Majorité numérique et lutte contre la haine en ligne.

Par Jean-François Carlot, Avocat Honoraire.

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Explorer : # majorité numérique # lutte contre la haine en ligne # harcèlement en ligne # protection des mineurs

Publiée au JO du 8 juillet 2023, la loi du 7 juillet 2023, composée de sept articles, modifie et complète les dispositions de la loi ° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, laquelle avait transposé la directive européenne sur le commerce électronique et créé ainsi un droit général de l’internet.

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Elle a pour principales mesures :

  • De définir la notion de réseaux sociaux ;
  • De prévenir les atteintes à la vie privée, sécurité des personnes, chantage et harcèlement, avec obligation de signalement des structures d’accompagnement ;
  • De rendre visibles à leurs utilisateurs des messages de prévention contre le harcèlement en indiquant aux personnes auteurs de signalement les structures d’accompagnement face au harcèlement en ligne ;
  • D’établir à 15 ans l’âge de la majorité numérique sur les réseaux sociaux avec obligations :
    • de refuser l’inscription à leurs services des mineurs de quinze ans, sauf si l’autorisation de cette inscription est donnée par l’un des titulaires de l’autorité parentale ;
    • d’informer les utilisateurs de moins de quinze ans et les titulaires de l’autorité parentale sur les risques liés aux usages numériques et les moyens de prévention et de leur délivrer également à ces utilisateurs une information claire et adaptée sur les conditions d’utilisation de ses données et de ses droits ;
    • de prévoir des dispositifs permettant de contrôler le temps d’utilisation de leur service et d’informer régulièrement l’usager de cette durée par des notifications ;
    • d’imposer la mise en place de solutions techniques certifiées pour vérifier l’âge des utilisateurs finaux et l’autorisation de l’un des titulaires de l’autorité parentale de l’inscription des mineurs de quinze ans aux fins de vérification, avec contrôle de l’ARCOM ;
  • D’imposer des délais très courts aux services en ligne pour fournir les données de nature à permettre l’identification de quiconque a contribué à la création d’un contenu d’un service.

La loi ajoute une définition de la notion de service de réseaux sociaux :

« On entend par service de réseaux sociaux en ligne toute plateforme permettant aux utilisateurs finaux de se connecter et de communiquer entre eux, de partager des contenus et de découvrir d’autres utilisateurs et d’autres contenus, sur plusieurs appareils, en particulier au moyen de conversations en ligne, de publications, de vidéos et de recommandations » [1].

Article 2 : Répression des atteintes à la vie privée, sécurité des personnes, chantage et harcèlement.

Le troisième alinéa du 7 du I de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 précitée est ainsi modifié (en gras) : « Compte tenu de l’intérêt général attaché à la répression de l’apologie, de la négation ou de la banalisation des crimes contre l’humanité, de la provocation à la commission d’actes de terrorisme et de leur apologie, de l’incitation à la haine raciale, à la haine à l’égard de personnes à raison de leur sexe, de leur orientation sexuelle, de leur identité de genre ou de leur handicap ainsi que de la pornographie enfantine, de l’incitation à la violence, notamment l’incitation aux violences sexuelles et sexistes, ainsi que des atteintes à la dignité humaine, à la représentation, à la vie privée et à la sécurité des personnes et à la lutte contre toutes les formes de chantage et de harcèlement, les personnes mentionnées ci-dessus doivent concourir à la lutte contre la diffusion des infractions visées aux cinquième, septième et huitième alinéas de l’article 24 et aux articles 24 bis et 33 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse et aux articles 222-33,222-33-2-1 à 222-33-2-3,223-1-1,225-4-1,225-4-13,225-5,225-6,226-1,226-2,226-2-1,226-8,226-21,226-22,227-23,227-24,312-10 à 312-12 et 421-2-5 du Code pénal.

Article 3 : Messages de prévention du harcèlement.

Insertion dans le quatrième alinéa du 7 du I de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 : A ce titre, elles doivent mettre en place un dispositif facilement accessible et visible permettant à toute personne de porter à leur connaissance ce type de données et rendre publics les moyens qu’elles consacrent à la lutte contre les activités illicites mentionnées au troisième alinéa du présent 7. Elles rendent visibles à leurs utilisateurs des messages de prévention contre le harcèlement défini à l’article 222-33-2-2 du même code et indiquent aux personnes auteurs de signalement les structures d’accompagnement face au harcèlement en ligne. Ces obligations ne sont pas applicables aux opérateurs mentionnés au I de l’article 6-4 pour la lutte contre la diffusion des contenus mentionnés au même I. Les personnes mentionnées aux 1 et 2 du présent I ont également l’obligation d’informer promptement les autorités publiques compétentes de toutes activités illicites mentionnées au troisième alinéa du présent 7 qui leur seraient signalées et qu’exerceraient les destinataires de leurs services.

Article 4 : Majorité de 15 ans pour les réseaux sociaux.

Après l’article 6-5 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004, il est inséré un article 6-7 ainsi rédigé : «  Art. 6-7.-I.-Les fournisseurs de services de réseaux sociaux en ligne exerçant leur activité en France refusent l’inscription à leurs services des mineurs de quinze ans, sauf si l’autorisation de cette inscription est donnée par l’un des titulaires de l’autorité parentale sur le mineur. Ils recueillent également, dans les mêmes conditions et dans les meilleurs délais, l’autorisation expresse de l’un des titulaires de l’autorité parentale relative aux comptes déjà créés et détenus par des mineurs de quinze ans. Lors de l’inscription, ces entreprises délivrent une information à l’utilisateur de moins de quinze ans et aux titulaires de l’autorité parentale sur les risques liés aux usages numériques et les moyens de prévention. Elles délivrent également à l’utilisateur de moins de quinze ans une information claire et adaptée sur les conditions d’utilisation de ses données et de ses droits garantis par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés.

L’un des titulaires de l’autorité parentale peut demander aux fournisseurs de services de réseaux sociaux en ligne la suspension du compte du mineur de quinze ans.

Lors de l’inscription d’un mineur, les fournisseurs de services de réseaux sociaux en ligne activent un dispositif permettant de contrôler le temps d’utilisation de leur service et informent régulièrement l’usager de cette durée par des notifications.

Afin de vérifier l’âge des utilisateurs finaux et l’autorisation de l’un des titulaires de l’autorité parentale, les fournisseurs de services de réseaux sociaux en ligne utilisent des solutions techniques conformes à un référentiel élaboré par l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique, après consultation de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

II.- Lorsqu’il constate qu’un fournisseur de services de réseaux sociaux en ligne n’a pas mis en œuvre de solution technique certifiée pour vérifier l’âge des utilisateurs finaux et l’autorisation de l’un des titulaires de l’autorité parentale de l’inscription des mineurs de quinze ans, le président de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM) adresse à ce fournisseur, par tout moyen propre à en établir la date de réception, une mise en demeure de prendre toutes les mesures requises pour satisfaire aux obligations prévues au I. Le fournisseur dispose d’un délai de quinze jours à compter de la mise en demeure pour présenter ses observations.

A l’expiration de ce délai, en cas d’inexécution de la mise en demeure, le président de l’ARCOM peut saisir le président du Tribunal judiciaire de Paris aux fins d’ordonner au fournisseur de mettre en œuvre une solution technique conforme.
Le fait pour un fournisseur de services de réseaux sociaux en ligne de ne pas satisfaire aux obligations prévues au même I est puni d’une amende ne pouvant excéder 1% de son chiffre d’affaires mondial pour l’exercice précédent.

III.- Les obligations prévues au I ne s’appliquent ni aux encyclopédies en ligne à but non lucratif ni aux répertoires éducatifs ou scientifiques à but non lucratif.

IV.- Les modalités d’application du présent article sont fixées par un décret en Conseil d’Etat, pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés  ».

Article 5 : Fourniture de données dans un délai de 10 jours, ramené à 8 heures.

Adjonction au premier alinéa du 1 du VI de l’article 6 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 précitée est complété par les mots (en gras) : VI.-1. Est puni d’un an d’emprisonnement et de 250 000 Euros d’amende le fait, pour une personne physique ou le dirigeant de droit ou de fait d’une personne morale exerçant l’une des activités définies aux 1 et 2 du I, de ne pas satisfaire aux obligations définies aux quatrième et cinquième alinéas du 7 du I du présent article ni à celles prévues à l’article 6-1 de la présente loi, de ne pas avoir conservé les éléments d’information visés au II du présent article (données de nature à permettre l’identification de quiconque a contribué à la création d’un contenu d’un service) ou de ne pas déférer à la demande d’une autorité judiciaire d’obtenir communication desdits éléments dans un délai de dix jours à compter de la réception de la demande ou, en cas d’urgence résultant d’un risque imminent d’atteinte grave aux personnes, dans un délai de huit heures.

Article 6 - Rapport d’évaluation dans un an.

Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai d’un an à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport présentant les conséquences de l’utilisation des plateformes en ligne, de la surinformation et de l’exposition aux fausses informations sur la santé physique et mentale des jeunes, notamment des mineurs, ainsi que sur leurs capacités d’apprentissage.

Article 7 - Entrée en vigueur.

I. - La présente loi entrera en vigueur à une date fixée par décret qui ne peut être postérieure de plus de trois mois à la date de réception par le Gouvernement de la réponse de la Commission européenne permettant de considérer le dispositif législatif lui ayant été notifié comme conforme au droit de l’Union européenne.

II. - Par dérogation au I :
1° La deuxième phrase du premier alinéa du I de l’article 6-7 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 pour la confiance dans l’économie numérique (concernant l’autorisation expresse de l’un des titulaires de l’autorité parentale relative aux comptes déjà créés et détenus par des mineurs de quinze ans) entre en vigueur deux ans après la date d’entrée en vigueur mentionnée au I du présent article ;

2° Le II de l’article 6-7 de la loi n° 2004-575 du 21 juin 2004 (concernant le contrôle de l’ARCOM pour défaut de mise en œuvre de solution technique certifiée pour vérifier l’âge des utilisateurs finaux) entre en vigueur un an après la date d’entrée en vigueur mentionnée au I du présent article.

Jean-François Carlot
Docteur en Droit - Avocat Honoraire - Médiateur
www.jurilis.fr

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Notes de l'article:

[1Définition déjà adoptée par l’article 2 du DMA.

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