Il convient de s’intéresser à un arrêt rendu en septembre 2019 qui vient aborder les moyens de contestation du débiteur en droit de la saisie immobilière lorsqu’il entend contester les prétentions de la banque car il considère que la procédure de saisie immobilière est irrecevable et mal fondée.
Dans cette affaire, Monsieur O avait souscrit différents prêts auprès d’une banque.
La dite banque a cédé ses créances à un fonds commun de titrisation qui a fait délivrer à Monsieur E un commandement de payer valant saisie immobilière.
A l’audience d’orientation, un jugement a rejeté toutes les contestations de Monsieur O et a ordonné la vente forcée des biens et droits immobiliers objets de la saisie.
C’est dans ces circonstances que Monsieur O a fait appel et a soulevé l’exception de nullité des actes de signification des décisions de justice.
La Cour d’Appel l’ayant débouté, Monsieur O s’est pourvu en cassation.
Il faisait grief à l’arrêt de la Cour d’appel qu’il contestait à hauteur de Cour de cassation, d’avoir, après avoir déclaré recevable le moyen de nullité tiré de l’irrégularité d’un acte de signification des 28 juin 2005 et 18 août 2012 pour n’être pas nouveau en appel en cause d’appel, déclaré irrecevable l’exception de nullité des actes de signification.
Monsieur O reprochait à la Cour d’appel, d’avoir, en conséquence de cette argumentation, décidé que les conditions des articles L311-2, L311-4 et L311-6 du Code des Procédures Civiles d’Exécution étaient bel et bien réunies.
De telle sorte que le fonds commun de titrisation qui poursuivait la saisie immobilière au préjudice de Monsieur O était bien bénéficiaire d’une créance liquide et exigible d’un montant de 100 000 euros toutes créances confondues.
Dans le cadre de son argumentation, Monsieur O se prévalait de la nullité des actes de signification des décisions de justice sur le fondement desquelles le commandement de payer valant saisie lui avait été signifié.
Par là même, il entendait demander au juge de l’orientation de constater que le fonds commun de titrisation ne disposait d’aucun titre exécutoire lui permettant de poursuivre une saisie immobilière conformément à l’article L311-2 du Code des Procédures Civiles d’Exécution.
Il reprochait à la Cour d’appel d’avoir écarté ce moyen comme étant irrecevable au regard de l’article 112 du Code de Procédure Civile,
La cour d’appel lui reprochait notamment d’avoir sollicité la nullité d’un acte de procédure seulement après avoir soulevé deux autres fins de non-recevoir tirées de la prescription de la créance et du fait de défaut qualité du créancier poursuivant.
La Cour d’appel se serait-elle trompée ?
La Cour de Cassation considère que le moyen de nullité d’un acte de signification formulé au soutien d’une demande tendant à voir déclarer un jugement privé de caractère exécutoire ne constitue pas une exception de nullité.
Dès lors, en qualifiant de demande de nullité d’un acte de procédure le moyen par lequel Monsieur O se prévalait de la nullité des actes de signification des décisions de justice sur le fondement desquelles le commandement de payer valant saisie lui avait été signifié pour montrer que le créancier saisissant ne disposait pas d’une décision de justice ayant force exécutoire, la Cour d’appel avait violé les articles 112 et 113 du Code de procédure civile ainsi que les articles L111-2, L111-3 et L311-2 du Code des Procédures Civiles d’Exécution.
Cela est fort heureux.
Dans le cadre de sa défense, Monsieur O a soulevé deux fins de non-recevoir tirées de la prescription de la créance et du défaut de qualité du créancier poursuivant.
La Cour d’Appel avait dissocié exception de procédure et défense au fond et a considéré que l’exception de procédure devait être évoquée avant toute autre argumentation.
Si le débiteur et son conseil, car il s’agit in fine de la responsabilité de l’avocat, évoquent des moyens dans un ordre qui ne convient pas à la Cour, ils ne peuvent plus soulever de contestation pour être mal positionnées car ils ne respectent pas le bon ordre de présentation et leurs demandes ne peuvent qu’être rejetées.
Il est vrai que l’article 73 du Code de Procédure Civile rappelle que « constitue une exception de procédure tout moyen qui tend soit à faire déclarer la procédure irrégulière ou éteinte, soit à en suspendre le cours. »
Pour autant les articles 71 et 72 du même code amènent à aborder l’ordre de l’argumentation.
L’exception de procédure doit être soulevée avant toute autre argumentation ce qui n’est pas le cas d’une défense de fond peut être soulevée à tout moment, sans aucun ordre à respecter.
Il convient d’ailleurs de rappeler que la jurisprudence est claire en la matière, le droit de la saisie immobilière ne bénéficie pas de l’effet dévolutif et si le débiteur ne soulève pas l’ensemble des arguments de fait et de droit à sa portée devant le juge de l’orientation, il ne peut plus le faire après.
Malheureusement, bon nombre de débiteurs saisis l’oublient.
Ou, à tout le moins leur conseil.
Mais à bien lire la jurisprudence, il est assez aisé de penser que les juges d’orientation ont une fâcheuse tendance naturelle à privilégier l’établissement bancaire plutôt que le débiteur saisi.
Fort heureusement, la Cour de Cassation vient rappeler qu’en statuant ainsi, alors que la nullité invoquée, qui tendait à contester le caractère exécutoire des décisions de justice sur le fondement desquelles la procédure de saisie immobilière avait été pratiquée constituait non une exception de procédure mais une défense au fond qui peut être proposée en tout état de cause, la Cour d’Appel a violé les textes susvisés.
Cette jurisprudence est d’autant plus intéressante qu’elle vient également s’intéresser au défaut de qualité à agir du fonds commun de titrisation,
La Cour de Cassation rappelle que la remise du bordereau entraîne de plein droit, aux termes de l’article L 214-169 du Code Monétaire et Financier le transfert des sûretés, des garanties et des accessoires attachés à chaque créance, y compris les sûretés hypothécaires.
A bien y comprendre, le droit de mettre en œuvre les mesures d’exécution résulte expressément des articles L214-180 et L214-183 du Code Monétaire et Financier, fondant le droit de poursuite en matière saisie immobilière.
De telle sorte que sur cette base, le fonds de titrisation est fondé à faire délivrer un commandement de payer aux fins de saisie immobilière,
La Cour de cassation rappelle qu’il appartient au juge de vérifier le contenu du bordereau de cession de créances déposé au rang des minutes d’un notaire,
Ce bordereau de cession de créances doit contenir diverses énonciations, notamment celles prévues par l’article D 214-227 permettant ainsi la désignation et l’individualisation des créances cédées.
Dans cette affaire, après analyse des éléments de créances mentionnés suivis du nom de Monsieur O, le juge de l’orientation s’assure d’une identification suffisante des créances cédées à l’encontre de l’intéressé.
Le juge de l’orientation ayant par ailleurs considéré que l’acte de cession était suffisant pour identifier les créances cédées, et que la suffisance de l’identification et le fait que l’opération de titrisation transfère au cessionnaire les droits et actions appartenant au cédant et attachés à la créance cédée notamment le titre exécutoire obtenu par le cédant.
Ce point est important car s’il n’a pas permis à Monsieur O de remettre en question la qualité à agir du fonds de titrisation, il n’en demeure pas moins que ces points doivent impérativement être vérifiés.
Cette jurisprudence est donc doublement intéressante.
En premier lieu, la Cour de Cassation confirme que l’exception de nullité d’un acte de signification d’une décision de justice, invoquée pour contester le caractère exécutoire de la décision de justice sur le fondement de laquelle la procédure de saisie immobilière est pratiquée, constitue non une exception de procédure mais une défense au fond qui peut être proposée en tout état de cause, soit à tout moment,
En deuxième lieu, elle rappelle que le fonds commun de titrisation doit justifier de sa qualité à agir et de ce que la cession de créance ait été réalisée conformément à la Loi.
Dans les deux cas, le débiteur saisi doit procéder à ces vérifications d’usage, trop souvent négligées, qui demeurent pourtant d’excellents axes de défense.