attendus par le club qui l’a recruté, il est évident qu’ils n’en n’ont aucune sur les fonctions qui lui ont été dévolues. Au surplus, un faible nombre de sélections ou un palmarès peu étoffé ne fait pas obstacle à un haut salaire en présence d’un jeune joueur très talentueux, tandis qu’à l’inverse, un palmarès important et une forte notoriété peuvent donner lieu à un salaire plus réduit lorsqu’un joueur réputé et de grande expérience décide en fin de carrière de rejoindre un club plus modeste, en France ou à l’étranger. En outre, si un tel critère était retenu, il conduirait nécessairement à un risque particulièrement élevé d’arbitraire" [7].
En combinant la loi avec les assouplissements administratifs et la jurisprudence précités, il serait envisageable de retenir la plus faible des rémunérations de référence ("au cours de l’année considérée ou des trois années précédentes") au sein du club du sportif ou dans un club similaire pour un même poste sans tenir compte de la notoriété et/ou d’une expérience comparable. Afin de lever toute insécurité fiscale, il serait souhaitable que les autorités retirent de leurs commentaires la mention d’une "expérience comparable".
Pour déterminer les rémunérations de référence en se basant sur des fonctions analogues dans des entreprises similaires, il est dans l’intérêt des clubs d’avoir une visibilité sur les pratiques des autres clubs. Pour surmonter les problèmes de confidentialité, les fédérations et/ou ligues sportives pourraient collecter ces données de manière anonyme, en les distinguant selon les postes des sportifs et les divisions ou catégories concernées. Cette initiative permettrait de dégager des grilles de rémunération pertinentes, accessibles aux clubs, assurant ainsi une égalité fiscale. En l’absence de grilles communes, les pratiques varient inévitablement d’un club à l’autre.
B. La rémunération liée à une activité à l’étranger.
La fraction de la rémunération correspondant à l’activité exercée à l’étranger est exonérée d’impôt sur le revenu si les séjours réalisés à l’étranger sont effectués dans l’intérêt direct et exclusif de l’employeur.
Cette exonération n’est pas limitée par la rémunération de référence et n’est pas subordonnée à l’existence d’une prime d’impatriation. Selon les autorités (BOI-RSA-GEO-40-10-20, n° 220 et suivants), les séjours à l’étranger d’une durée inférieure à 24 heures peuvent être pris en compte hors temps de transport. La loi ne fixant aucune règle pour l’évaluation de la rémunération liée à une activité à l’étranger, il est admis de la déterminer "en tenant compte du nombre de jours d’activité à l’étranger rapporté au nombre total de jours d’activité effective dans l’année". Les sportifs doivent conserver les justificatifs de leurs déplacements à l’étranger à produire si besoin aux autorités en cas de contrôle.
Sur option, soit l’exonération de la prime d’impatriation et de la rémunération pour les jours à l’étranger est limitée à 50% de la rémunération totale, soit l’exonération de la rémunération pour les jours d’activité à l’étranger est limitée à 20% de la rémunération imposable après exonération de la prime d’impatriation : il faut comparer les options pour retenir la plus intéressante.
L’application du régime par l’employeur via la paie offre un avantage immédiat de trésorerie pour le sportif, le prélèvement à la source mensuel étant appliqué sur une rémunération nette imposable optimisée. Si le régime est correctement appliqué en paie, le sportif peut reporter dans sa déclaration annuelle des revenus la part imposable et la part exonérée de sa rémunération après application du régime par son club employeur. En revanche, si le régime n’a pas été appliqué en paie, ou de façon partielle ou incorrecte, ou si le sportif souhaite adopter une option différente de celle utilisée en paie, la situation peut être régularisée lors du dépôt de la déclaration annuelle des revenus en année N+1.
L’application mensuelle du régime en paie nécessite une bonne coordination entre le service ou prestataire de paie du club employeur, les sportifs, qui doivent tenir un calendrier de leurs jours de travail et déplacements à l’étranger, et, si nécessaire, le fiscaliste chargé des retraitements de la rémunération pour fournir les instructions paie. En pratique, il est envisageable d’intervenir ponctuellement en paie avec au minimum une régularisation sur la paie de décembre (le cumul net imposable annuel étant communiqué aux autorités via la Déclaration Sociale Nominative).
Si, lors du dépôt de la déclaration annuelle des revenus, un montant inférieur à la rémunération nette imposable préremplie est déclaré, cela peut déclencher une "anomalie" avec un risque de contrôle fiscal. Il est conseillé de justifier l’écart dans la section "Informations" du formulaire d’ensemble 2042. Par ailleurs il est indispensable de vérifier auprès du club employeur la rémunération de référence applicable. A ce propos, un joueur de football des Girondins de Bordeaux s’est vu refusé l’application de l’exonération forfaitaire de 30% faute d’avoir produit une attestation employeur qui aurait justifié "que la part de sa rémunération demeurant imposable à l’impôt sur le revenu après abattement de 30% serait au moins égale à la rémunération versée à des joueurs exerçant des fonctions analogues au sein de son club ou, à défaut, d’autres entreprises similaires établies en France" [8].
C. L’exonération de certains revenus patrimoniaux de source étrangère.
Sont également exonérés d’impôt sur le revenu la moitié des revenus suivants :
- revenus de capitaux mobiliers de source étrangère (dont le paiement est assuré par une personne établie hors de France dans un Etat ou territoire ayant conclu avec la France une convention fiscale qui contient une clause d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude ou l’évasion fiscale) ;
- produits de la propriété intellectuelle ou industrielle de source étrangère (dont le paiement est assuré par une personne établie hors de France dans un Etat ou territoire ayant conclu avec la France une convention fiscale qui contient une clause d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude ou l’évasion fiscale) ;
- gains de cession de valeurs mobilières et de droits sociaux de source étrangère (lorsque le dépositaire des titres ou, à défaut, la société dont les titres sont cédés est établi hors de France dans un Etat ou territoire ayant conclu avec la France une convention fiscale qui contient une clause d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude ou l’évasion fiscale).
L’exonération sur les revenus patrimoniaux de source étrangère s’applique même en l’absence de revenus d’activité exonérés [9]. Cependant, cette exonération ne s’étend pas aux prélèvements sociaux. Concernant les gains de cession de valeurs mobilières et de droits sociaux, réaliser une cession avant l’arrivée sur le territoire français permet d’éviter une imposition en France : il faut ici vérifier la fiscalité applicable dans le pays de résidence à la date de cession pour déterminer un éventuel intérêt. Bien entendu, il faut également évaluer l’opportunité économique de la cession en tenant compte de l’évolution imprévisible de la valorisation des titres.
II. Les autres exonérations fiscales.
A. En matière d’Impôt sur la Fortune Immobilière (IFI).
En principe, les résidents fiscaux français sont soumis à l’IFI si la valeur nette de leur patrimoine immobilier en France et à l’étranger dépasse 1,3 million d’euros au 1ᵉʳ janvier de l’année d’imposition.
Selon l’article 964 du CGI, les personnes non domiciliées fiscalement en France pendant les cinq années précédant leur installation en France ne sont imposables à l’IFI que sur leur patrimoine immobilier situé en France. Ce régime s’applique chaque année jusqu’au 31 décembre de la cinquième année suivant l’établissement du domicile fiscal en France.
Certaines conventions fiscales internationales peuvent contenir des dispositions favorables en matière d’IFI, à vérifier au cas par cas.
B. En matière de taxe sur les salaires.
La taxe sur les salaires est due par les employeurs établis ou domiciliés en France qui versent des rémunérations, à condition qu’ils ne soient pas assujettis à la TVA ou que moins de 90% de leur chiffre d’affaires de l’année civile précédente ne soit soumis à la TVA.
Conformément à l’article 231 bis Q du CGI, la prime d’impatriation, qu’elle soit réelle ou forfaitaire, est exonérée de la taxe sur les salaires pour la même période que l’exonération d’impôt sur le revenu prévue par l’article 155 B du CGI.
L’exonération de la taxe sur les salaires bénéficie aux clubs employeurs. Cette exonération peut être mise en œuvre en fin d’année par le biais d’une régularisation de la paie et de la DSN.
En conclusion.
En raison de la haute technicité du régime, il est recommandé que les clubs et les sportifs bénéficient d’un accompagnement fiscal afin de sécuriser et maximiser les avantages fiscaux auxquels ils peuvent prétendre. Pour les clubs, optimiser fiscalement la rémunération des sportifs est un levier stratégique puissant pour renforcer leur attractivité et constitue un outil de négociation essentiel. De plus, offrir un accompagnement fiscal aux sportifs représente un avantage différenciant face aux clubs concurrents ne proposant pas ce service : cela permet aux sportifs de gagner du temps, de garantir leur conformité avec la législation fiscale française, tout en optimisant leur situation fiscale.
Côté employeur, lorsque les recrues convoitées exigent un certain montant de rémunération nette après charges sociales et impôt sur le revenu, il faut alors effectuer des simulations complexes pour déterminer la rémunération brute à verser pour garantir la rémunération nette ciblée : la prise en compte du régime permet de réduire le coût employeur car l’impôt sur la rémunération est optimisé. Côté impatriés (tous secteurs confondus, qu’ils soient salariés ou dirigeants), ils bénéficient souvent d’une assistance fiscale fournie par leur entreprise, précieuse pour ceux non familiers avec le système fiscal français, notamment s’ils ne maîtrisent pas la langue, sont éligibles au régime fiscal des impatriés et/ou perçoivent des revenus de source étrangère. Cette assistance inclut généralement un entretien fiscal à l’arrivée en France, une aide pour la déclaration annuelle des revenus et une assistance en cas de contrôle fiscal.
Concernant les sportifs impatriés qui n’auraient pas bénéficié sur le passé des avantages fiscaux auxquels ils étaient éligibles, tout n’est pas perdu. Sous réserve du délai de prescription, ils peuvent demander l’application rétroactive du régime fiscal des impatriés en déposant une réclamation accompagnée de déclarations rectificatives. Un dossier complet est crucial, incluant toutes les informations, arguments, justificatifs pertinents et le détail des retraitements des revenus imposables/exonérés, ainsi qu’une estimation des impôts à rembourser. Pour les revenus de l’année fiscale 2021 (déclarés en 2022), le délai de prescription expire le 31 décembre 2024.
Enfin, il existe d’autres arguments (de portée plus générale) qui renforcent d’autant plus l’attractivité fiscale de la France.
Les sportifs salariés peuvent, selon les articles 100 bis et 84 A du CGI, opter pour une imposition de leurs salaires liés à la pratique sportive sur une moyenne triennale ou quinquennale. Cette option vise à atténuer la progressivité de l’impôt sur le revenu en permettant potentiellement d’éviter ou limiter la CEHR. Si l’option est révoquée, le revenu moyen reste imposable pendant les deux ou quatre années suivant la révocation.
L’imposition selon une rémunération moyenne est à utiliser avec précaution notamment en cas de départ de France : les sportifs peuvent rester imposable en France même après départ en tenant compte de modalités d’imposition particulières pour les non-résidents. Par ailleurs une décision défavorable du Tribunal Administratif de Paris a écarté l’application du régime fiscal des impatriés pour la détermination de la rémunération moyenne [10] : ce jugement était motivé par le fait qu’en raison du départ de France, le sportif n’était plus fiscalement domicilié en France (ce qui est une condition pour bénéficier du régime fiscal des impatriés). Toutefois le juge administratif d’appel [11] a invalidé cette position en considérant que même après avoir cessé d’être résident fiscal en France, l’imposition de la rémunération moyenne au titre de l’année de départ peut être diminuée de la moyenne des primes d’impatriation.
Ensuite, avec près de 130 conventions fiscales internationales, la France possède le réseau conventionnel le plus dense au monde, protégeant les contribuables contre les problématiques de double imposition. Il existe par ailleurs d’autres leviers d’optimisation fiscale, comme la valorisation des avantages en nature (logement, voiture) ou encore certains investissements ouvrant droit à des déductions, réductions et crédits d’impôt. Enfin, l’impôt sur le revenu est calculé sur un revenu net, après déduction des cotisations sociales salariales. A ce sujet le volet social du régime des impatriés permet une exonération temporaire des cotisations sociales d’assurance vieillesse : cela augmente la rémunération nette du sportif après charges sociales tout en réduisant le coût employeur à hauteur des cotisations patronales exonérées.
Ce dernier point, complémentaire au volet fiscal du régime des impatriés, sera développé dans un prochain article sur l’optimisation sociale des salariés sportifs impatriés.