1. Qu’est-ce que le fichier de traitement d’antécédents judiciaires (TAJ) ?
Les grands fichiers de police judiciaire que sont le Stic pour la police et Judex pour la gendarmerie ont été réunis sous un fichier unique dénommé TAJ (Traitement d’antécédents judiciaires) par un décret n° 2012-652 du 4 mai 2012. Les règles concernant le TAJ sont intégrées à la partie réglementaire du code de procédure pénale (C. pr. pén., art. R. 40-23 et s.).
Quelles données ?
Le traitement est constitué des données recueillies dans le cadre des procédures établies notamment par les services de la police et les unités de la gendarmerie nationales, ou par des agents des douanes habilités à exercer des missions de police judiciaire, ou encore des données à caractère personnel issues des traitements gérés par des organismes de coopération internationale en matière de police judiciaire ou des services de police étrangers.
Le TAJ contient des informations sur les personnes suivantes :
- les personnes mises en cause comme auteurs ou complices d’un crime, d’un délit ou de certaines contraventions de 5e classe,
- les victimes de ces infractions,
- les personnes faisant l’objet d’une enquête pour la recherche des causes de la mort, de blessures graves ou d’une disparition inquiétante.
Quelles finalités et qui peut le consulter ?
En premier lieu, le TAJ a une finalité judiciaire : il peut être consulté par les services de la gendarmerie nationale et de la police nationale, ainsi que les magistrats du parquet, à des fins d’enquêtes et de poursuites judiciaires, pour faciliter la constatation des infractions à la loi pénale, le rassemblement des preuves de certaines infractions et la recherche de leurs auteurs, mais également l’exploitation des informations recueillies à des fins de recherche statistique. [1]
Ce fichier poursuit également une finalité administrative liée à la mise en œuvre de mesures de protection ou de recueil de renseignements nécessaires à la prise de décisions administratives relatives à des emplois dont l’exercice est subordonné à un agrément (activités privées de sécurité, emplois au sein de zones de sûreté à accès réglementé), et ainsi notamment :
- les agents du service national des enquêtes administratives de sécurité (SNEAS),
- les agents du Commandement spécialisé pour la sécurité nucléaire (CoSSeN),
- les agents du Conseil national des activités privées de sécurité (Cnaps).
De même, le TAJ est consulté dans le cadre des enquêtes administratives qui sont diligentées par la préfecture lors de l’instruction de demandes d’acquisition de la nationalité française, de délivrance et de renouvellement de titres de séjour.
Or dès lors qu’une infraction pénale y figure, la préfecture sera susceptible de refuser la nationalité française ou la délivrance d’un titre de séjour, notamment pour motif de trouble à l’ordre public.
2. TAJ : que faire impérativement avant de déposer une demande de titre de séjour, de visa ou de naturalisation ?
Le TAJ est un fichier critiqué notamment en raison des retards de ses mises à jour et des nombreuses informations erronées qu’il contient.
Ainsi, avant de déposer toute demande à la préfecture ou au Consulat, il est important de consulter le fichier pour vérifier si des données personnelles y figurent et le cas échant, de vérifier leur exactitude.
En effet, une demande de suppression des données du fichier peut être adressée au Procureur de la République dans les cas ci-après :
- une décision définitive de relaxe ou d’acquittement,
- une décision définitive de non-lieu,
- une décision définitive de classements sans suite,
- une déclaration de culpabilité suivie d’une dispense de peine,
- une condamnation à une peine, quelle qu’en soit la nature, dès lors que cette condamnation a fait l’objet, en application des articles 775-1 ou 777-1 du code de procédure pénale, d’une dispense de mention au bulletin n°2 du casier judiciaire, ordonnée dans le jugement de condamnation ou sur requête ultérieure du condamné.
En effet, si la dispense de mention au bulletin n°2 n’est pas accordée par le juge, il est possible d’en demander l’effacement au procureur de la République six mois après que la condamnation est devenue définitive. Après un certain délai, il est également possible de demander la réhabilitation judiciaire ou la suppression de toutes les mentions du casier judiciaire.
Dans les cas susvisés de dispense ou d’effacement de certaines condamnations du bulletin n°2 du casier judiciaire, il est possible de demander l’effacement des données correspondantes au TAJ dès que le jugement est devenu définitif, et ce même si d’autres mentions figurent à son bulletin n° 2.
Dans les autres cas, la personne ne peut former sa demande, à peine d’irrecevabilité, que lorsque ne figure plus aucune mention de nature pénale au bulletin n°2 de son casier judiciaire (même si les condamnations inscrites au casier judiciaire sont sans aucun lien avec l’inscription figurant au TAJ à l’origine). [2]
Par ailleurs, une demande de rectification des données peut être adressée à tout moment au Procureur de la République, en particulier en cas de requalification judiciaire, qui est de droit pour la personne concernée (si elle le demande).
Enfin, la durée de conservation des données, qui varie selon les cas, doit encore être vérifiée (C. pr. pén., art. R. 40-27).
Le Procureur de la République se prononce dans un délai de deux mois sur les suites qu’il convient de donner aux demandes qui lui sont adressées. Il peut :
- soit ordonner ou refuser la rectification ou l’effacement des données inscrites au TAJ,
- soit décider que ces données seront maintenues au TAJ avec l’inscription d’une mention faisant obstacle à leur consultation dans le cadre des enquêtes administrative.
En l’absence de réponse du parquet dans ce délai, la personne concernée peut saisir directement le président de la chambre de l’instruction, conformément aux dispositions générales de l’article 802-1 du Code de procédure pénale.
Les décisions du procureur de la République sont susceptibles de recours devant le président de la chambre de l’instruction.
Ces démarches préalables sont d’autant plus importantes au vu de la jurisprudence récente, qui semble refuser de tirer les conséquences des défauts de mise à jour ou des erreurs figurant sur les fichiers, malgré les préjudices subis de ce fait par les personnes concernées.
Par un avis en date du 17 avril 2023, le Conseil d’État a en effet considéré que l’absence de mise à jour du TAJ, qui avait permis à l’administration de consulter le fichier, alors qu’une mention interdisant la consultation du fichier aurait dû être apposée, ne rendait pas la décision de refus de séjour du préfet illégale (CE, avis, 17 avril 2023, n°468859).
3. Comment contester une décision de refus prise sur la base d’informations provenant du TAJ ?
L’accès au TAJ est strictement encadré, afin de préserver l’équilibre entre le respect de la finalité judiciaire du fichier et les conséquences d’une consultation de ce fichier par des entités administratives.
Ainsi, en cas de refus de nationalité, de délivrance ou de renouvellement d’un titre de séjour motivé par les informations figurant sur le TAJ, le respect des garanties qui suivent, qui encadrent la consultation du fichier, doit être vérifié, car à défaut, la décision de refus doit être annulée :
- la qualité de la personne ayant consulté le fichier.
Les décrets n°2015-648 du 10 juin 2015 et n°2017-1217 du 2 août 2017 ont consacré l’accès au TAJ par des autorités administratives limitativement énumérées et dans des conditions précises qui doivent être vérifiées.
Ainsi, seuls les personnels investis de missions de police administrative individuellement désignés et spécialement habilités par le représentant de l’État peuvent effectuer des consultations, en particulier les services chargés de la gestion des étrangers et de la nationalité dans le cadre de leurs enquêtes administratives.
Les consultations effectuées font l’objet d’un enregistrement comprenant l’identifiant du consultant, la date et l’heure de la consultation ainsi que sa nature administrative ou judiciaire. Ces données sont conservées cinq ans (C. pr. pén., art. R. 40-30).
Le non-respect de ces garanties rend la décision qui en est issue irrégulière et celle-ci encourt l’annulation.
- l’existence d’une mention interdisant la consultation du fichier.
Comme vu plus haut, certaines infractions figurant au fichier font l’objet d’un effacement ou de l’apposition d’une mention qui en interdit la consultation à des fins d’enquête administrative.
Il convient donc de vérifier le respect de cette garantie procédurale, à défaut de quoi la décision de refus prise par l’administration est irrégulière.
Cependant, par un avis en date du 17 avril 2023, le Conseil d’Etat, après avoir rappelé le principe selon lequel dans le cadre d’une enquête administrative menée pour l’instruction d’une demande d’acquisition de la nationalité française, les données à caractère personnel concernant une personne mise en cause qui figure dans le TAJ ne peuvent être consultées lorsqu’elles font expressément l’objet d’une mention, notamment à la suite d’une décision de non-lieu ou de classement sans suite, a précisé que, tant que les données ne sont pas formellement assorties de la mention du non-lieu ou du classement sans suite, la consultation est régulière, même si la mention aurait dû être apposée à la date de la consultation (CE, avis, 17 avril 2023, n°468859).
Il convient donc en outre de vérifier la preuve de l’absence de mention sur le fichier, afin de s’assurer de la légalité de la procédure.
- la saisine préalable des services de police et du Procureur de la République sur les suites judiciaires.
Enfin, la jurisprudence récente est venue renforcer les garanties des justiciables, en rappelant que l’administration ne peut refuser un titre de séjour sur la base d’informations provenant du TAJ sans justifier du respect de la procédure préalable prévue par l’article R40-29 I du Code de procédure pénale qui prévoit qu’une décision administrative défavorable ne peut intervenir sur la base d’informations contenues dans le fichier TAJ qu’après saisine préalable, pour complément d’information, des services de police ou de gendarmerie et du Procureur de la République sur les suites judiciaires, à défaut de quoi la décision de refus de titre de séjour est prise à l’issue d’une procédure irrégulière et doit être annulée (CAA Bordeaux, 3e ch., 31 mai 2023, n° 23BX00139).
L’assistance d’un avocat peut donc être utile à chacune des phases de la procédure, pour veiller au bon respect de la règlementation qui encadre le fichier TAJ.
Discussions en cours :
Chère Consœur,
Un grand merci pour cet article très éclairant. Je ne pratique absolument pas cette matière . Je ne pouvais pas imaginer un seul instant , avant de vous avoir lue , combien les données recensées par le TAJ pouvait être déterminantes dans une procédure de naturalisation ou d’obtention ou régularisation d’un titre de séjour. Je suis sidéré par la position du Conseil d’Etat qui valide une procédure administrative alors que le TAJ n’est pas à jour d’un non lieu ou d’une relaxe définitifs. Encore merci et bravo .
Votre bien dévoué confrère ,
Emmanuel Daoud
Merci Cher Confrère. Il reste heureusement possible de contester la légalité d’une décision administrative prise dans ces circonstances si l’administration n’a pas respecté son obligation d’effectuer des vérifications complémentaires auprès des services compétents. Encore merci pour votre commentaire.
Comment consulter son propre TAJ ? Est il possible de se rentre au commissariat pour savoir si il y’a une mention dessus ?