Les conditions d’entrée et de visite des avocats dans les lieux de détention.

Par Stella Bisseuil, Avocat.

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Explorer : # droits de la défense # confidentialité # visites en prison # sécurité

Il n’est pas toujours simple pour un avocat de rendre visite à un client détenu, et il peut être utile, à la lueur d’incidents récents [1], de rappeler quelles sont les règles qui s’appliquent aux conditions d’entrée et de visite des avocats dans les lieux de détention.

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I/ Le droit d’entrer dans la maison d’arrêt pour rencontrer un détenu.

Les droits de la défense reconnus par tout notre corpus juridique impliquent l’accès de toutes les personnes, qu’elles soient libres ou détenues, à leur avocat. L’article 25 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 prévoit que « les personnes détenues communiquent librement avec leurs avocats ». Les droits de la défense imposent l’absence de toute restriction aux visites de l’avocat à son client détenu.

L’accès de l’avocat à la maison d’arrêt ou au centre de détention pour rencontrer son client détenu est donc une question de fond, qui touche directement aux droits de la défense.

Quelles sont les règles qui s’appliquent à ces rencontres ? Dans quelles conditions l’Administration peut-elle empêcher un avocat d’accéder à la Maison d’arrêt ?

L’article R57-6-5 du Code de Procédure Pénale prévoit la délivrance de permis de communiquer aux avocats pour les visites dans les maisons d’arrêt ou centres de détention.

La circulaire dédiée aux relations avocats / détenus [2] reprend les modalités de délivrance des permis de communiquer, mais ne dit rien sur les conditions d’entrée dans les prisons.

En fait, ces conditions sont réglées par un autre texte, la circulaire du 20 février 2012 relative au maintien des liens extérieurs des personnes détenues par les visites, qui n’est pas spécifique aux avocats, mais qui s’applique à tous les visiteurs, dont les avocats.

Ce texte comporte un chapitre dédié aux « catégories particulières de visiteurs » parmi lesquelles figurent les avocats.

L’article 4-1-1 de cette circulaire rappelle que

« le chef d’établissement est tenu de faire droit à tout permis de visite qui lui est présenté par son titulaire, lequel doit être en mesure de justifier de son identité ».

Des modalités de prise de rendez-vous des parloirs peuvent être organisées par le chef d’établissement pénitentiaire qui ne peut surseoir à faire droit à un permis de visite que dans les trois cas visés à l’article R57-8-11 du CPP :

« circonstances exceptionnelles qui l’obligent à en référer à l’autorité qui a délivré le permis, ou si les personnes détenues sont matériellement empêchées, ou si, placées en cellule disciplinaire, elles ont épuisé leur droit à un parloir hebdomadaire ».

Or ces cas, muni de sa carte professionnelle et de son permis de communiquer, l’avocat doit pouvoir accéder à la maison d’arrêt.

Reste la question du portique de sécurité…

L’Article D406 du Code de procédure pénale prévoit que

« l’accès au parloir implique les mesures de contrôle jugées nécessaires à l’égard des visiteurs, pour des motifs de sécurité ».

C’est la circulaire du 20 février 2012 relative au maintien des liens extérieurs des personnes détenues qui précise dans son article 4-3-3 les modalités d’application de ce contrôle : 

« Conformément à l’article D406 du CPP ainsi qu’aux notes des 31 mai 2006, 27 février et 14 avril 2009 visées en référence, relatives au contrôle et aux mesures de sécurité applicables aux personnes accédant à un établissement pénitentiaire, tous les visiteurs doivent se soumettre au contrôle du portique de détection et du tunnel d’inspection à rayons X sauf contre-indication médicale attestée par un certificat. En cas de déclenchements répétés de l’alarme du portique, et avec le consentement du visiteur, le personnel doit soumettre le visiteur à un contrôle par détecteur manuel. Tout refus ou signal sonore persistant entraîne l’impossibilité d’entrer dans l’établissement. Par ailleurs, en cas d’impossibilité d’utiliser ces moyens traditionnels, d’inefficacité de ces moyens ou de risque particulier pour la sécurité, il peut être procédé à une palpation de sécurité, après avoir recueilli le consentement de la personne concernée. Le refus du visiteur de s’y soumettre aura pour conséquence le refus d’accès au parloir ».

Ainsi, le texte est clair, en cas de déclenchements répétés de l’alarme du portique, la maison d’arrêt doit être en mesure de proposer à l’avocat « un contrôle par détecteur manuel » ou en cas d’impossibilité d’utiliser ce moyen, « une palpation de sécurité ».

Ces mesures de contrôle supplémentaire permettent de s’assurer de la source du déclenchement du portique. Dès lors, si la source du signal sonore est identifiée (soutien-gorge par exemple…) et considérée comme inoffensive, et l’avocat doit pouvoir continuer sa progression dans la maison d’arrêt. Le texte n’envisage qu’une cause possible de refus d’accès au parloir : le refus de l’avocat de se soumettre à ce contrôle supplémentaire.

C’est d’ailleurs la position du Contrôleur des lieux de détention qui, saisi d’un incident entre un avocat et la Maison d’Arrêt de Seysses (l’avocate n’avait pas été admise à entrer car son soutien-gorge déclenchait le portique, et elle avait été contrainte de se déshabiller dans les toilettes de la maison affectée aux visites des familles) survenu en janvier 2020, écrivait :

« Par assimilation aux visiteurs en général, il me semble possible de se reporter à la circulaire du 20 février 2012 relative au maintien des liens extérieurs des personnes détenues par les visites et l’envoi ou la réception d’objets, laquelle précise « qu’en cas de déclenchements répétés de l’alarme du portique, et avec le consentement du visiteur, le personnel doit soumettre le visiteur à un contrôle par détecteur manuel ». Seul le refus du visiteur de s’y soumettre ou la persistance du signal sonore sans qu’il soit possible d’en identifier la source peuvent entraîner l’impossibilité d’entrer dans l’établissement ».

La Direction de l’Administration Pénitentiaire avait également confirmé cette règle, résultant tout simplement des textes applicables.

La règle semble donc claire, mais en pratique, elle n’est pas appliquée, comme le démontre la réitération d’un incident similaire, quelques mois après, dans la même maison d’arrêt, pourtant traité encore en deça du précédent, puisque la Direction n’avait même pas proposé de lieu de déshabillage à l’avocate, l’obligeant ainsi à aller retirer son soutien-gorge sur le parking dans sa voiture…

Pour régler ce type de problèmes, n’oublions pas que la circulaire du 27 mars 2012 qui, elle, est spécifique aux relations détenus/avocats prévoit que

« l’échange avec l’ordre des avocats est primordial afin que l’information relative aux modalités d’organisation des visites soit parfaitement connue et largement diffusée, ce qui facilitera la tenue des parloirs ».

Bien sûr, il va sans dire que le dialogue doit être à la base de tous les échanges professionnels et améliore la compréhension et la prise en compte des contraintes de chacun. Mais la culture du dialogue peine à pénétrer les esprits, et il est sans doute utile que la circulaire dédiée aux relations détenus / avocats le prévoie expressément.

II/ Les droits de l’avocat à l’intérieur du lieu de détention.

Selon l’Article 25 de la loi pénitentiaire

« les personnes détenues communiquent librement avec leurs avocats ».

L’avocat doit pouvoir préparer la défense de son client en toute confidentialité. Les rencontres doivent donc se dérouler en dehors de la présence d’un surveillant et dans un parloir dédié.

Le détenu doit avoir accès aux pièces pénales dont il a besoin pour préparer sa défense avec son avocat, et tous deux doivent avoir accès à l’équipement matériel nécessaire pour la consultation des dossiers dématérialisés.

La confidentialité des relations avocat / détenu.

La confidentialité des échanges décrite à l’article 40 de la loi pénitentiaire s’attache aux discussions et aux courriers de l’avocat avec son client et couvre tous les échanges que l’avocat peut avoir à titre professionnel avec son client.

L’article R57-6-7 du Code de procédure pénale précise que

« le contrôle ou la retenue des correspondances entre les personnes détenues et leur conseil ne peut intervenir s’il peut être constaté sans équivoque que celles-ci sont réellement destinées au conseil ou proviennent de lui ».

Ainsi, la correspondance écrite des personnes détenues avec leur avocat n’est pas contrôlable, et l’administration pénitentiaire ne peut, à l’expédition comme à la réception, l’ouvrir, la lire ou la retenir.

C’est également pour des raisons de confidentialité que la sacoche de l’avocat, qui doit être passée au rayon X à l’entrée de la prison, ne peut pas être ouverte ni fouillée par le personnel pénitentiaire.

Enfin, le principe de confidentialité impose le respect de conditions matérielles spécifiques.

Ainsi, les visites se déroulent dans des boxes ou cabines réservés aux parloirs avocats, équipés d’un branchement électrique, afin notamment d’alimenter l’ordinateur que l’avocat est autorisé à utiliser, et hors la présence des agents de l’Administration pénitentiaire.

L’accès aux pièces pénales et aux documents concernant le détenu.

Le détenu a le droit, avec son avocat, à avoir accès à toutes les pièces du dossier pénal du détenu.

Il a également le droit de demander la communication des décisions pénales rendues à son encontre, et des plaintes éventuelles qu’il aurait pu déposer.

Si les pièces demandées concernent le motif actuel de son incarcération, le principe de confidentialité prévu par l’article 42 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 implique que les pièces soient conservées au greffe de l’établissement pénitentiaire. La personne détenue peut les consulter au greffe en en faisant la demande auprès du chef d’établissement, qui l’organise dans les meilleurs délais, dans un local garantissant la confidentialité.

Il en est de même pour les pièces pénales qui seraient adressées au détenu par son avocat. Ces pièces seront adressées au greffe de l’établissement, qui ne devra pas les remettre à la personne détenue, pour les raisons évoquées ci-dessus. Lesdites pièces seront consultables au greffe par le détenu. Si le dossier d’information est dématérialisé, il doit lui être assuré un accès à un ordinateur.

C’est également pour la consultation du dossier pénal éventuellement dématérialisé que l’avocat doit être autorisé à entrer dans le lieu de détention avec un ordinateur portable professionnel (pour l’ordinateur un registre sera renseigné à l’entrée portant le nom de l’avocat la marque et le N° de série du matériel).

Il peut également entrer dans la prison muni d’un dictaphone.

En revanche, l’avocat n’est pas autorisé, selon la circulaire du 27 mars 2012, à entrer dans la prison avec son téléphone portable.

Stella Bisseuil
Avocat à la Cour
https://www.stella-bisseuil-avocat.fr

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Notes de l'article:

[1A titre d’exemple, en août 2020, j’ai été empêchée d’entrer à la prison pour voir un de mes clients, incident qui faisait suite à un incident similaire qu’avait vécu une autre avocate auprès de la même maison d’arrêt, survenu en janvier 2020.

[2Circulaire du 27 mars 2012 NOR : JUSK1140030C - Maison d’Arrêt de Seysses.

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