La levée de la clause de non-concurrence.

Par Pascaline Mélinon, Avocat.

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Explorer : # clause de non-concurrence # renonciation # indemnité compensatrice # contrat de travail

La levée de la clause de non-concurrence est une étape particulièrement importante à l’occasion de la rupture du contrat de travail.

La mise en œuvre de cette faculté donne lieu à un contentieux abondant.

Voici un récapitulatif des règles en la matière à la lumière de la jurisprudence récente.

-

Pour rappel, l’employeur peut renoncer unilatéralement à l’application d’une clause de non-concurrence dès lors que cette faculté est prévue dans le contrat de travail ou la convention collective.

A défaut, l’accord du salarié à la levée de la clause est requis.

Le salarié est alors délié de son obligation de non-concurrence tandis que l’employeur n’est pas tenu de lui verser l’indemnité.

Cet article ne traitera pas des conditions de validité d’une clause de non-concurrence. Nous partons du principe que la clause est valide.

Ainsi, après la rupture du contrat de travail, le salarié retrouve, en principe, une entière liberté d’exercer toute activité même concurrente de celle de son ex-employeur, sous réserve de ne pas en user de manière déloyale. L’exercice de cette liberté est toutefois entravé ou différé si l’intéressé est soumis à une clause de non-concurrence.

A titre liminaire, il y a lieu de rappeler qu’une clause de non-concurrence est stipulée dans l’intérêt du salarié et de l’employeur. Ce dernier ne saurait donc y renoncer unilatéralement, même au cours du contrat de travail, si ce contrat ou la convention collective ne lui en donne pas expressément la possibilité.

I. La renonciation à la clause de non-concurrence.

Lorsqu’elle est possible, la renonciation doit être explicite et non équivoque [1] et notifiée individuellement au salarié [2].

Il a été jugé que la renonciation à la clause de non-concurrence ne saurait résulter de la mention « libre de tout engagement » figurant sur le certificat de travail [3], ni de l’indication dans le plan de sauvegarde de l’emploi de la levée systématique de l’obligation de non-concurrence des salariés licenciés [4].

Ne vaut pas non plus renonciation une formule générale dans l’accord de rupture conventionnelle par laquelle le salarié se déclare rempli de l’intégralité de ses droits au titre de la formation, de l’exécution et la rupture du contrat de travail ainsi que de toute relation de fait ou de droit ayant existé entre les parties [5].

Il faut distinguer deux situations, la première en l’absence de dispositions contractuelles ou conventionnelles, la seconde en présence de règles et de délais fixés dans le contrat de travail ou la convention collective.

En l’absence de disposition conventionnelle ou contractuelle fixant valablement le délai de renonciation, l’employeur ne peut être dispensé de verser la contrepartie financière que s’il libère le salarié de son obligation de non-concurrence au moment du licenciement [6].

En présence de disposition conventionnelle ou contractuelle prévoyant que la renonciation doit intervenir dans un certain délai après la notification de la rupture du contrat, ce délai a pour point de départ la date d’envoi de la lettre mettant fin audit contrat [7].

En cas de résiliation judiciaire du contrat, ce délai court à compter du jugement [8].

En cas de rupture conventionnelle, le point de départ du délai est la date de rupture fixée dans la convention [9].

S’agissant de la computation des délais, le délai de renonciation s’impute de date à date, sans déduction des samedis, dimanches et jours fériés [10].

Pour apprécier si le délai est respecté, il convient de se placer à la date d’envoi de la lettre de renonciation à la clause [11], peu importe que le salarié ne l’ait pas reçue dès lors que l’employeur apporte la preuve de son envoi [12].

En cas de dispense de préavis ou d’adhésion du salarié à un contrat de sécurisation professionnelle, la renonciation doit intervenir au plus tard le jour du départ effectif de l’intéressé de l’entreprise, peu importe les dispositions contraires du contrat ou de la convention collective [13].

En revanche, l’employeur qui n’a pas dispensé le salarié d’exécuter son préavis peut renoncer à la clause au cours de l’exécution de celui-ci, peu importe que l’intéressé cesse de venir travailler [14].

Les règles précitées sont identiques en cas de licenciement verbal avec dispense de préavis. L’employeur ne doit pas omettre de délier son salarié de sa clause de non-concurrence.

II. Les conséquences d’une levée tardive de la clause de non-concurrence.

Si l’employeur ne renonce pas à la clause de non-concurrence dans les délais susmentionnées il ne peut le régulariser a posteriori. Cela est qualifié d’une levée ou d’une renonciation tardive d’une clause de non-concurrence.

En cas de renonciation tardive, l’employeur est redevable de l’indemnité compensatrice pour la période pendant laquelle le salarié respecte la clause [15] sans que ce dernier ait à invoquer un préjudice [16].

Le droit à l’indemnité commence en même temps que l’obligation de non-concurrence pesant sur le salarié, c’est-à-dire à partir de la cessation du contrat de travail. C’est seulement à partir de cette date que l’ancien employeur est tenu de verser l’indemnité, sauf meilleur accord des parties.

En cas d’inexécution du préavis, le salarié est lié par l’obligation de non-concurrence dès son départ effectif de l’entreprise. Il peut prétendre dès cette date au versement de l’indemnité, sans attendre la fin de l’éventuel préavis.

Lorsque la convention collective prévoit le versement de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence sous forme d’une indemnité mensuelle, elle prend naissance mois par mois. Le salarié ne peut en obtenir le paiement immédiat en capital dès la date de la rupture de son contrat de travail.

D’un point de vue comptable, l’indemnité est assujettie aux cotisations sociales, à la CSG et à la CRDS. Ainsi, les indemnités compensatrices de non-concurrence doivent figurer sur le bulletin de paie. Il y a lieu d’émettre un bulletin à chaque versement.

En outre, cette indemnité à la nature d’un salaire. L’employeur est donc tenu d’effectuer le prélèvement à la source de l’impôt sur le revenu.

Pascaline MÉLINON - Avocat au Barreau de Paris
Droit des Affaires - Droit du Travail
14 rue Le Sueur - 75016 Paris
pmelinon chez melinon-avocat.com
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Notes de l'article:

[1Cass. soc. 12-7-1989 n° 86-41.668.

[2Cass. soc. 12-7-1989 n° 86-41.668 - Cass. soc. 21-10-2009 n° 08-40.828.

[3Cass. soc. 25-10-1995 n° 93-45.442.

[4Cass. soc. 23-9-2008 n° 07-41.649.

[5Cass. soc. 6-2-2019 n° 17-27.188.

[6Cass. soc. 13-7-2010 n° 09-41.626.

[7Cass. soc. 30-3-2011 n° 09-41.583

[8Cass. soc. 6-5-2009 n° 07-44.692.

[9Cass. soc. 29-1-2014 n° 12-22.116.

[10Cass. soc. 30-3-2011 n° 09-41.583.

[11Cass. soc. 25-11-2009 n° 08-41.219.

[12Cass. soc. 10-7-2013 n° 12-14.080.

[13Cass. soc. 13-3-2013 n° 11-21.150.

[14Cass. soc. 21-3-2018 n° 16-21.021 FS-PB : RJS 6/18 n° 407.

[15Cass. soc. 13-9-2005 n° 02-46.795.

[16Cass. soc. 27-3-2008 n° 07-40.195.

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Discussions en cours :

  • Dernière réponse : 11 mars 2021 à 23:10
    par Elena , Le 20 décembre 2020 à 23:42

    Bonjour,
    Je suis partie de l’entreprise le 30 novembre. J’ai un engagement de mon employeur concernant le versement de 6 mois d’indemnités de clause de non concurrence. A partir de quelle date doit -il me la verser ? Dès début décembre, avec le salaire de novembre, ou bien à partir de début janvier ?
    Merci d’avance de votre réponse,
    Cordialement,

    • Bonjour,
      Dans mon contrat de travail, il est mentionné une clause de non concurrence pour une période, un montant et une localisation.
      Cependant à la fin de mon contrat, mon employeur n’a pas renoncé à la clause mais ne m’a également rien versé, alors qu il était stipulé que cette clause devait être payé à la rupture de mon contrat. Existe il une période de prescription au delà duquel, il est considéré que je suis libéré de cette clause.

      Merci

  • par Frédéric MEUNIER , Le 29 janvier 2021 à 16:39

    En cas de levée tardive de la clause par l’employeur, ce dernier est redevable de quoi ?

    - de la date effective du départ du salarié jusqu’à la date tardive de la levée de la clause.
    Ou
    - de la date effective du départ du salarié jusqu’au terme de la durée de la clause (en supposant que le salarié respecte l’interdiction)

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