Le régime juridique des immeubles menaçant ruine se place à l’intersection entre le droit de l’urbanisme et le droit de la construction. Ce cadre réglementaire, établi par le Code de la construction et de l’habitation (CCH), complété par l’ordonnance n°2020-1144 du 16 septembre 2020 relative à l’harmonisation et à la simplification des polices des immeubles, locaux et installations, ainsi que par les dispositions du décret du 24 décembre 2020, permet aux autorités compétentes, principalement les maires des communes et subsidiairement les Préfets, de prendre les mesures nécessaires face aux bâtiments présentant un danger ou un péril.
Définition et identification des immeubles menaçant ruine : critères légaux et réglementaires.
Un immeuble est considéré comme menaçant ruine lorsque sa structure ou ses équipements ne garantissent plus la sécurité des occupants ou des tiers. Cette situation peut résulter de divers facteurs, tels que le vieillissement du bâtiment, des désordres structurels, le défaut d’entretien prolongé, ou encore la présence de matériaux dangereux ou toxiques.
La législation, notamment les articles L511-1 et suivants du Code de la construction et de l’habitation (CCH) et de manière résiduelle, le Code de la santé publique, organisent une police administrative des immeubles menaçant ruine portant sur les champs de la prévention et la conservation des immeubles face aux risques relevant de la sécurité, de la protection de la santé publique, de la préservation de la solidité des structures ainsi que de la maintenance des équipements des immeubles.
Cette police administrative des immeubles menaçant ruine constitue un outil juridique puissant permettant aux autorités municipales d’intervenir utilement face aux dangers que représentent ces bâtiments.
Point de départ de la procédure : le signalement et l’évaluation des risques.
La procédure relative aux immeubles menaçant ruine s’initie de deux manières distinctes.
D’une part, elle peut débuter par un signalement externe, lorsqu’un tiers, tel qu’un voisin ou un occupant, alerte l’administration de l’état préoccupant d’un immeuble.
D’autre part, l’autorité compétente peut se saisir d’office des risques identifiés sur un bâtiment, prenant ainsi l’initiative d’engager la mise en œuvre de ses propres prérogatives.
Après ce déclenchement, l’autorité administrative procède à une inspection pour évaluer les risques pesant sur l’immeuble. Cette phase implique une inspection in situ, généralement réalisée par un expert immobilier qualifié ou les services d’hygiène et de sécurité de l’administration.
Cette première inspection aboutit à la rédaction d’un rapport d’évaluation, prévu par l’article L511-8 du Code de la construction et de l’habitation (CCH). Elle identifie les dangers et propose des mesures correctives provisoires.
Il est à noter que l’accès à l’immeuble peut être refusé par ses occupants. Pour faire face à cette situation, l’article L511-7 du CCH prévoit une procédure spécifique.
L’autorité administrative a la possibilité de saisir le juge des libertés et de la détention. Ce juge peut, s’il l’estime nécessaire, autoriser la visite forcée de l’immeuble, permettant ainsi l’évaluation des risques pesant sur l’immeuble.
Nomination d’un expert par une procédure de référé « Immeuble menaçant ruine ».
A la lumière de cette première évaluation, l’autorité administrative privilégie l’engagement de la procédure offerte par l’article L511-9 du CCH qui permet la saisine de la juridiction administrative, en référé. Ce référé spécial est prévu par l’article R556-1 du Code de justice administrative et est appelé communément référé « immeuble menaçant ruine ».
Cette procédure urgente permet la nomination d’un expert judiciaire par voie d’ordonnance dans un délai de 24 heures par le tribunal administratif. À compter de sa nomination, les textes offrent à l’expert un délai de 24 heures suivant sa nomination pour se prononcer sur l’état de l’immeuble et rendre son rapport.
Dans la réalité, les experts nommés présentent leurs rapports après un délai de plusieurs jours, qu’ils consacrent à l’organisation et la conduite des opérations d’expertise dans les lieux.
Du point de vue des administrés, des propriétaires et des occupants, la procédure de référé « immeuble menaçant ruine » est une procédure non-contradictoire jusqu’à la notification de l’ordonnance du tribunal administratif portant nomination de l’expert.
Les propriétaires, occupants ou syndics de copropriétés ne sont pas impliqués dans le processus avant la notification de l’ordonnance du tribunal administratif désignant l’expert.
Ce n’est qu’à partir de cette notification que la procédure devient contradictoire, permettant alors aux différentes parties de faire valoir leurs observations et arguments.
Le terme de cette première phase de la procédure relative aux immeubles menaçant ruine illustre le passage d’une action administrative unilatérale à un processus juridique contradictoire. Ce moment charnière ouvre la voie à une procédure plus équilibrée, où les droits de toutes les parties sont restaurés face à l’objectif de sécurité publique de prévention des risques liés aux bâtiments dangereux.