L'histoire d'Oscar Pistorius. Par Vincent Ricouleau, Professeur de droit.

L’histoire d’Oscar Pistorius.

Par Vincent Ricouleau, Professeur de droit.

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Explorer : # meurtre # prothèses # athlétisme # Monde de la justice

Après des années de détention pour la mort de Reeva Steenkamp, la justice sud-africaine vient d’annoncer que Oscar Leonard Carl Pistorius, 37 ans, bénéficie d’une libération conditionnelle, suscitant commentaires et polémiques. Mais quelle est l’histoire de cet homme, au destin improbable d’athlète ? Quelques rappels dans cet article, pour mieux saisir les étapes d’un dossier criminel si particulier.
Article actualisé par son auteur en novembre 2023.

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Comment Oscar Pistorius est devenu Blade Runner ?

On sait qu’Oscar Pistorius a été condamné par la justice sud-africaine à 13 ans et cinq mois de prison pour le meurtre de sa petite amie, Reeva Steenkamp. Il a effectué assez d’années de détention pour bénéficier d’une liberté conditionnelle et être astreint à un programme de réinsertion, jusqu’en décembre 2029. Telle est la décision de la justice sud-africaine.

Mais avant de se pencher sur l’histoire du procès et de la condamnation (voir les arrêts sur le site SAFLII Southern African Legal Information Institute), il faut bien comprendre le parcours très spécifique d’Oscar Pistorius. Le monde entier n’aurait probablement pas été saisi du même effroi si Oscar Pistorius n’était pas atypique. Les médias ne se seraient pas autant mobilisés.

Les spéculations sur la volonté de tuer Reeva, en tirant quatre balles de Magnum Parabellum à travers la porte du cabinet de toilettes où elle s’était enfermée, continuent de vriller les esprits. Mais analysons tout d’abord le processus de construction de l’athlète, Oscar Pistorius. Nous examinerons dans un deuxième temps les étapes judiciaires.

Le Tribunal Arbitral du Sport de Lausanne a joué un rôle décisif. Il a permis à Oscar Pistorius de continuer sa carrière d’athlète, surnommé Blade Runner.

Pour comprendre la sentence du Tribunal Arbitral de Lausanne, unique, un véritable cas d’espèce, il faut non seulement se projeter dans le passé mais rappeler les handicaps de Oscar Pistorius.

Né le 22 novembre 1986 avec une agénésie des fibulas (péronés), - une absence des fibulas - la carrière olympique de Pistorius semblait improbable. A son extrémité basse, le tibia et le fibula forment la fourche malléolaire qui elle-même, forme, avec le pied, l’articulation de la cheville. S’il n’y a pas de fibula, le pied ne peut être maintenu par la fourche malléolaire et les ligaments responsables de la flexion. Une agénésie des fibulas ne permet pas de marcher. Oscar Pistorius est amputé sous les genoux à l’âge de 11 mois. Des prothèses lui permettent alors de marcher, de courir, d’avoir une vie normale.

Pistorius avant de se lancer dans l’athlétisme en 2004, pratique le rugby, le tennis, le water polo. Il est un sportif accompli. « Oscar Pistorius had never thought of himself as being disabled ». Il ne s’est jamais considéré comme handicapé. Puis un jour, les prothèses Cheetah Flex Foot, sont commercialisées. Fabriquées par Ossur, une société spécialisée islandaise. Des prothèses en forme de lame, d’un seul tenant. Sans articulation. En fibre de carbone. Des feuilles de fibre de carbone imprégnées de résine. Collées. Moulées. Des crampons. Les prothèses Cheetah feront Blade Runner.

A partir de 2004, Oscar Pistorius enchaîne les victoires aux jeux paralympiques mais aussi dans les compétitions avec les athlètes valides. Car la toute puissante International Association of Athletics Federation invite Pistorius, faisant fi de son handicap et le considérant de facto comme un athlète valide. Il gagne notamment un 100 mètres avec les valides en 11 secondes 51. En 2007, il court le 400 mètres en 46,56 secondes.

Pistorius, le Blade Runner des pistes, suscite admiration mais aussi interrogation, étonnement, stupeur.

Le 13 juillet 2007, la course à Rome de Pistorius est filmée. Analysée. Le démarrage de Pistorius est lent. Utiliser des starting blocks avec les Cheetah n’est pas aisé, négocier les virages non plus. Mais ses accélérations à la fin du 100 mètres, sèment le trouble. Le constat est simple. Un athlète handicapé et appareillé court plus vite que les athlètes valides.

Ses prothèses ?

Le 26 mars 2007, l’International Association of Athletics Federation, (IAAF) lors d’une réunion à Monbassa au Kenya, modifie son règlement. Rien n’est hasard dans le monde du droit du sport. La fameuse règle 144-2 (e) du règlement de l’IAAF devient « States that for the purpose of the rule, the following shall be considered assistance and are therefore not allowed, use of any technical device that incorporate springs, wheels, or any other element that provides the user with an advantage over another athlete not using such a device ». L’utilisation de tout dispositif technique incluant des ressorts, des rouages ou tout autre élément qui confère un avantage à un athlète par rapport à celui qui n’en utilise pas est interdite.

L’IAAF ne peut exclure Pistorius de la catégorie des athlètes valides sans un rapport d’expertise. Le professeur Peter Bruggeman, de l’Institut de biomécanique et d’orthopédie de l’université de Cologne, a la mission de dire si le port des prothèses Cheetah Fox avantage Pistorius. Un protocole de tests, de consommation d’oxygène, de contrôle du lactate, d’exercices, de coupes en 3 D du corps, est mis en place.

La conclusion du professeur Bruggeman dit que les prothèses avantagent Pistorius. Sa locomotion bondissante est liée à un moindre coût métabolique.

Le 14 janvier 2008, l’IAAF Council rend sa décision. « The IAAF Council issued a decision which included the following finding a running with these prostheses requires a less-important vertical movement associated with a losser mechanical effort to raise the body and the energy loss resulting from the use of these protheses is significantly lower that resulting from a human ankle joint at a maximal sprint speed ». En résumé, Oscar Pistorius, muni de ses prothèses, bénéficie d’un avantage technique, prohibé par la règle 144-2 (e) du règlement de l’IAAF, modifié le 26 mars 2007. Les prothèses Cheetah sont considérées comme un dopage technologique. L’IAAF lui intime de revenir dans la catégorie des athlètes handicapés.

Pistorius était-il toléré chez les athlètes valides tant que ses performances étaient inférieures à celles de ces derniers ? Qu’est-ce qui, chez cet homme, de son squelette, de ses muscles, de ses capacités cognitives, de ses capacités d’adaptation, de ses prothèses, fait qu’il est devenu meilleur que les athlètes valides et peut-être une menace ? Un homme ou une femme, ne se considérant pas comme handicapé, (ne souffrant pas d’anosognosie), est-il en droit de refuser tout statut d’handicapé ?

Le 13 février 2008, Pistorius fait appel devant le Tribunal Arbitral du Sport de Lausanne de la décision N°2008/01 du 14 janvier 2008 de l’IAAF, conformément à l’article 60-25 du règlement.

Le Tribunal Arbitral du Sport de Lausanne est une juridiction spécialisée, indépendante, créée en 1984. Placée sous l’autorité du Conseil International de l’Arbitrage en matière de sport. (CIAS). Le TAS, outre la mise en place de chambres ad hoc traitant les contentieux issus de manifestations sportives ponctuelles, comme les JO, prévoit dans son règlement des procédures d’arbitrage ordinaire, des procédures d’arbitrage d’appel, des procédures consultatives, des procédures de médiations.

Le tribunal est composé du Président Martin Hunter, un ancien avocat britannique du cabinet Frehfields, de David W. Rivkin, un avocat américain du cabinet Debevoise and Pimpton, et de Jean-Philippe Rochat, un avocat suisse du cabinet Carrard. Trois spécialistes internationaux, reconnus, respectés, de l’arbitrage. Rochat a déjà assumé des fonctions au sein du TAS.

4 General Hearings dans l’argumentation de Pistorius : « Did the IAAF Council exceed its jurisdiction in taking the IAAF decision ? » Cette première contestation sera abandonnée. « Was the process lending to the IAAF decision procedurally unsound ? » La régularité de la procédure. « Was the IAAF decision unlawfully discriminatory ? » La discrimination ? « Was the IAAF decision wrong in determine that Pistorius use of the Cheetah Flex Foot device controverses Rule 144.2 (e) ? » Violation de l’article 144-2 ?

L’avantage technique ?

Une bataille d’experts commence. Car pour arbitrer, les juges n’ont aucune connaissance médicale ou technique. L’Allemand Bruggemann pour l’IAAF, des spécialistes américains de Houston pour Pistorius, s’affrontent.

Une décision de l’IAAF discriminatoire ?

La convention sur les droits des handicapés, signée le 13 décembre 2006, applicable trente jours après la vingtième ratification le 3 mai 2008, est inapplicable. L’IAAF a son siège à Monaco et Monaco n’a pas ratifié la convention. Un pré-jugement ? Les officiels de l’IAAF ont en effet informé la presse avant même le prononcé de la décision. Les abstentions des membres de son comité ont été considérées comme des votes positifs. Des anomalies procédurales certaines.

Alors violation de l’article 144-2 (e) ou absence de violation ?

La taille minimale des prothèses est calculée grâce à une formule mathématique. Fondée sur la longueur de l’avant bras du sportif et par rapport à la distance qui sépare le sternum de l’extrémité des moignons. Le résultat est majoré de 3,5%.

Pistorius n’est pas un homme bionique. Ses prothèses n’ont ni capteurs, ni microprocesseurs ni moteurs. De simples lames dont l’usage et le contrôle dus à un entraînement, permettent la performance. Ces dites performances de Pistorius font qu’on oublie la fonction inhérente d’une prothèse. Une prothèse répare. Compense. Se substitue. Une prothèse a une fonction organique et fonctionnelle, Rééquilibre un corps. Améliore les capacités cognitives. Fait progresser. Fait vivre. Les prothèses de Pistorius sont au contraire analysées comme un moyen d’extension des capacités humaines.

Mais des jambes prothétiques doivent-elles être considérées comme thérapeutiques si elles permettent une forme de retour à une normalité et mélioratives si elles permettent d’aller au-delà ?

En application de quel texte juridique, à partir de quel seuil, de quelle nature, de quel degré, dans quel contexte, sur quel individu, une réparation n’est plus restauratrice mais discriminative, susceptible de créer un préjudice à autrui, de violer le principe d’égalité ?

Pistorius n’est pas un surhomme. Un temps de contact au sol dit ordinaire. Un temps de vol légèrement inférieur à la moyenne tout comme sa longueur de foulée, mesurée à 2m27 à Cologne et lors du meeting de Rome entre les 100 et 200 mètres.

Bien loin des foulées de Johnson (2m40) ou de Wariner (2m51). L’équipe d’experts de l’IAAF teste le niveau de force verticale utilisée lors du sprint, en plus de l’énergie métabolique dépensée.

Comment l’énergie se répartit-elle dans le corps ? Les Cheetahs augmentent cette énergie ?

Le bassin de l’athlète fournit 80% de l’énergie. Celle-ci est stockée dans le corps de la lame. Projetée dans son extrémité lorsque le coureur s’élance. Les experts comparent la consommation d’oxygène de Pistorius avec celle des athlètes valides. Son niveau de fatigue. Sa perte d’énergie due à l’usage des prothèses. Comparée à des jambes normales.

Quelle règle juridique et quelle nomenclature d’expertise sont susceptibles de comparer des jambes prothétiques à des jambes normales ?

En toile de fond, le débat porte sur l’utilisation des biotechnologies susceptibles d’altérer la nature anthropologique des athlètes. Le corps pré-cybernétique de Pistorius crée une inégalité. Initialement un obstacle à une vie normale, générant une infériorité sociale et physique, le corps de Pistorius traduit tout au contraire une supériorité discriminant les athlètes valides. Pistorius n’est pas adepte du transhumanisme prônant une incursion du technologique dans l’évolution biologique de l’espèce humaine afin d’émanciper le corps des contraintes naturelles ou un adepte du bioconservatisme. Nul militantisme particulier de sa part pour le Human Enhancement, désignant l’amélioration technique des performances humaines aussi bien physiques, intellectuelles qu’émotionnelles.

Pistorius plaide sa normalité !

Le 16 mai 2008, la sentence est rendue. L’IAAF n’apportant pas la preuve que Pistorius bénéficie d’un avantage technique, sa décision attaquée est annulée. « There is no sufficient evidence of any metabolic advantage ». « The IAAF has failed to satisfy the burden of proof. Pistorius’appeal must be upheld. The consequence of this ruling by the panel is that the IAAF Council ‘s decision 2008/01 of 14 january 2008, is revoked with immediate effects and Pistorius is currently eligible to compete in IAAF sanctioned events ». « It is not a general licence to use any further developments of the Cheetah Flee Foot that might be found to provide him with an overall net advantage ».

Le Tribunal Arbitral du Sport de Lausanne se montre très prudent. Certes, il n’y a pas d’avantage métabolique prouvé. Toutefois, il n’exclut pas que dans le futur, l’IAAF puisse apporter la preuve que les prothèses avantagent Pistorius. La décision du Tribunal précise aussi que sa sentence concerne exclusivement le type de prothèses portées par Pistorius.

Alors que faire lorsque les prothèses seront améliorées ? Et qu’un athlète appareillé avec une prothèse combinant toutes les avancées technologiques sollicitera encore l’égalité avec les athlètes valides ?

La carrière de Pistorius est interrompue, temporairement ou définitivement, nul ne sait, mais le débat sur les athlètes appareillés de prothèses, revendiquant juridiquement leur validité et leur égalité avec les athlètes valides va continuer, compte tenu des progrès de la médecine et des biotechnologies. Les JO de Paris pourraient comporter un certain nombre d’événements intéressants à ce titre.

Le drame de la mort de Reeva Steenkamp.

La nuit de la Saint-Valentin du 14 février 2013, c’est le drame absolu dans la villa de Oscar Pistorius, située dans le quartier de Silver Woods à Prétoria. Silver Woods est un quartier ultra-sécurisé dans une Afrique du Sud gangrénée par la violence et par l’apartheid, qui ne disparaitront pas par magie.

Oscar Pistorius tire quatre balles avec son Magnum Parabellum à travers la porte d’un cabinet de toilettes de l’appartement. Un cabinet de 1,40 m sur 1 m, équipé d’une douche où s’est réfugiée Reeva Steenkamp, sa petite amie, née le 19 août 1983.

Pour quelles raisons s’est-elle enfermée ? Dispute du couple ? Des menaces, des violences, un danger soudain qui ont contraint Reeva à se protéger ? Les circonstances sont troubles. Controversées. Mal circonscrites.

Atteinte de trois projectiles dont un en pleine tête, Reeva meurt à 29 ans, en pleine carrière de mannequin.

Diplômée en droit, elle rêvait d’être avocate pour défendre les femmes opprimées. Reeva venait de tourner une série-réalité, Tropika Island, en Jamaïque. Le succès et la notoriété étaient là, l’argent coulait. Qui pouvait imaginer une telle fin ? Hagen Engler, directeur du mensuel people FHM, avait publié des photos d’elle. Elle venait d’achever une liaison avec François Hougaard, le demi de mêlée des Spring Boks.

Mais sa relation avec Oscar avait été « officialisée » dans le magazine people « Heat ». Même si Reeva pensait que Oscar allait un peu vite en projets.

Quand le policier Hilton Botha arrive sur les lieux, il ne peut que constater le décès. Il connait Oscar. Tout le monde connaît Oscar. Hilton Botha protège très mal la scène de crime. Pas de chaussons. Pas d’analyse des téléphones portables. Botha le paiera très cher puisqu’il sera débarqué de l’enquête et qu’il démissionnera même de la police, suite notamment à une affaire de fusillade dans le passé. Mais aucune effraction n’est relevée dans l’appartement de Oscar Pistorius.

Oscar soutient depuis le début qu’il pensait avoir affaire à un cambrioleur. Il ne changera jamais sa version. « He has always maintained he fired in the mistaken belief that an intruder was hiding behind the door ». Mais Enzo, le Pitbull et Silo, le Bull-Terrier, n’auraient-ils pas donné l’alerte en cas d’intrusion d’un cambrioleur ?

Le marathon judiciaire, médiatisé à outrance, mérite d’être rappelé, ses protagonistes étant hors du commun. Le 22 février 2013, le juge Desmond Nair remet en liberté Oscar Pistorius après le paiement d’une caution de 100 000 dollars. Les charges sont insuffisantes pour le maintenir en détention. L’enquête n’a pas abouti, elle est mal faite, lacunaire, pleine d’approximations. Le Juge Nair ne peut faire autrement. Le procureur Gerhard C. « Gerrie » Nel, né en 1961, surnommé le Bulldog, enrage. Il n’est pas du genre à accepter de telles décisions. Il a la réputation de ne jamais renoncer. C’est lui qui a fait condamner à 15 ans de prison, pour corruption Jacob « Jackie » Sello, Selebi (1950-2015), patron de la police sud-africaine et directeur de Interpol. Il n’a que faire des pressions et des menaces. Il ira jusqu’au bout pour faire condamner Pistorius. Il quitte la magistrature en 2016 pour rejoindre une association de défense des droits civiques.

Mais sur les bancs de la défense, officie l’avocat Barry Roux. Il détruira littéralement l’enquête de Hilton Botha. A ses côtés, maître Kenny Oldwage, l’avocat qui avait obtenu la relaxe du chauffard coupable de la mort de la petite-fille de Nelson Mandela. Oscar Pistorius n’a pas hésité à engager les pénalistes les plus efficaces.

Le 21 octobre 2014, la juge Thokozile Masipa décide que Oscar Pistorius a tiré à travers la porte du cabinet de toilettes « en toute conscience mais sans intention de tuer ». Il n’y a pas de jury populaire en Afrique du Sud. La juge fait face et décide seule. Cinq ans de prison pour Oscar Pistorius !

C’est la consternation en Afrique du Sud, notamment chez les militantes de l’ANC. Comment accepter une aussi faible sanction ? N’est-ce pas un encouragement à la violence contre les femmes ?

Pourtant, la juge Thokozile Matilda Masipa, née en 1947, à Soweto, travailleuse sociale à ses débuts, puis avocate en 1991, à plus de 40 ans, n’est pas suspectée de clémence avec les auteurs de crimes et de viols. Elle a connu les pires heures de l’apartheid. Elle connaît la misère des townships et le climat de violence à l’égard des femmes. Elle est la deuxième juge noire à être nommée à la Haute Cour d’Afrique du Sud, en 1998, après Lucy Maillula. Une réussite exemplaire.

La juge, originaire de Soweto, condamne Oscar à une peine de cinq ans de prison, expliquant que le condamné a exprimé des remords et qu’il n’avait pas l’intention de tuer Reeva. Mais le parquet sud-africain, le National Prosecuting Authority, interjette appel. Il est hors de question pour lui de qualifier les faits d’homicide involontaire.

Comment Oscar a-il pu prendre Reeva pour un cambrioleur ? Comment justifier quatre coups de révolver dans une porte de cabinet de toilettes, pièce exiguë, où les projectiles devaient nécessairement blesser ou tuer la personne à l’intérieur ?

La porte du cabinet de toilettes a été transportée dans la salle du tribunal. Les experts en balistique expliquent les trajectoires des balles. Les médecins légistes les blessures reçues. D’autres experts évaluent les coups de batte de base-ball portés par Oscar Pistorius pour défoncer la porte fermée de l’intérieur. Mais portait-il ses prothèses ? Ou était-il sur ses moignons ? Une vidéo diffusée par la chaine australienne Channel 7 a montré Oscar Pistorius se déplacer très facilement sur ses moignons. Alors qu’un médecin du sport, Wayne Derman, insistait sur la vulnérabilité et l’absence de mobilité de l’athlète sans ses prothèses.

Oscar Pistorius refusait d’être considéré comme handicapé en tant qu’athlète. Mais devant le juge, les avocats de Oscar Pistorius tendent à présenter le handicap comme une circonstance atténuante. Ils essaient de le présenter comme un homme diminué, qui a paniqué de ne pouvoir se défendre face à un agresseur potentiel.

On connait le goût des armes de Oscar Pistorius. En Afrique du Sud, l’insécurité chronique pousse les habitants à s’armer. Oscar avait obtenu la licence de détention du Magnum Parabellum le 10 septembre 2010. Il détenait aussi, depuis peu, deux Smith et Wesson (500 et 38), un Mossberg, un Maverick, une Winchester et un Vektr 223. Un véritable arsenal. Mais pas si rare en Afrique du Sud. On soupçonne Oscar Pistorius de mal se contrôler avec une arme. Une ancienne conquête féminine le décrit comme ayant tiré à travers le toit d’une décapotable. Il est accusé aussi d’avoir tiré une balle dans un restaurant de Johannesburg. Le projectile a manqué de peu Kevin Lerena, un ami boxeur.

Les conclusions des psychiatres (le docteur Vorster notamment) disent que Oscar Pistorius ne souffre d’aucune pathologie mentale de nature à le soustraire à ses responsabilités. Même si son handicap et le fait d’avoir perdu sa mère très jeune ont causé des troubles de la personnalité. Le rapport du psychologue clinicien (disponible sur internet mais avec certains passages biffés), Jonathan Geoffrey Scholtz (Hôpital psychiatrique de Wescoppies de Pretoria) indique toutefois, un stress post traumatique et une dépression sévère. Un Electroencéphalogramme du 11 juin 2014 n’est pas contributif. En résumé, Oscar Pistorius est exempt de toute pathologie mentale qui aurait altéré son discernement.

Le 19 octobre 2015, Oscar Pistorius est libéré. Il est assigné à résidence chez son oncle, Arnold, un riche homme d’affaires. Le 3 décembre 2015, la Cour suprême d’Afrique du Sud (Supreme Court of Appeal - S.C.A) déclare Oscar Pistorius coupable de meurtre. Un recours devant la Cour Constitutionnelle échoue. Le 6 juillet 2016, la juge Tholozile Masipa le condamne à 6 ans de prison ferme. Soit seulement une année de plus. Le ministère public fait de nouveau appel, qualifiant la sanction de « shockingly lenient ». Car la peine plancher de 15 ans, prévue pour les meurtriers, n’a pas été appliquée par la juge.

Le 3 novembre 2017, le juge Willie Legoabe Seriti de la Cour suprême d’appel de Bloemfontein annule le dernier jugement. Il applique strictement le code pénal : 15 ans de prison. Les périodes de détention sont déduites. La peine de prison dont écope Oscar Pistorius est de 13 ans et cinq mois. « Pistorius displays a lack of remorse, and does not appreciate the gravity of his actions » dit le juge. Un manque de remord et une mauvaise appréciation de la gravité.

Van Zyl, l’agent, Louw, le coach, Henke, le père, Arnold, l’oncle, Carl, le frère aîné, Aimée, la sœur cadette, le meilleur ami, Justin Divaris, font bloc avec Oscar.

Certains espèrent que la tante de Oscar Pistorius, Micki Pistorius, une criminologue, une ex-profileuse au sein de la police sud-africaine, reconnue comme une des meilleures spécialistes des criminels, donne son avis un jour, sur son neveu.

Oscar Pistorius doit respecter des programmes visant à faciliter sa réinsertion. Notamment une thérapie pour ses colères et les violences infligées aux femmes.

Son régime conditionnel, prévu jusqu’au 5 décembre 2029, lui impose de rester dans un certain périmètre autour de Prétoria. Probablement sera-t-il domicilié chez son oncle qui a déjà joué un rôle important dans la fixation de la résidence. La réussite des programmes de réinsertion dépend de l’environnement de Oscar Pistorius. Il n’aura pas droit à l’erreur. Reste aussi à savoir si les conditions de sa libération ne peuvent pas être modifiées. La réinsertion doit aussi être envisagée sur le plan professionnel. Avec l’aide de tous les spécialistes, psychologues et psychiatres. Dans quel état psychologique Oscar Pistorius se trouve-t-il ?

Nul doute que Oscar Leonard Carl Pistorius ne loupera pas les jeux olympiques et paralympiques de 2024. Certains le voient commentateur ou consultant. Un retour improbable sur une certaine scène médiatique mais qui n’est pas impossible.

La maman de Reeva, morte à 29 ans, n’a jamais cru et ne croira jamais Oscar sur les circonstances de la mort de Reeva.

Parce que pour elle, le drame est sans fin.

A suivre.

Vincent Ricouleau
Professeur de droit -Vietnam -
Directeur-fondateur de la clinique francophone du droit au Vietnam
Titulaire du CAPA - Expert en formation pour Avocats Sans Frontières -
Titulaire du DU de Psychiatrie (Paris 5), du DU de Traumatismes Crâniens des enfants et des adolescents (Paris 6), du DU d’évaluation des traumatisés crâniens, (Versailles) et du DU de prise en charge des urgences médico-chirurgicales (Paris 5)

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