L’irrégularité même substantielle d’une DIA n’entache pas nécessairement d’illégalité la décision de préemption.

Par Antoine Louche, Avocat.

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Explorer : # préemption urbaine # déclaration d'intention d'aliéner (dia) # légalité administrative

La circonstance que la déclaration d’intention d’aliéner soit incomplète ou entachée d’une erreur substantielle portant sur la consistance du bien objet de la vente, son prix ou les conditions de son aliénation ne constitue pas, en elle-même, et hors le cas de fraude, un élément de nature à remettre en cause la légalité de la décision de préemption prise sur la base de cette déclaration.

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En l’espèce, une société avait déposé une déclaration d’intention d’aliéner (DIA) pour deux parcelles.

A la suite de la réception de cette DIA, le maire de la commune de Cergy avait pris une décision de préemption de ces biens aux prix et conditions proposés par la société.

Toutefois, face au refus de la commune de signer l’acte authentique constatant le transfert de propriété, la société l’a assigné devant le Tribunal de grande instance de Pontoise aux fins de procéder au constat juridictionnel de la vente.

Par jugement en date du 6 décembre 2010, ledit tribunal a transféré cette question par voie préjudicielle au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise.

Par jugement en date du 19 juin 2012, le Tribunal administratif a déclaré que la décision de préemption était entachée d’illégalité.

La société venderesse a interjeté appel de ce jugement devant le Conseil d’Etat.

Aux visas des dispositions de l’article L. 213-2 du Code de l’urbanisme, dans sa rédaction applicable au litige, la Haute Assemblée a tout d’abord rappelé qu’il résulte de ces dernières dispositions que «  [1] » [2].

Les juges du Palais Royal ont toutefois complété ce considérant de principe, et cela constitue l’apport de cette décision.

Ces derniers ont alors indiqué « (…) qu’en revanche, la circonstance que la déclaration d’intention d’aliéner serait entachée de tels vices est, par elle-même, et hors le cas de fraude, non invoqué dans le présent litige, sans incidence sur la légalité de la décision de préemption prise à la suite de cette déclaration (…) ».

Par ce nouveau considérant de principe, la Haute Assemblée est venue très sensiblement limiter les conséquences de l’irrégularité même substantielle d’une décision de DIA sur la légalité d’une décision de préemption ultérieure.

Cette analyse peut notamment s’expliquer à notre sens en raison du caractère privé de cette déclaration.

En effet, c’est le vendeur, qui est dans la très grande majorité des cas une personne privée, physique ou morale, qui remplit et transmet cette déclaration à l’administration.

Or, comme le rappel de Conseil d‘Etat, pour contrebalancer l’atteinte au droit de propriété portée par la procédure de préemption urbaine, cette dernière a été strictement délimitée dans le temps.

Ainsi, ce nouveau considérant de principe vient apporter un nouvel équilibre des situations entre les parties prenantes à la procédure de préemption urbaine.

Le vendeur doit communiquer sa déclaration à l’administration, cette dernière dispose alors d’un court délai pour décider ou non de faire usage de son pouvoir de préemption, et de facultés tout aussi strictement encadrées de prolongation ce délai, en contrepartie de quoi, le juge administratif considère qu’il convient de ne pas faire peser un exigence de contrôle trop poussé à la charge de cette dernière.

En contrepartie de cela, l’administration ne pourra ainsi plus tenter de résilier une vente prise sur déclaration de préemption en se prévalant d’une éventuelle irrégularité entachant la DIA.

Le Conseil d’Etat conclut en indiquant «  (…) que les dispositions précitées de l’article L. 213-2 du code de l’urbanisme ne font cependant pas obstacle à ce que le juge judiciaire prenne en considération, au titre de son office, pour apprécier la validité de la vente résultant d’une décision légale de préemption, les indications figurant dans la déclaration d’intention d’aliéner à l’origine de cette décision (…)  ».

Autrement dit, le Conseil précise que les parties pourront toujours si elles le jugent utile se prévaloir de ces éventuelles irrégularités substantielles de la DIA devant le juge judiciaire dans le cadre de la validité de la vente du bien.

Ainsi, cette décision apporte d’une part un nouvelle équilibre de la charge des obligations pensant sur le vendeur et l’administration, mais également d’autre part, sur les possibilités contentieuses offertes aux intéressés à l’encontre de la DIA et de la décision de préemption devant les deux ordres de juridiction.

Tirant les conséquences des principes qu’elle venait de dégager, la Haute Assemblée a censuré le jugement attaqué qui avait considéré que l’irrégularité substantielle de la DIA pour prononcer l’annulation de la décision de préemption litigieuse.

La commune de Cergy n’ayant soulevé aucun autre moyen pour contester la légalité de la décision de préemption, le Conseil d’Etat a pu donner gain de cause à la société venderesse.

Le nouveau principe dégagé par cette jurisprudence amènera, à n’en point douter, une plus grande stabilité juridique aux procédures de préemption urbaine, et cela tant à l’égard de l’administration que pour les particuliers.

En effet, si en l’espèce, c’est l’autorité disposant du pouvoir de préemption urbain qui a tenté de se prévaloir de l’irrégularité de la DIA pour d’obtenir l’annulation de la décision de préemption qu’elle avait elle-même prise et faire résilier la vente, ce principe trouvera également à s’appliquer à l’encontre du vendeur du bien.

Références : CE, 12 février 2014, Société Ham Investissement, n°361741 ; CE, 24 juillet 2009, Société Finadev, n°316158

Antoine Louche,
Avocat associé chez Altius Avocats
www.altiusavocats.fr

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Notes de l'article:

[1(…) que le titulaire du droit de préemption dispose, pour exercer ce droit, d’un délai de deux mois qui court à compter de la réception de la déclaration d’intention d’aliéner et que ce délai, qui constitue une garantie pour le propriétaire, ne peut être prorogé par une demande de précisions complémentaires que si la déclaration initiale est incomplète ou entachée d’une erreur substantielle portant sur la consistance du bien objet de la vente, son prix ou les conditions de son aliénation (…)

[2CE, 24 juillet 2009, Société Finadev, n°316158

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