I - Œuvres d’art et plus-values.
Les plus-values relatives aux bijoux et aux œuvres d’art font l’objet d’un traitement particulier. En droit commun, la taxation au titre d’une plus-value nécessite en principe de connaître la date et le prix d’acquisition du bien cédé. Toutefois, ces éléments peuvent être délicats à déterminer en matière d’œuvres d’art.
Aussi, le législateur a-t-il décidé que les particuliers seraient, dans ce cas de figure, soumis à une taxe forfaitaire dont l’assiette serait le montant total du prix de vente et non pas la plus-value réalisée, art. 150 VI à 150 VM du CGI.
Les vendeurs sont toutefois exonérés de cette taxe lorsque le prix de vente n’excède pas 5.000€. Le taux de la taxe est de 6,5%, dont 0,5% sont dus au titre de la CRDS.
Sont exonérés de cette taxe les professionnels soumis à l’impôt sur le revenu ou à l’impôt sur les sociétés, les artistes qui cèdent ou exportent leurs propres œuvres, lorsqu’ils en sont toujours restés propriétaires, les personnes n’ayant pas leur domicile fiscal en France et les particuliers non-résidents, quand bien même les cessions auraient été réalisées par l’intermédiaire d’une galerie.
Deux types d’opérations sont taxables, les cessions à titre onéreux de biens situés en France ou dans un autre état membre de l’Union européenne, et les exportations définitives vers un pays tiers.
L’expression « vente » permet également de viser les échanges et apports d’œuvres.
L’article 150 UA du CGI précise que les personnes physiques domiciliées en France peuvent opter pour le régime de droit commun des plus-values dans le cas d’une telle vente. La taxation est alors de 19% auxquels s’ajoutent les prélèvements sociaux au taux de 17,2%.
Cette option est soumise à certaines conditions, qui varient selon la durée de détention du bien.
Si le bien est détenu depuis plus de vingt-deux ans, et que de ce fait, la plus-value échappe à imposition, le contribuable justifie uniquement de la détention, faisant fi de la date exacte d’acquisition ou de son prix d’origine. Cette preuve peut être constituée par tout moyen (catalogue d’art, contrat d’assurance …). Seuls les témoignages sont exclus.
Si le bien est détenu depuis moins de vingt-deux ans, le contribuable doit justifier de la date exacte d’acquisition ainsi que du prix.
Dans le cas de l’option pour le régime de droit commun, l’assiette de la plus-value est constituée de la différence entre le prix de cession et le prix d’acquisition. Ce dernier peut être majoré de frais engagés pour la restauration et la remise en l’état des biens.
L’option pour le régime de droit commun plutôt que pour la taxe forfaitaire est intéressant dans le cas où l’intéressé détient le bien depuis longtemps (un abattement de 5% de plus-value s’applique chaque année) ou lorsque la plus-value est faible, voire inexistante.
En dehors des spécificités en matière de plus-values, c’est dans le domaine des droits de succession que l’art s’illustre tout particulièrement.
II - Œuvres d’art et successions.
L’œuvre d’art peut être recueillie par voie de succession. Lorsqu’une telle œuvre est ensuite adjugée en vente publique dans les deux ans de la succession, aucune plus-value n’est dégagée car c’est le prix de l’adjudication qui sert de base d’évaluation de l’œuvre. La plus-value est donc nécessairement nulle mais peut toutefois entraîner un rappel des droits de succession si la valeur figurant dans la déclaration de succession initiale diffère de la valeur adjugée.
L’histoire entre œuvres d’art et droits de succession ne s’arrête pas là.
En effet, la déclaration de succession doit comporter les meubles meublants présents dans la maison du défunt.
L’article 534 du Code civil prévoit que ce terme désigne les meubles destinés à l’usage et à l’ornement des appartements.
La valeur des meubles meublants peut être évaluée forfaitairement en fonction du patrimoine global ou faire l’objet d’une évaluation par huissier.
La question qui peut se poser est alors la suivante : doit-on prendre en compte les œuvres d’art au titre de meubles meublants ou ces derniers doivent-ils être compris dans l’assiette taxable de manière indépendante ?
La Cour de cassation, dans un arrêt du 17 octobre 1995 s’est prononcée en la matière.
Dans cette affaire, l’Administration fiscale soutenait qu’une peinture ne constituait pas un meuble meublant dès lors qu’elle était susceptible d’être exposée dans une galerie ou pièce particulière. Or, la Cour de cassation ne suit pas cette analyse et attribue au tableau litigieux la qualité de meuble meublant dès lors que le tableau ne faisait pas réellement partie d’une collection de l’intéressé ou l’objet d’une exposition en galerie ou dans une pièce particulière.
L’Administration, qui considérait qu’un seul tableau, en raison de son prix élevé, pouvait constituer à lui seul une collection, est donc contredite pour la raison suivante : on ne peut substituer au critère prévu par la loi celui de la simple valeur du tableau.
Toutefois, un cas particulier permet d’exclure les tableaux du forfait mobilier et partant de la catégorie des meubles meublants.
En effet, dans l’hypothèse où il existe un contrat d’assurance en cours au jour du décès et conclu moins de dix ans avant ouverture de la succession, l’œuvre assurée n’est pas un meuble meublant, et la valeur imposable de l’œuvre assurée ne peut pas être inférieure aux évaluations faites dans le contrat en question. La Cour de cassation a d’ailleurs admis cette position dans un arrêt du 4 octobre 1994.
En conclusion, les œuvres d’art sont donc considérées comme des meubles meublants lorsqu’elles ornent l’appartement du défunt et ne font pas l’objet d’un contrat d’assurance.
On distingue alors deux hypothèses distinctes d’évaluation des œuvres d’art contenues dans une succession, selon que l’œuvre est un meuble meublant ou non.
Si l’œuvre est un meuble meublant, elle peut être retenue au titre du forfait mobilier ou faire l’objet d’une évaluation spécifique. Cette évaluation peut être de trois ordres, issue d’une vente publique aux enchères réalisée dans les deux ans de la succession, d’un inventaire ou d’une déclaration détaillée et estimative des héritiers.
Dans le premier cas, les résultats d’une vente aux enchères se substituent à toute autre évaluation. Dans le deuxième cas, l’inventaire est dressé par un commissaire-priseur judiciaire, un huissier ou un notaire, à noter que ces derniers peuvent être accompagnés d’experts. Dans le troisième cas, les héritiers peuvent tout à fait procéder à une déclaration détaillée par leurs propres moyens.
Dans tous les cas, la valeur imposable retenue ne peut pas être inférieure à 5% de l’ensemble des autres valeurs mobilières et immobilières de la succession. Aussi, les contribuables se contentent-ils bien souvent de retenir le forfait.
Si l’œuvre n’est pas considérée comme meuble meublant en revanche, la valeur est déterminée en principe par les résultats d’une vente publique aux enchères ayant lieu dans les deux ans du décès. A défaut, on retient le montant le plus élevé entre celui résultant d’un inventaire et celui figurant dans le contrat d’assurance dont l’œuvre d’art est l’objet.
Concernant le contrat d’assurance, les héritiers et légataires doivent faire savoir à l’Administration fiscale que les œuvres étaient l’objet d’un contrat d’assurance au jour du décès et préciser le montant des risques garantis, article 798 du CGI.
Une dernière spécificité relative aux œuvres d’art en matière de succession doit être ici relevée : la dation. L’article 1716 bis du CGI prévoit que le contribuable peut prendre l’initiative de cette dation pour régler les droits de succession dont il est redevable.
Cette dation consiste à remettre à l’Etat, en lieu et place du chèque de règlement, des œuvres d’art, objets de collection, livres ou documents, dès lors que le montant dû est supérieur à 10 000 euros.
La dation existe depuis une loi du 31 décembre 1968. Initialement réservée aux droits de succession, elle a par la suite été étendue aux droits de mutation à titre gratuit, au droit de partage et à l’ancien Impôt de solidarité sur la fortune.
La procédure de dation est très encadrée. Le contribuable commence par faire une offre de dation au service des impôts compétent pour recueillir ses droits de succession.
Ce dernier étudie l’offre puis choisit de la transmettre à la Commission des dations. Cette dernière donne un avis qui peut être une acceptation ou une modulation de la dation.
Au titre de cet avis, la Commission retient une valeur dite « libératoire » pour les œuvres. Il s’agit uniquement de déterminer si les œuvres peuvent être acceptées en contrepartie du paiement de la totalité ou d’une partie des droits dus. Cette notion de valeur libératoire sert à éviter que l’Etat soit redevable d’une soulte envers l’intéressé pour compenser une disparité de valeur entre l’œuvre et les droits dus. Toutefois, en pratique, il faut préciser que la Commission s’efforce de retenir une valeur réelle pour les œuvres concernées afin d’éviter toute lésion du contribuable.
L’avis de la Commission est ensuite soumis pour agrément au ministre de l’Economie et des Finances. En pratique, il est toutefois rare que le ministre s’affranchisse de l’avis de la Commission. La décision est ensuite communiquée au contribuable pour acceptation.
La dation ne sera parfaite que si le contribuable accepte la valeur proposée par la Commission. Si la dation est finalement refusée, le contribuable devra s’acquitter de ses impôts dans les conditions habituelles.
Le mécanisme de la dation rencontre un franc succès depuis sa mise en œuvre et a notamment permis à l’Etat de devenir propriétaire, en 1979, d’un ensemble d’œuvres de Picasso aujourd’hui regroupées dans le musée parisien dédié à l’artiste. En 1995, c’est au tour de l’Origine du monde de Courbet de devenir propriété de l’Etat, étant aujourd’hui exposée au musée d’Orsay. A noter enfin qu’avec l’évolution des conceptions, l’Etat accepte depuis 2008 en dation des œuvres d’artistes vivants.