Handicap : pas de contravention même si la CMI n’est pas apposée !

Par Sylvain Bouchon, Avocat.

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Explorer : # handicap # stationnement # tolérance

La justice relaxe le conducteur titulaire de la carte de stationnement pour conducteur handicapé (appelée aussi : Carte mobilité inclusion), garé sur une place handicapé, qui aurait oublié de l’apposer sur son pare-brise et aurait été verbalisé.

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Oublier sa carte de stationnement pour personne handicapé peut arriver : mais cela peut coûter cher. En effet, il est arrivé plusieurs fois que soit verbalisée une personne handicapée, garée sur une place de stationnement pour personne handicapée, titulaire de la carte mobilité inclusion, mais qui avait oublié d’apposer cette dernière.

La contravention était ainsi dressée sur le fondement de l’article R.417-11 du Code de la Route, c’est-à-dire pour stationnement très gênant.
Le 3e paragraphe de cet article prévoit en effet qu’est considéré comme très gênant pour la circulation publique l’arrêt ou le stationnement d’un véhicule sur les emplacements réservés aux véhicules portant une Carte mobilité inclusion (CMI) comportant la mention « stationnement pour personnes handicapées ».
Or, quid de la situation dans laquelle le titulaire de la CMI mention stationnement a oublié d’apposer sa CMI sur le pare-brise ?

Juridiquement, deux analyses sont possibles : soit on considère que l’aspect décisif pour avoir le droit de se garer sur une telle place consiste à être titulaire de la CMI stationnement, soit on considère qu’il faut être en mesure de prouver ce droit, et qu’à défaut, les agents verbalisateurs ne peuvent pas deviner.

La Cour de cassation a opté pour la première solution, dans un sens compréhensif envers la personne handicapée [1].
Dans cette affaire, le Tribunal de Police d’Avignon avait estimé que l’agent verbalisateur n’avait pas pu lire les mentions figurant sur cette carte.
Certes, répond la Cour de Cassation, mais la seule chose qui compte est que le conducteur "était bien titulaire à la date des faits, du titre l’autorisant à laisser son véhicule en stationnement sur un emplacement réservé aux personnes handicapées".

Tout est donc une question de point de vue : est-il plus juste de se mettre à la place des policiers ou gendarmes qui ont fait normalement leur travail, ou de la personne handicapée, à laquelle un droit spécial de stationnement est accordé, et qui doit, en vertu du droit commun de la preuve, justifier en quoi elle est titulaire d’un droit ?
La Cour de Cassation a une lecture compréhensive de la situation en se montrant tolérante avec la personne handicapée.

Dans une autre, le Tribunal de Police de Bergerac a appliqué la même jurisprudence, motivée somme suit :
« Attendu qu’il résulte des débats de l’audience et des pièces versées à la procédure que Mme X est bien titulaire de la carte de stationnement pour personnes handicapées, dite carte de mobilité inclusion, dont une copie est jointe à son dossier ;
Que le fait de savoir si ladite carte était apposée sur son pare-brise importe peu.
Qu’il convient en conséquence de renvoyer des fins de la poursuite Madame X
 » [2].

Dans cette affaire, le Ministère Public, contacté avant l’audience à plusieurs reprises, n’avait rien voulu savoir et avait maintenu la poursuite contraventionnelle.
Le Tribunal a finalement relaxé la personne handicapée fautive de n’avoir pas apposé sa CMI, mais qui lui a prouvé qu’elle était bien titulaire de la carte.

Cette solution a le mérite de l’humanité et doit être soulignée. Attention néanmoins à ne pas prendre prétexte de cette jurisprudence pour ne jamais apposer la CMI : rien ne dit que cette tolérance de bon sens serait encore applicable en cas d’oublis récurrents.

Sylvain Bouchon
Avocat au barreau de Bordeaux
bouchonavocat chez gmail.com

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Notes de l'article:

[1Cour de Cassation, Chambre criminelle du 3 juin 2014, cassant un jugement du Tribunal de Police d’Avignon du 3 avril 2013.

[2Tribunal de Police de Bergerac, 7/06/2021.

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Discussion en cours :

  • par BONARD , Le 21 avril 2023 à 09:00

    Décision judicieuse et humaine de la C. Cass. et du tribunal...
    Ce qui n’est toujours pas le cas de certains OMP et du juge du tribunal de police qui se serve l’art. L 2213-2-2° du CGCT...en omettant volontairement l’art. 2213-2-2° 3° et l’art. L241-3 et suivant du CAS et des Familles...

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