Une société immobilière a vendu un immeuble à une personne privée par acte authentique en 2013. En 2014, celle-ci a conclu avec une autre personne une promesse de vente sous seing privé portant sur ce bien. Le bénéficiaire a assigné le promettant en réitération de la vente et a publié son assignation le 26 mars 2015.
Le 12 octobre 2015, la société immobilière a engagé une action en résolution de la vente du 25 juillet 2013 pour défaut de paiement du prix.
La question qui peut être posée est de savoir si la publication de l’assignation en réitération de la vente rend opposable le transfert de propriété aux tiers ?
Le demandeur au pourvoi se fonde sur l’article 2379 du code civil qui prévoit que
« L’action résolutoire établie par l’article 1654 ne peut être exercée après l’extinction du privilège du vendeur, ou à défaut d’inscription de ce privilège dans le délai ci-dessus imparti, au préjudice des tiers qui ont acquis les droits sur l’immeuble du chef de l’acquéreur et qui les ont publiés ».
De plus, pour soutenir sa demande, il se fondait sur les articles 30 et 37 du décret du 4 janvier 1955. En effet, il estime que la société immobilière disposait de deux mois pour faire une action résolutoire.
Une ancienne jurisprudence avait retenu que la résolution d’une vente prononcée à la requête du vendeur est opposable au sous-acquéreur lorsque celui-ci n’a pas publié de droit acquis sur l’immeuble [1]. Cependant, on peut se demander si la simple publication de droit sur l’immeuble permet de le rendre opposable aux tiers.
Pour répondre à cette question, la Cour de cassation vient rappeler une de ses jurisprudences qui avait retenu que
« l’inscription au cadastre ne saurait valoir preuve de la propriété et qu’en ce qui concerne les tiers, le transfert de propriété ne leur devient opposable que par la publication de l’acte de cession au bureau des hypothèques » [2].
On peut citer un autre arrêt qui est similaire où l’acte de vente a été publié après le commandement ce qui rendait les droits acquis sur l’immeuble inopposable aux tiers [3].
On peut voir qu’il y a une jurisprudence constante. La Cour de Cassation retient que l’assignation de la réitération n’est pas un acte authentique.
La volonté de protéger le tiers au contrat.
L’article 1165 disposait que le contrat n’engageait que les parties contractantes, mais la réforme par l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des obligations en vigueur le 1 octobre 2016 est venu modifier cet article. De plus, l’article 1200 du code civil dispose que « les tiers doivent respecter la situation juridique créée par le contrat ». On peut supposer que les tiers sont tenus de respecter les effets juridiques nés d’un contrat.
La Cour de cassation a estimé que la publication de l’assignation ne permettait pas d’avoir un transfert de propriété opposable à tous d’après l’article 37.2 du décret du 4 janvier 1955.
Il y a donc une protection des tiers au détriment des cocontractants dans la matière immobilière.
Seule la publication de l’acte authentique permet d’opposer le contrat de vente aux tiers.
Cela ne semble pas avoir changé depuis la réforme du droit des obligations de 2016.
Discussions en cours :
Bonjour,
j’aimerai savoir sile Notaire a l’obligation de publier la Minute ou la Copie exécutoire pour la rendre valable
Bonjour, (1)
Je ne suis pas juriste mais votre précision entre inscription et publication me parait déterminante dans certains cas où elles ne sont pas concomitantes (surtout à cheval entre 2 années civiles) .. ce qui est peut-être de plus en plus rare avec les formalités fusionnées auprès des SPF ?
C’est ma recherche quant à l’opposabilité aux tiers qui m’a conduit à votre article, étant dans une situation un peu baroque suite à une erreur notariale (activité humaine non infaillible) frisant la faute professionnelle en inscrivant dans une donation-partage (de 1997 : il y a prescription, j’imagine) un bien dont la propriété n’était pas certaine .. à tel point, qu’elle n’a été réglée qu’après 35 ans de contentieux grâce au dépôt par un autre notaire des 4 arrêts de Cour d’Appel en 8 ans confirmant l’acte authentique et le bornage, titrant en 2019 (post mortem !) mes parents décédés respectivement en 2016 et 2019, de cette parcelle (dont la mutation ne figure toujours pas au fichier <etalab.gouv.fr> quelle incidence ?) et dont je ne suis devenu (après 24 ans de nu-propriétaire virtuel sans "voix au chapitre") pleinement propriétaire (avec opposabilité aux tiers) qu’après enregistrement et publication le 02/07/2021 de l’acte complémentaire (du 1er Avril 2021 : ça ne s’invente pas ! établi par le fils du notaire imprudent ou présomptueux, succédant à son père) à la D-P de 1997 !!!..
Merci de vos lumières sur ce "cas d’école" hors norme, feuilleton en 2 épisodes par limitation technique de ce site collaboratif citoyen ?
Bien cordialement