1. Le durcissement des règles par la plateforme Airbnb.
Afin de lutter contre ce phénomène de fêtes sauvages, les plateformes de type Airbnb ont-réagi en commençant à durcir leur propre réglementation.
A cet effet, Airbnb Etats-Unis dispose dorénavant de la possibilité d’interdire aux jeunes de moins de 25 ans de louer un logement situé dans leur région.
La règle est simple ! Il est désormais impossible pour les clients de moins de 25 ans disposant de moins de 3 avis positifs de réserver un logement situé dans leur région.
Les plateformes partent d’un constat simple : un jeune n’a aucun intérêt, autre que celui de faire la fête, de louer un appartement dans la même région que son lieu d’habitation.
A noter que cette règle est pour le moment applicable qu’aux Etats-Unis et au Canada, et fait suite aux événements tragiques causés lors d’organisations de soirées clandestines [1].
Suite aux nombreuses polémiques soulevées contre ces fêtes sauvages organisées durant le confinement, il paraît évident que cette nouvelle réglementation sera introduite en France d’ici peu par la plateforme.
Ainsi, depuis décembre 2019, Airbnb impose désormais aux locataires d’obtenir l’accord de leur propriétaire pour organiser ce genre de soirées. Sont alors concernés « tous les événements que l’organisateur ouvre à quiconque souhaite y assister, comme les rassemblements annoncés sur les réseaux sociaux ».
De plus, des lignes directes vont être mises en place par la plateforme afin que les propriétaires voisins du lieu de la fête clandestine et les agents municipaux puissent informer Airbnb de la survenance de l’événement.
La plateforme insiste sur le fait que si les plaintes sont récurrentes à l’encontre d’un même organisateur, il pourrait alors voir son compte clôturé.
Quoiqu’il en soit, si un propriétaire souhaite mettre son bien sur Airbnb mais qu’il refuse que son appartement soit utilisé à des fins d’organisation de fête clandestine, il doit le mentionner expressément dans l’annonce sur la plateforme.
2. Les moyens à votre disposition pour établir la preuve de l’existence d’une fête clandestine.
Vous êtes le voisin locataire ou propriétaire d’un bien utilisé pour organiser des soirées clandestines et vous souhaitez engager agir à l’encontre du propriétaire de l’appartement ?
Pour démontrer une activité de type Airbnb, et plus précisément l’existence récurrente de soirées clandestines dans le bien, vous devez tout d’abord constituer la preuve juridique de ces désordres.
Plusieurs modes de preuves sont à votre disposition :
Tout d’abord, n’hésitez pas à prendre vous-même photos et vidéos des soirées clandestines dont vous êtes victimes afin de commencer à vous constituer un dossier de preuves conséquent.
Si lors d’une nuit, les bruits de la soirée clandestine deviennent intolérables pour vous, rien ne vous empêche de faire intervenir la police. D’une part, celle-ci fera cesser pour l’immédiat la soirée en cours qui vous occasionne un dommage, mais surtout, l’agent de police dressera un procès-verbal, qui constituera pour vous un mode de preuve, sur l’existence de ces soirées clandestines organisées dans des appartements loués pour une très courte durée.
Il vous sera également possible d’apporter la preuve de l’existence de ces soirées clandestines via des témoignages d’autres voisins et copropriétaires. Pour cela, la personne devra remplir un document Cerfa [2] que vous pouvez télécharger sur le site internet service public , qui pourra par la suite être produit en justice.
Certaines applications récentes permettent aussi de vous constituer des moyens de preuve efficaces. Grâce à votre smartphone, vous pouvez envoyer photos ou vidéos directement afin que ces pièces soient authentifiées par un acte d’huissier. Ce service est payant mais reste accessible au plus grand nombre et de façon instantanée.
Cependant, un constat d’huissier reste « la preuve parfaite » et permet de limiter toute discussion sur la réalité de l’existence de ces soirées clandestines. En effet, avec un constat d’huissier, l’infraction pourra être plus facilement démontrée devant le Tribunal et au propriétaire du bien.
L’huissier de justice pourra faire des constats internet des annonces, qui démontreront le nombre de commentaires et la réalité des locations meublées touristiques dans l’immeuble.
L’huissier pourra également se rendre chez vous lorsqu’une soirée clandestine sera organisée chez votre voisin, pour apprécier la réalité des nuisances et des désagréments occasionnés. Il pourra à cet effet mesurer le niveau des décibels ainsi que la récurrence de l’organisation de ce genre de soirées dans un même appartement.
Dans les cas les plus graves, après avoir obtenu une ordonnance du tribunal judiciaire, l’huissier de justice pourra se présenter au lieu de l’appartement objet d’une soirée clandestine, afin de constater par lui-même les conditions d’occupation du logement et les désordres engendrés.
Sans ce constat d’huissier, votre démarche sera fragilisée car aisément contestable par le propriétaire qui pourrait rejeter vos éléments de preuve.
3. Vérifier le respect des clauses du règlement de copropriété.
Le règlement de copropriété est un outil essentiel reprenant les droits et devoirs des copropriétaires.
Consacré par la loi et la jurisprudence, le Juge est tenu par le respect de ses dispositions sous réserve que les clauses ne soient pas litigieuses ou soumises à interprétation.
L’article 9 de la loi du 10 juillet 1965 prévoit que chaque propriétaire dispose de ses parties privatives (…) sous la condition de ne porter atteinte ni aux droits des autres copropriétaires, ni à la destination de l’immeuble.
Afin d’apprécier si un lot de copropriété peut faire l’objet de locations meublées touristiques, il convient de lire le règlement de copropriété et plus précisément la partie dédiée à la destination de l’immeuble et/ou ses conditions de jouissance.
Il s’agit là d’apprécier l’affectation et la destination des lots par le règlement de copropriété.
Le règlement de copropriété peut prévoir l’interdiction des locations de courte durée (dans les anciens règlements de copropriété, on parle souvent d’interdiction du « commerce des garnis ») ou soumettre ces dernières à autorisation des copropriétaires.
Les règlements de copropriété prévoient généralement ce que l’on peut appeler une clause d’habitation bourgeoise simple ou exclusive.
En droit, la clause d’habitation bourgeoise désigne une clause d’un règlement de copropriété permettant au locataire d’utiliser les locaux privatifs pour l’habitation personnelle mais aussi pour l’exercice d’activités professionnelles libérales, à la différence de la clause d’habitation bourgeoise exclusive qui elle interdit purement et simplement toute activité professionnelle ou commerciale.
A retenir ! En premier lieu, un propriétaire qui souhaite engager des poursuites à l’encontre d’un autre propriétaire de la copropriété, dont le bien est utilisé à des fins d’organisation de soirées clandestines, doit vérifier les clauses du règlement de copropriété de l’immeuble. Si une de ces clauses stipule que la location meublée touristique est interdite, vous devrez alors vous rapprocher de votre syndic de copropriété afin qu’il fasse respecter le règlement de copropriété. L’assistance d’un avocat est ici préconisé.
4. Vous mettre en relation avec le syndic de copropriété pour faire cesser les nuisances liées aux troubles anormaux du voisinage.
En l’absence d’interdiction spécifique dans le règlement de copropriété, il sera malgré tout possible d’engager des poursuites contre un propriétaire dont le bien est l’objet de soirées clandestines, sur le fondement du trouble anormal de voisinage.
La théorie des troubles anormaux de voisinage met en œuvre une responsabilité sans faute nécessitant la preuve d’un lien de causalité entre un fait et une nuisance constitutive d’un trouble anormal.
Lorsque le trouble de voisinage émane d’un immeuble donné en location, sa victime peut en demander réparation au propriétaire. Cette action pourra être intentée à titre individuel par chaque voisin et/ou par le syndicat des copropriétaires, si le trouble subi affecte tout l’immeuble. Ce qui pourrait être le cas d’une petite copropriété.
Les juges n’hésitent pas à appliquer cette théorie pour condamner des copropriétaires à l’égard du syndicat de copropriété en raison du trouble généré par leurs locataires louant pour de courtes périodes.
A titre d’exemple, un syndicat de copropriétaires peut agir à l’encontre d’un copropriétaire sur le fondement d’un trouble anormal de voisinage [3].
La Cour d’appel de Paris a condamné les propriétaires d’un appartement à payer au syndicat la somme de 7 000 euros à chacun à titre de dommages intérêts pour les troubles occasionnés par leurs locataires tels que des bruits nocturnes, des cris et galopades d’enfants ou encore le manque de soins et de considération pour les voisins [4].
A la lecture des jurisprudences précitées, il paraît évident que les juges pourraient être réceptifs à condamner un propriétaire pour trouble anormal de voisinage du fait qu’il mette son bien en location de courte durée sur des plateformes de type Airbnb ou Booking, et que ce bien est utilisé pour organiser des soirées clandestines. En effet, ces soirées constituent des troubles anormaux de voisinage pour les autres propriétaires de la copropriété.
A retenir ! Pour faire cesser les nuisances liées aux troubles anormaux de voisinage, vous devez au préalable vous mettre en relation avec le syndic de copropriété afin qu’il puisse agir à l’encontre du propriétaire dont le bien fait l’objet de soirées clandestines. Le syndic mettra alors en demeure le propriétaire en question en lui demandant de cesser ou faire cesser les soirées clandestines lorsqu’il met en location son appartement sur une plateforme de type Airbnb.
En règle générale, la mise en demeure d’un avocat expert en locations meublées touristiques et copropriété permet de faire cesser l’activité de fêtes sauvages, lorsque cette dernière est manifestement contraire au règlement de copropriété et / ou cause des troubles anormaux du voisinage. En effet, la menace d’un procès et d’une lourde condamnation est dissuasive pour tout propriétaire qui ne peut qu’admettre l’évidence de sa contravention aux règles en vigueur.
5. L’action en référé contre le propriétaire dont l’appartement fait l’objet de fêtes clandestines.
L’action en référé est une procédure d’urgence permettant au juge de prendre des mesures provisoires afin de résoudre un litige.
Si vous décidez d’exercer un référé dans le litige vous opposant à votre voisin dont le bien fait l’objet de soirées clandestines, vous pourrez demander deux choses principalement :
Des mesures d’instruction et d’enquête : ce sont des expertises destinées à établir des faits dans l’attente d’un procès. Vous pourrez ici faire apporter les preuves de l’existence réelle de soirées clandestines à commencer par la désignation d’un huissier ;
Des mesures nécessaires pour éviter un dommage imminent ou faire cesser un trouble manifestement illicite : dans le cas où la violation de la loi est évidente, pour faire cesser les troubles anormaux du voisinage.
Par exemple, le juge des référés peut condamner le propriétaire dont le bien est l’objet de soirées clandestines, à verser une astreinte financière dissuasive pour chaque nouvelle fête sauvage organisée.
Afin d’encadrer les différentes étapes précitées, l’assistance d’un avocat spécialisé en location meublée touristique et en copropriété peut constituer une aide précieuse.
En effet, l’expérience démontre que le simple envoi d’une lettre d’avocat permet généralement la cessation des désordres. Enfin votre conseil pourra, si le courrier n’aboutit pas, saisir directement le tribunal pour faire valoir vos droits ou ceux de la copropriété.