Avec la loi de finances pour 2024, on a assisté à un véritable micmac concernant la fiscalité des meublés de tourisme, plus particulièrement le droit au régime micro-BIC et l’abattement applicable pour ces meublés.
L’imbroglio provient d’une double erreur :
tout d’abord, une erreur du Gouvernement qui, dans le texte de la loi de finances pour 2024 adopté via la procédure de l’article 49,3 de la Constitution, a repris un amendement sénatorial auquel il était défavorable ;
mais une erreur aussi dans la rédaction dudit amendement, qui, en s’emmêlant les pinceaux dans les différents alinéas – effectivement indigestes – de l’article 50-0, 1 du Code général des impôts (sur la limite de chiffre d’affaires pour bénéficier du régime micro et sur l’abattement forfaitaire applicable), ne rabotait finalement pas la fiscalité des meublés de tourisme classés [1].
La conséquence en est maintenant connue. Pour les meublés de tourisme classés, les propriétaires peuvent encore, dans leur déclaration 2024 sur les revenus de 2023, se placer sous le régime micro-BIC avec un abattement forfaitaire de 71 % si leur chiffre d’affaires ne dépasse pas 188 700 € (il en va de même pour les chambres d’hôtes) [2]. Mais, même pour les meublés de courte durée non classés, l’administration fiscale a formellement indiqué qu’ils pourraient, en tout cas pour la déclaration 2024, encore bénéficier du régime micro avec un abattement de 50 % jusqu’à 77 700 € (commentaires publiés au Bulletin officiel des finances publiques le 14 février dernier). Certes, on peut se demander si l’administration pouvait valablement aller à l’encontre de la loi (concernant les meublés non classés, la loi de finances réserve clairement le micro aux chiffres d’affaires inférieurs à 15.000 € en 2023, l’abattement forfaitaire étant ramené de 50 % à 30 %). On suivra donc avec attention l’issue du recours en annulation intenté par plusieurs sénateurs et fédérations d’hôteliers. Cependant, on n’imagine pas que, dans quelques semaines, après que chacun ait rempli sa déclaration d’impôt, le Conseil d’Etat puisse, même en cas d’annulation, remettre en cause la limite des 77.700 € et l’abattement de 50 % pour 2023 [3]. En ce sens, il est peut-être un peu dommage que, en mars dernier, le juge des référés du Conseil d’Etat ait considéré qu’aucune urgence n’imposait d’examiner une éventuelle suspension [4].
Ce qui est peut-être moins connu, c’est que, par accident, et toujours en se trompant dans les différents alinéas de l’article 50-0 du CGI, les auteurs de la réforme ont créé une super niche fiscale. En effet, il ressort du texte de la loi de finances que, dans les territoires ruraux, les meublés de tourisme classés ne dégageant pas plus de 15.000 € de chiffre d’affaires peuvent bénéficier du régime micro avec un abattement de 92 %. En visant les « zones géographiques se caractérisant par un déséquilibre important entre l’offre et la demande de logements », on pouvait de demander si la loi de finances renvoyait au champ d’application de la taxe sur les logements vacants. C’est d’ailleurs ce qu’indique depuis le 17 avril dernier le portail officiel service-public.fr. Il faut néanmoins s’en tenir aux indications de la DgFip, selon laquelle le super abattement de 92 % est réservé aux « zones B2 et C (…) prévues par l’arrêté du 2 octobre 2023 modifiant l’arrêté du 1er août 2014 » [5] applicable en matière de dispositifs d’incitation fiscale (voir l’arrêté du 1er août 2014 pris en application de l’article R. 304-1 du code de la construction et de l’habitation - Légifrance (legifrance.gouv.fr)). Cette restriction aux zones B2 et C (la zone C est constituée du « reste du territoire » non classé dans les autres zones) est certes un peu arbitraire. Cependant, dans le flou général laissé par le texte de la loi de finances, on ne peut en vouloir à l’administration fiscale d’avoir tranché.
Les rares chanceux pouvant en profiter (il faut que le meublé soit classé, situé en zone B2 ou C et ne dégage pas plus de 15.000 € de chiffre d’affaires) auront tort de ne pas en profiter. Pour sûr, l’abattement de 92 % ne survivra pas à la déclaration de 2024 sur les revenus de 2023. Plus largement, la proposition de loi « Le Meur » visant à remédier aux déséquilibres du marché locatif en zone tendue, en cours d’adoption au Parlement, présage d’un rabotage sévère de la fiscalité des meublés. Il se pourrait néanmoins que cette nouvelle réforme ne s’applique qu’aux revenus perçus à compter de 2025 (c’est en tout cas le sens d’une précision ajoutée par le Sénat ce 21 mai) [6].