La nécessité de connaître sa résidence fiscale.
La détermination de la résidence fiscale est cruciale dans le contexte de la fiscalité des cryptomonnaies, en particulier pour les juristes conseillant des clients sur l’optimisation fiscale. En France, l’article 4B du Code général des impôts (CGI) définit plusieurs critères pour établir la résidence fiscale, comme le foyer d’habitation, le lieu de séjour principal, et le centre des intérêts économiques et personnels. Cependant, chaque pays a ses propres critères, ce qui peut entraîner des situations de double résidence.
Les conventions fiscales internationales ont pour objectif de prévenir la double imposition. Un exemple souvent cité est celui des Émirats arabes unis, considérés comme une destination attractive pour les Français souhaitant alléger leur charge fiscale. Néanmoins, il est essentiel de noter que la convention fiscale entre la France et les Émirats exclut les ressortissants français. Ainsi, même si un Français s’installe aux Émirats, il reste sujet à l’impôt en France, ce qui rend cette option moins avantageuse qu’elle ne le paraît initialement.
La situation devient encore plus complexe pour les expatriés qui possèdent des biens en France où ont des enfants. Les conventions fiscales évaluent divers critères, tels que la résidence permanente, le centre des intérêts économiques (qui englobe les revenus et le patrimoine), et le lieu de séjour habituel. Chaque critère est examiné pour établir la résidence fiscale véritable d’une personne. Pour éviter d’être considéré comme résident fiscal en France, il est souvent conseillé de ne pas maintenir de résidence permanente en France. Cette considération est particulièrement importante dans le domaine des cryptomonnaies, où la résidence fiscale peut avoir un impact significatif sur l’imposition des gains.
Le cadre fiscal des cryptomonnaies en France.
La fiscalité des cryptomonnaies en France est régie principalement par la loi de finances de 2019, qui a clarifié plusieurs aspects relatifs à l’imposition des gains issus de la vente d’actifs numériques. Les cryptomonnaies sont considérées comme des biens meubles, ce qui implique que les plus-values réalisées lors de leur cession sont soumises à un régime fiscal spécifique.
Les particuliers qui réalisent des gains sur la vente de cryptomonnaies sont soumis à un prélèvement forfaitaire unique (PFU), également appelé "flat tax", de 30%. Ce taux englobe à la fois l’impôt sur le revenu (12,8%) et les prélèvements sociaux (17,2%). Toutefois, ce régime ne s’applique que si les ventes sont réalisées dans un cadre non professionnel. Il est à noter que si le total des cessions dans l’année est inférieur à 305 €, alors l’article 150 VH bis du Code général des impôts prévoit une exonération sur les plus-values.
Par exemple, un particulier qui a acheté des bitcoins en 2018 pour un montant de 10 000 € et qui revend en 2023 une partie de ces bitcoins pour 50 000 €, génère ainsi une plus-value de 40 000 €. Selon le régime fiscal français, il sera soumis à un prélèvement forfaitaire de 30% sur cette plus-value, soit un impôt de 12 000 € (30% de 40 000 €). Cette somme inclut à la fois l’impôt sur le revenu et les prélèvements sociaux. En revanche, si le particulier réalise des transactions fréquentes assimilables à une activité professionnelle (trading intensif), il peut être requalifié en tant que professionnel, et ses gains seront alors imposés selon le barème progressif de l’impôt sur le revenu, dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (BIC).
Les entreprises qui détiennent des cryptomonnaies dans leur bilan doivent quant à elles comptabiliser ces actifs en fonction de leur valeur de marché. Les gains réalisés lors de la cession de ces cryptomonnaies sont imposés selon le régime des bénéfices d’exploitation. La TVA peut également s’appliquer aux transactions en cryptomonnaies, notamment lorsqu’une entreprise accepte des paiements en cryptomonnaie pour des biens ou services. La Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a, cependant, clarifié que les transactions d’échange de cryptomonnaies contre des monnaies fiduciaires ne sont pas soumises à la TVA, comme le montre l’affaire Hedqvist.
À titre d’exemple, une PME française qui accepte des paiements en Bitcoin pour ses services et qui à la fin de l’année possède un portefeuille de cryptomonnaies d’une valeur de 100 000 € doit comptabiliser ces cryptomonnaies à leur valeur de marché dans son bilan. Si elle décide de vendre ces cryptomonnaies et réalise une plus-value, celle-ci sera intégrée dans ses résultats et soumise à l’impôt sur les sociétés. Par ailleurs, la PME doit également déclarer la réception de ces paiements dans ses comptes annuels et peut être soumise à la TVA si la transaction concerne des biens ou des services.
Les transactions couvertes par la fiscalité.
L’écosystème des cryptomonnaies étant varié, il est essentiel de comprendre que chaque type de transaction peut entraîner des obligations fiscales distinctes. En France, l’administration fiscale considère toutes les opérations impliquant des cryptomonnaies comme potentiellement imposables, que ce soit pour les particuliers ou pour les entreprises. Les deux opérations principales effectuées sont la cession de cryptomonnaies et le minage.
La cession de cryptomonnaies constitue la transaction la plus courante et est directement soumise à imposition. Comme mentionné dans la première partie, les plus-values réalisées par les particuliers lors de la vente de cryptomonnaies sont soumises à la "flat tax" de 30%. Pour les entreprises, les gains sont intégrés au résultat d’exploitation et sont soumis à l’impôt sur les sociétés. En revanche, en France les échanges de cryptomonnaie contre une autre (comme du Bitcoin contre de l’Ethereum), ne génèrent pas d’imposition immédiate tant qu’ils ne sont pas convertis en monnaie fiduciaire (comme l’euro ou le dollar) ou encore en l’achat d’un bien ou d’un service en actifs numériques. L’administration fiscale ne considère pas que ces échanges produisent un gain réalisé, car aucune vente en euros n’a lieu, et les plus-values ne sont donc pas taxées à ce stade.
Le minage de cryptomonnaies est également soumis à des obligations fiscales spécifiques. En France, les revenus issus du minage sont considérés comme des bénéfices industriels et commerciaux (BIC) ou des bénéfices non commerciaux (BNC), selon que l’activité est exercée de manière régulière ou non. Les mineurs doivent donc déclarer leurs gains en fonction de la valeur des cryptomonnaies au moment où elles sont acquises via le minage. Par exemple, un particulier mine des cryptomonnaies à titre occasionnel. En 2023, il parvient à extraire pour 3 000 € de cryptomonnaies. Ces revenus sont déclarés dans la catégorie BNC, car il ne s’agit pas de son activité principale, et sont soumis à l’impôt sur le revenu selon le barème progressif applicable. Si le minage est régulier, il sera requalifié dans la catégorie BIC, avec des implications fiscales plus strictes.
La fiscalité des cryptomonnaies dans l’Union européenne.
La fiscalité des cryptomonnaies au sein de l’Union européenne varie d’un État membre à l’autre. Bien que des efforts soient en cours pour harmoniser les réglementations, notamment avec l’introduction du cadre législatif MiCA (Markets in Crypto-Assets Regulation), il subsiste des divergences significatives dans la manière dont chaque pays traite les cryptomonnaies d’un point de vue fiscal. Cette disparité crée des enjeux complexes pour les investisseurs transfrontaliers et les entreprises.
Actuellement, chaque État membre adopte sa propre approche. En France, comme vu précédemment, les cryptomonnaies sont soumises à un prélèvement forfaitaire unique de 30% sur les plus-values pour les particuliers. En Allemagne, la fiscalité est plus favorable. Les particuliers peuvent bénéficier d’une exonération d’impôt si les cryptomonnaies sont détenues pendant plus d’un an avant leur vente. Cependant, les transactions réalisées dans un délai inférieur à un an sont soumises à l’impôt sur les plus-values au taux marginal. Enfin, au Portugal, jusqu’à récemment, les particuliers bénéficiaient d’une exonération d’impôt sur les plus-values de cryptomonnaies, ce qui en faisait une juridiction prisée des investisseurs en actifs numériques. Toutefois, cette législation est en train de changer, et des taxes commencent à être introduites.
Le règlement MiCA vise à harmoniser le traitement des actifs numériques à travers l’Union européenne. Bien que MiCA se concentre principalement sur la régulation des émetteurs de cryptomonnaies, des plateformes d’échanges, et des services liés aux cryptoactifs, il aura également des implications fiscales, notamment en ce qui concerne la déclaration des transactions et les obligations de transparence. L’une des attentes majeures est que MiCA encourage les États membres à adopter des règles fiscales plus uniformes, en particulier en ce qui concerne la taxation des plus-values et des revenus issus des cryptomonnaies. Toutefois, cette harmonisation reste à concrétiser, et chaque État conserve encore une grande marge de manœuvre pour déterminer ses propres régimes fiscaux.