La nomenclature Dintilhac, un regard panoramique sur le handicap.

Par Joëlle Marteau-Péretié, Avocat.

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Explorer : # préjudices corporels # nomenclature dintilhac # indemnisation # handicap

C’est en 2005 que la nomenclature Dintilhac s’est imposée en tant que classification très précise et très exhaustive de l’ensemble des préjudices physiques et psychologiques, patrimoniaux et extra-patrimoniaux que connaissent les victimes d’accident.
Elle a permis une uniformisation des évaluations en matière de dommage corporel. Sans pour autant constituer une norme ni une loi, cette nomenclature est aujourd’hui considérée comme l’outil le plus abouti et le plus complet sur lequel on puisse s’appuyer en matière de réparation des préjudices physiques et psychologiques.

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Jean-Pierre Dintilhac, président de chambre à la Cour de cassation, a procédé au recensement logique de l’ensemble des postes de préjudices, en distinguant 2 temps essentiels : avant et après la consolidation, la consolidation étant le moment à partir duquel l’état de santé de la victime peut être considéré comme fixé, stabilisé.

La nomenclature à laquelle Dintilhac a donné son nom procède à la décomposition suivante de l’ensemble des préjudices :

Les préjudices temporaires (avant consolidation)

1) Les préjudices patrimoniaux

- Les dépenses de santé actuelle

L’expert précisera le détail des soins médicaux ou paramédicaux nécessaires et mis en œuvre jusqu’à la consolidation et qui sont liés au dommage (nature, durée, dates et lieux d’hospitalisation).

- Les frais divers

L’expert indiquera si le patient ou la patiente a dû recourir aux services d’une aide temporaire (humaine et/ou matérielle) en en stipulant la nature et la durée.

- La perte de gain professionnel actuel

L’expert mentionnera les périodes durant lesquelles la victime a été (avant sa consolidation) dans l’incapacité d’exercer totalement ou partiellement une activité professionnelle. Il entrera dans le détail en précisant les périodes d’arrêt de travail mais sans se prononcer sur l’aspect financier, aspect qui relève du domaine indemnitaire et non de l’évaluation médico-légale.

2) Préjudices extrapatrimoniaux

- Le déficit fonctionnel temporaire

L’expert répertoriera les gênes subies par le patient au cours de ses activités
quotidiennes, en tenant compte :
■ des gênes directement imputables à l’accident ;
■ de la période comprise entre la date de l’événement indésirable en cause
(accident médical, affection iatrogène, infection nosocomiale) et la date de consolidation ;
■ de leur caractère dégressif (gêne totale ou partielle).

- Les souffrances endurées

L’expert ici à une description méticuleuse des souffrances endurées, c’est-à-dire des souffrances physiques, psychiques ou morales endurées par la victime depuis l’accident et la survenue du dommage corporel, jusqu’à la date de consolidation. Il les évaluera sur une échelle de 1 à 7.

- Le préjudice esthétique temporaire

Il est ici question de la nature et de l’ampleur du dommage esthétique subi temporairement jusqu’à la date de consolidation. Ce préjudice est lui aussi évalué sur une échelle de 1 à 7. Notons que cela comprend l’altération de l’apparence physique, même si elle revêt un caractère temporaire, aux conséquences personnelles néanmoins très préjudiciables, comme c’est le cas, par exemple chez les grands brûlés ou les traumatisés crâniens, ou encore chez les grands accidentés de la route.

Les préjudices permanents (soit après consolidation, quand l’état de santé est stabilisé)

1) Les préjudices patrimoniaux

- Les dépenses de santé futures

L’expert rendra ici son avis sur la nécessité de soins médicaux ou paramédicaux en direction de la victime, d’un besoin possible d’appareillage ou de prothèses après la consolidation. Il indiquera encore s’il s’agit de soins occasionnels (c’est-à-dire limités dans la durée) ou de soins à caractère définitif.

- Les frais de logement adapté

Il incombe ici à l’expert médical de stipuler si des aménagements domotiques sont requis pour pallier les gênes occasionnées par l’inadaptation du logement.

- Les frais de véhicule adapté

Il appartient aussi à l’expert de définir si oui ou non le patient doit recourir à un véhicule aménagé. Il pourra à cet égard préciser les éventuelles difficultés qu’éprouve la victime à faire usage des transports en commun.

- L’assistance au quotidien par tierce personne

L’expert se prononcera sur la nécessité pour la victime de recourir à une tierce personne dans le cadre de sa vie quotidienne, de sorte à suppléer sa perte
d’autonomie. Il sera important ici d’entrer dans le détail des choses : fréquence,
durée d’intervention, qualification de la personne affectée à cette aide (spécialisée
ou non, aide ménagère, aide-soignante, infirmière).
Point essentiel : cette évaluation sera faite sans tenir compte de l’aide éventuellement déjà apportée par les proches de la victime.

- La perte de gains professionnels futurs et l’incidence professionnelle

On attend de l’expert qu’il établisse si, en raison de l’incapacité permanente dont la victime reste atteinte après sa consolidation, celle-ci subit/va subir une modification de son activité professionnelle (les experts discuteront l’imputabilité de cette situation à l’événement causal). Il précisera la nature du retentissement professionnel (reclassement ou changement de poste ; perte d’emploi ; nécessité d’un temps partiel...)

Pour les jeunes victimes ne percevant pas, à la date du dommage, de gains
professionnels, l’expert indiquera si l’incapacité permanente risque à l’avenir de les priver de ressources professionnelles.

- Le préjudice scolaire ou universitaire

L’expert dira si, en raison des lésions consécutives à l’événement indésirable en
cause (accident médical, infection nosocomiale), la victime a subi une perte
d’année d’étude scolaire ou universitaire, en précisant, le cas échéant, si celle-ci
a dû se réorienter ou renoncer à certaines ou à toutes formations du fait de son
handicap.

2) Les préjudices extrapatrimoniaux

- Le déficit fonctionnel permanent

Il correspond à la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel
et/ou intellectuel résultant de l’atteinte de l’intégrité anatomophysiologique
médicalement constatable, à laquelle s’ajoutent des phénomènes douloureux et
des répercussions psychologiques ainsi que les conséquences liées à cette atteinte
dans la vie de tous les jours.
En pratique, son évaluation se confond avec celle de l’IPP, et son taux
doit être évalué, après description, par référence au barème annexé au
décret 2003-314 du 4 avril 2003 relatif au caractère de gravité des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales prévues à l’article L.1142-1 du Code de la santé publique.

- Le préjudice d’agrément

L’expert donnera un avis motivé sur l’impossibilité définitive de continuer la
pratique d’une activité spécifique sportive ou de loisirs régulièrement exercée
antérieurement (en discutant l’imputabilité à l’événement causal).

- Le préjudice esthétique permanent

L’expert rendra compte de la nature et de l’importance du préjudice esthétique subi de façon définitive après la consolidation de l’état de la victime et l’évaluera sur l’échelle
de 1 à 7.

- Le préjudice sexuel

L’expert indiquera s’il existe ou existera (lorsque la victime est un enfant) un
préjudice sexuel (en se référant à la nomenclature Dintilhac).

- Le préjudice d’établissement

L’expert apportera tous les éléments permettant de déterminer si du fait de la gravité
du handicap résultant de l’événement indésirable en cause, la victime a perdu un
espoir ou une chance de réaliser un projet de vie familiale « normal » (se marier,
fonder une famille, élever des enfants).

- Les autres préjudices

L’expert donnera, s’il y a lieu, son avis sur l’existence éventuelle d’un dommage permanent exceptionnel ou encore d’un préjudice spécifique lié à une pathologie évolutive.

En résumé, en matière d’accidents de la circulation ou plus généralement d’accidents avec dommages corporels, la nomenclature Dintilhac, réputée exhaustive, fait désormais autorité dans la sphère médico-légale. Elle permet en effet d’aborder tous les postes possibles de préjudices et, par son caractère systématique, assure au justiciable que la réparation des préjudices corporels relevés et subis sera complète.

Joëlle Marteau-Péretié
Avocate en Droit du Travail et Droit du Dommage Corporel :
https://jmp-avocat-indemnisation.fr
https://www.marteau-peretie-avocat.eu

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