Médiation dans le cadre du contentieux assurantiel : ses points forts sont aussi ses faiblesses… Par Lionel Gonzales, Juriste.

Médiation dans le cadre du contentieux assurantiel : ses points forts sont aussi ses faiblesses...

Par Lionel Gonzales, Juriste.

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Explorer : # médiation # contentieux assurantiel # consommateur # procédure

Chaque année, le Médiateur de l’Assurance (LMA) publie un rapport qui rend compte de son activité. C’est l’occasion de faire le point sur le rôle et l’utilité de ce processus très particulier de médiation. Procédure écrite, accès sélectif, et proposition de solution, la médiation de l’assurance est vraiment une forme originale de médiation-conciliation !

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La médiation est une méthode de règlement des litiges, basée sur le dialogue, qui a été fortement encouragée depuis plusieurs années par les pouvoirs publics - la dernière évolution est l’instauration d’une médiation ou conciliation obligatoire avant toute saisine de la justice, pour les litiges inférieurs à 5 000 euros.

Pourtant, le législateur fait souvent un amalgame entre médiation, conciliation, conseil et arbitrage. A ce titre, la médiation dite de la consommation est une forme assez originale de médiation. Elle est réglementée par les articles L612-1 et suivants du Code de la consommation, qui prévoient que

« Tout consommateur a le droit de recourir gratuitement à un médiateur de la consommation en vue de la résolution amiable du litige qui l’oppose à un professionnel ».

Ainsi, le professionnel peut mettre en place son propre dispositif de médiation de la consommation ou proposer au consommateur le recours à tout autre médiateur de la consommation.

Contrairement aux principes généraux habituels de la médiation, et presque en contradiction avec le Code de déontologie des médiateurs, l’article R612-3 dispose que

« le médiateur communique, à la demande de l’une des parties, tout ou partie des pièces du dossier. A défaut d’accord amiable entre elles, il leur propose une solution pour régler le litige ».

La médiation de l’assurance est une forme de médiation de la consommation qui a été créée par les entreprises du secteurs. Elle bénéficie d’un budget de 5,2 millions d’euros en 2020, issu d’une cotisation forfaitaire de 5% et d’une cotisation supplémentaire variable des adhérant au LMA. L’avantage indéniable de ce processus c’est qu’il est gratuit pour le consommateur !

De nombreuses saisines, mais très peu de recevabilité !

Avec 17 350 saisines en 2020, en hausse de 18% sur un an, la Médiation de l’Assurance est l’une des plus importantes médiations de la consommation en France par le volume traité.

Cependant, seulement 30% des dossiers reçus sont recevables, la plupart des rejets venant du fait que le Service Réclamation de l’assureur ne s’est pas encore prononcé sur le litige.

Il faut actuellement au moins deux réponses négatives de l’assureur, dont celle du service réclamations, ou deux mois de silence de l’assureur devant la réclamation de l’assuré, pour que les recours internes soient considérés comme épuisés et que l’on puisse se tourner vers la Médiation.

Une procédure écrite et une posture de conciliateur.

Autre particularité, la médiation de l’assurance est une procédure écrite. En cas de recevabilité, le médiateur traite votre demande. Après étude de l’ensemble des pièces et des arguments communiqués par les parties, La Médiation de l’Assurance émet une proposition de solution.

En principe, le médiateur est neutre et impartiale, c’est-à-dire qu’il ne prend pas partie et il ne lui appartient pas de formuler d’avis ou de solution. La démarche du Médiateur de l’assurance est donc à ce titre particulièrement originale. Les équipes sont d’ailleurs essentiellement composées de « juristes ».

Une procédure encore trop longue.

Fin 2019, le délai de réponse de LMA était de presque 13 mois en moyenne, ce qui était beaucoup trop long. Fin 2020, il est revenu à 9 mois et demi grâce à une hausse de 16% du volume de propositions de solution. Pour fin 2021, l’objectif est de passer à moins de 8 mois et là encore, ce n’est qu’une étape vers des délais mieux maitrisés.

Des décisions peu favorables aux consommateur mais toujours respectées par les professionnels !

La Médiation de l’Assurance a donné raison à l’assuré, en tout ou partie, dans 30% des cas.

Selon le rapport annuel 2021 « Rétablir le juste » est une préoccupation du médiateur LMA. Au cours du premier semestre 2021, j’ai donné raison à l’assuré, au nom de l’équité, dans un peu plus de 6% des cas, contre 3,5% des dossiers en 2020.

Il se trouve que les assureurs et intermédiaires d’assurance suivent les propositions de solution dans 99,7% des cas.

La Médiation de l’Assurance est donc une instance de médiation au sens large qui a le mérite de permettre au consommateur tenace de bénéficier d’une lecture préalable de sa situation par une instance indépendante. L’avis du médiateur sera largement suivi par le professionnel, mais il faut reconnaitre qu’il donne rarement raison au consommateur.

Un processus loin des standards classiques de la médiation, mais qui a démontré sont utilité.

Le processus pourrait largement s’enrichir et se nourrir des formes plus traditionnelles de médiation, où le médiateur ne donne pas systématiquement d’avis et ne se prononce pas sur le fond du litige.

Une procédure aussi longue, écrite et sans aucune rencontre est une forme surprenante de « médiation juridique ». Nous pourrions plutôt parler d’une instance préalable de conciliation, tel qu’on peut le rencontrer en droit du travail devant le conseil des prud’hommes.

Ces formes de conciliations sont précieuses et répondent sans doute à un besoin de la profession. La Médiation de l’Assurance est encore perfectible en améliorant ses processus de saisine et d’accompagnement humain du conflit. Les outils de l’écoute, de la rencontre (même en visio !) peuvent venir compléter très utilement ce bel instrument au service des assureurs et de leurs clients.

La qualité indéniable des analyses juridiques du LMA, pourra s’accompagner d’un travail plus large sur la qualité relationnelle et un accueil du client plus attentif.

Chacun sait qu’en médiation le travail sur les ressentis et les émotions est le levier le plus rapide afin de débloquer une situation. Une idée pour réduire les délais... N’est-ce pas là aussi un bel objectif pour l’activité du médiateur en 2022 ?

Lionel Gonzales, Juriste
Médiateur près la Cour d’appel de Paris et de Grenoble,
Auteur du petit guide pratique de médiation et de négociation en entreprise.

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