Pendant la période de COVID-19 et suite au contexte d’accès aux juridictions réservé aux situations d’urgence, la procédure participative de type modes alternatifs de règlement des différends (MARD) avait permis, dans toutes les procédures judiciaires en cours, de mener une mise en état de manière conventionnelle. Dans la mesure où elle est possible à tout moment de l’instance, que la juridiction vienne d’être saisie et que la mise en état n’ait pas commencé ou qu’elle soit déjà en cours, la procédure participative de mise en état permet aux avocats de continuer à faire avancer leurs dossiers hors l’intervention du juge [1].
Cadres juridiques et extra judiciaires des MARD.
Depuis le 1er octobre 2023, il est obligatoire de recourir à un mode de résolution amiable avant de saisir le tribunal judiciaire pour un litige portant sur le paiement d’une somme qui ne dépasse pas 5 000 €.
Il peut s’agir de :
Transaction : La transaction est un accord contractualisé où les parties mettent fin à un litige ou préviennent un conflit potentiel par des concessions réciproques [2]. Ce mécanisme juridique est privilégié pour clore des litiges de manière définitive, et peut englober divers aspects des relations contractuelles, notamment les conditions de rupture de contrat de travail.
Conciliation et médiation : ces formes de MARD sont encouragées par le système judiciaire pour alléger la charge des tribunaux et fournir des résolutions plus adaptées aux besoins spécifiques des parties [3]. La médiation, en particulier, offre un espace où un médiateur aide les parties à explorer des solutions amiables, ce qui est essentiel dans des situations sensibles comme le harcèlement moral où la dimension émotionnelle est prégnante.
La médiation peut être judiciaire ou extrajudiciaire. La médiation judiciaire intervient dans le cadre d’un litige déjà porté devant un tribunal. Un juge peut ordonner une médiation afin d’aider les parties à trouver un accord amiable plutôt que de passer par un long processus judiciaire.
En revanche, la médiation extrajudiciaire se déroule en dehors du système judiciaire, souvent à la demande des parties elles-mêmes pour résoudre un conflit avant qu’il ne soit porté devant les tribunaux. Lors d’un conflit extrajudiciaire, le rôle de médiateur est généralement assumé par une tierce partie neutre et impartiale. Cette tierce partie peut être désignée de différentes manières selon le contexte et les préférences des parties en conflit.
Voici quelques exemples de médiateurs dans des situations extrajudiciaires :
- Médiateur professionnel : il s’agit d’une personne formée spécifiquement pour faciliter la résolution de conflits. Les médiateurs professionnels peuvent être engagés par les parties en conflit ou être recommandés par des organisations spécialisées dans la médiation.
- Avocat médiateur : dans certains cas, un avocat peut agir en tant que médiateur. Cela peut être particulièrement utile lorsque le conflit concerne des questions légales complexes et que les parties préfèrent éviter une procédure judiciaire formelle.
- Médiateur institutionnel : certaines institutions, telles que les chambres de commerce, les associations professionnelles ou les organisations non gouvernementales, proposent des services de médiation pour leurs membres ou pour le public en général. Les médiateurs travaillant au sein de ces institutions peuvent être désignés pour intervenir dans des conflits extrajudiciaires.
- Médiateur désigné par accord mutuel : les parties en conflit peuvent convenir mutuellement d’un médiateur pour faciliter la résolution de leur différend. Il peut s’agir d’une personne qu’elles connaissent et en qui elles ont confiance, ou d’un professionnel recommandé par un tiers de confiance.
Dans tous les cas, le rôle du médiateur est de faciliter la communication entre les parties en conflit, de les aider à identifier leurs intérêts et leurs besoins respectifs, et de les guider vers un accord mutuellement acceptable. Le médiateur n’a pas le pouvoir de prendre des décisions contraignantes, mais il peut aider les parties à trouver des solutions créatives et durables à leur différend.
Le succès de la médiation dépend souvent de la volonté des parties à coopérer et à chercher des solutions mutuellement satisfaisantes. Le rôle du médiateur est de faciliter ce processus en guidant les parties à travers les étapes de la médiation et en les aidant à surmonter les obstacles qui pourraient surgir en cours de route.
Obligation de tentative préalable de MARD.
Depuis la loi n° 2019-222 du 23 mars 2019 (modifiée) le cadre législatif et réglementaire impose, pour certains types de litiges, une tentative obligatoire de MARD avant toute procédure judiciaire. Ce dispositif vise à réduire le nombre de cas arrivant devant les tribunaux et à promouvoir une résolution des conflits plus rapide et économique.
Le décret n° 2023-357 du 11 mai 2023 relatif à la tentative préalable obligatoire de médiation, de conciliation ou de procédure participative en matière civile, précise les conditions de cette obligation, notamment par la définition de motifs légitimes et de délais raisonnables qui peuvent dispenser les parties de cette exigence préalable. Le non-respect de cette obligation peut entraîner l’irrecevabilité de la demande en justice, soulignant l’importance de cette démarche initiale.
Cette obligation peut varier selon les juridictions et les types de litiges, mais dans de nombreux cas, les parties en conflit sont tenues de tenter les MARD avant de pouvoir engager une action en justice.
Cette obligation est souvent mise en place dans le but de promouvoir des méthodes alternatives de résolution des conflits et de désengorger les tribunaux en encourageant les parties à régler leurs différends de manière amiable. En faisant participer les parties à une médiation, on leur donne l’occasion de trouver une solution qui répond à leurs besoins et à leurs intérêts, tout en évitant les coûts, les délais et les incertitudes associés à une procédure judiciaire formelle.
Si une partie ignore cette obligation et engage une action en justice sans avoir tenté la médiation préalable, le tribunal peut déclarer la demande irrecevable. Cela signifie que la demande ne sera pas examinée sur le fond et que la partie devra probablement retourner à la médiation avant de pouvoir poursuivre la procédure judiciaire.
L’obligation de médiation souligne l’importance accordée aux méthodes alternatives de résolution des conflits et met en évidence le rôle crucial que la médiation peut jouer dans la résolution efficace des différends.
Avantages des MARD.
Les avantages des MARD incluent la réduction des coûts et des délais liés aux procédures judiciaires traditionnelles, tout en proposant une approche plus personnalisée et juste pour régler les litiges. Ils sont extrêmement utiles pour gérer des conflits complexes, tels que ceux impliquant des interactions personnelles, où une solution purement judiciaire pourrait ne pas suffire à répondre aux besoins réels des parties impliquées.
En outre, les MARD offrent un cadre plus flexible et confidentiel. Les parties peuvent choisir le médiateur ou l’arbitre en fonction de leur expertise spécifique, ce qui peut être particulièrement bénéfique dans des litiges nécessitant des connaissances techniques ou sectorielles. De plus, le haut niveau de confidentialité des processus de médiation et d’arbitrage permet également aux parties de discuter librement et d’explorer des solutions créatives sans craindre une exposition publique. De plus, la nature consensuelle des MARD peut favoriser la préservation des relations professionnelles ou personnelles, souvent mises à mal par des procédures judiciaires.
Les MARD présentent des avantages inattendus qui enrichissent le processus de résolution de conflits. En travaillant ensemble pour trouver une solution à leur différend, les parties améliorent souvent leur communication et leur compréhension mutuelle, renforçant ainsi leurs relations interpersonnelles. La flexibilité offerte par les MARD permet également d’explorer des solutions créatives et innovantes qui répondent de manière unique aux besoins spécifiques des parties.
Les économies de temps et d’argent sont un avantage bien connu des MARD, mais ces économies bénéficient non seulement aux parties en conflit, mais aussi au système judiciaire dans son ensemble, en libérant des ressources pour des cas plus complexes et urgents. De plus, les MARD permettent aux parties de prendre un rôle actif dans la résolution de leur propre conflit, renforçant ainsi leur sentiment de contrôle et d’empowerment. En trouvant une solution amiable à leur différend, les parties peuvent également éviter les conflits prolongés qui pourraient nuire à leurs relations futures, que ce soit dans un contexte professionnel ou personnel.
Les MARD offrent un large éventail d’avantages qui vont au-delà de la simple résolution du différend immédiat. Le processus de résolution des conflits peut enrichir les relations, encourager l’innovation, préserver la confidentialité, économiser du temps et de l’argent, renforcer le sentiment de contrôle des parties, et préserver les relations futures.
Application des MARD dans les cas de harcèlement moral.
Le recours aux MARD dans les cas de harcèlement moral présente une approche prometteuse et adaptée aux défis spécifiques rencontrés dans ces situations délicates. Le harcèlement moral, souvent insidieux et difficile à documenter, peut laisser les victimes se sentir isolées et démunies, confrontées à des obstacles complexes lorsqu’elles cherchent à obtenir justice.
Dans ce contexte, les MARD offrent plusieurs avantages précieux.
Tout d’abord, la conciliation et la médiation fournissent un cadre informel qui peut aider à atténuer le stress et l’anxiété associés aux procédures judiciaires traditionnelles. Contrairement aux tribunaux, où les interactions peuvent être formelles, voire intimidantes, la médiation favorise un dialogue ouvert et respectueux, facilitant ainsi une communication efficace entre les parties.
De plus, les MARD offrent une confidentialité accrue, permettant aux victimes de discuter de leurs expériences de manière sécurisée et sans crainte de représailles. Dans les environnements professionnels où la peur de la stigmatisation ou de la perte d’emploi peut dissuader les victimes de signaler le harcèlement, la confidentialité offerte par la médiation peut encourager une plus grande transparence et un meilleur accès à la justice.
Un autre avantage des MARD dans les cas de harcèlement moral réside dans leur flexibilité et leur capacité à s’adapter aux besoins uniques de chaque situation. Alors que les procédures judiciaires traditionnelles suivent souvent un processus rigide et formalisé, la médiation permet aux parties de collaborer pour trouver des solutions créatives et personnalisées qui répondent aux besoins spécifiques de chacun. Par exemple, un accord de médiation peut inclure des mesures correctives telles que des formations sur la sensibilisation au harcèlement, des modifications des politiques de l’entreprise ou des indemnités compensatoires pour les victimes.
Les MARD offrent une approche prometteuse et sensible pour traiter les cas de harcèlement moral, en offrant un environnement moins formel et potentiellement moins traumatisant pour les victimes. En encourageant un dialogue ouvert, en préservant la confidentialité et en favorisant des solutions personnalisées, la médiation et la conciliation peuvent jouer un rôle crucial dans la recherche de la justice et de la réparation pour les victimes de harcèlement moral.
Les inconvénients des MARD.
Les MARD présentent également certains inconvénients.
L’un des principaux désavantages est que les solutions obtenues par ces modes peuvent manquer de la force exécutoire immédiate d’une décision judiciaire. Bien que les accords issus de la médiation ou les sentences arbitrales puissent être homologués par un tribunal, ce processus ajoute une étape supplémentaire.
De plus, les MARD ne conviennent pas toujours aux litiges impliquant des déséquilibres de pouvoir importants entre les parties, où la partie la plus faible pourrait ne pas être en mesure de négocier équitablement.
Un autre inconvénient réside dans la qualité variable des praticiens des MARD. La compétence et l’impartialité du médiateur ou de l’arbitre sont cruciales pour le succès du processus, mais ces qualités ne sont pas toujours garanties. En outre, certaines parties peuvent percevoir le processus comme moins légitime ou moins officiel que les tribunaux, ce qui peut influencer leur volonté de participer de bonne foi.
Il est important de reconnaître que les MARD ne sont pas une solution universelle et peuvent ne pas convenir à tous les cas de harcèlement moral. Dans les situations où la sécurité des victimes est en danger ou lorsque le harcèlement est particulièrement grave, il peut être nécessaire de recourir à des mesures plus contraignantes, telles que des poursuites judiciaires ou des enquêtes internes approfondies.
Conclusion.
Il est important de noter que les MARD ne sont pas adaptés à tous les types de litiges. Par exemple, les cas impliquant des questions de droit pénal, des droits de l’homme, ou des crimes graves ne peuvent généralement pas être résolus par des moyens alternatifs en raison de leur nature et des implications légales plus larges.
Bien que les MARD offrent des avantages considérables en termes de réduction des coûts, de délais et de personnalisation des solutions, ils comportent aussi des inconvénients tels que la force exécutoire immédiate limitée, les déséquilibres de pouvoir potentiels, la variabilité de la compétence des praticiens et leur inadéquation pour certains types de litiges. De plus, parfois, les accords conclus dans le cadre de MARD peuvent être mal interprétés ou mal rédigés, ce qui peut entraîner des conflits ultérieurs quant à leur exécution. Une communication insuffisante ou des attentes mal alignées peuvent conduire à des désaccords sur la manière dont les termes de l’accord doivent être appliqués.
La réintégration MARD pour les litiges d’un montant inférieur à 5 000 euros dans le système juridique français vise à offrir une solution plus accessible, rapide et moins conflictuelle pour résoudre les différends. Cette démarche s’inscrit dans une volonté de moderniser et d’adapter la Justice aux besoins des citoyens, en proposant des alternatives efficaces et appropriées pour traiter les litiges contemporains.
En favorisant la recherche d’une issue amiable, les MARD contribuent à améliorer le fonctionnement des organisations et à prévenir les conflits en abordant les divergences de manière proactive et constructive. Ils permettent ainsi de réduire les tensions et les coûts liés à la justice traditionnelle, en offrant aux parties concernées la possibilité de trouver un compromis et d’éviter des procédures longues et complexes.
En promouvant l’utilisation des MARD, l’objectif est de rendre la Justice plus accessible et moins intimidante pour les citoyens, en facilitant la résolution des litiges de manière plus informelle et collaborative. Cette approche met l’accent sur la communication et la médiation, permettant aux parties en conflit de travailler ensemble pour trouver des solutions mutuellement acceptables, dans le respect des intérêts et des besoins de chacun.
En fin de compte, les MARD offrent une approche innovante et efficace pour traiter les litiges avec un enjeu limité, en favorisant le dialogue et la compréhension mutuelle. Ils contribuent à instaurer un climat de confiance et de coopération, tout en répondant aux besoins des individus et des organisations confrontés à des différends, dans une perspective de réconciliation et de résolution constructive des conflits.